Grand Maître Parfumeur ! Il est sans doute celui qui nous a donné le meilleur de ces fleurs. Extraire pour délivrer une concrète matière. Des miasmes, des cendres, de la solitude, des peurs, des bûchers du malheur, de la mélancolie, de la déveine, de l' Ennui, et des amours cruels.
« Les parfums, les couleurs et les sons se répondent ».
Que serait l'encens sans le musc, que serait le plaisir sans le reflet de sa douleur ? Que serait « le travail de mes mains » sans « l'amour de mes yeux ». Extraire, enfleurer, ne rien réduire mais tout exhaler.
Cueilleur de « purs miroirs » , d'images idéales . Presser de toutes ses forces l'abcès du Mal pour accueillir la Beauté qui seule peut être en mesure de désaltérer une âme. « Il est de forts parfums pour qui toute matière est poreuse.On dirait qu'ils pénètrent le verre ».
Image,flamme, miroir, l'alchimie de la douleur.
Pour qu'il y ait soleil il faut qu'il y ait eu noirceur.
Il faut donc au poète accepter les Ténèbres. Les traverser au risque de s'y perdre, de s'y faire dévorer, d'y perdre pieds, de tomber dans l'abîme, au risque de croiser des monstres stupides, gorgones terribles, d'embrasser des sirènes fantômes, d'enlacer des ombres vipérines.
Tenter d'atteindre l'Idéal préférant « la douleur à la mort » plutôt que « l'enfer au néant ».
Étonnant voyageur... « comment, amour incorruptible, t'exprimer avec vérité ? » …
Libérer le parfum de la beauté pour retrouver le goût des libertés. « il portait dans ses yeux la force de son coeur, dans Paris son désert vivant sans feu ni lieu, aussi fort qu'une bête, aussi libre qu'un Dieu ».
Transmutation sublime de nos plus terribles blessures en la Beauté éternelle de leurs coeurs.
Étonnant...étonnant parfumeur. L'élixir de
Baudelaire, le contre poison à notre ignorance des couleurs, un autre langage, un soupçon de bonheur dans les larmes de ces fleurs.
Astrid Shriqui Garain