Hervé Bazin nous fait vivre la lente descente aux enfers d'une jeune fille atteinte d'une maladie qui la paralyse peu à peu, et qui cherche à vivre par procuration en poussant ou en essayant de créer les conditions pour que son entourage, lui, profite du temps qu'elle n'a pas pour tâcher d'accomplir ses aspirations profondes. Cette entreprise, développée au sein d'une oeuvre fondamentalement pessimiste et noire, se heurte successivement aux obstacles de l'indifférence, de la trahison, ou tout simplement de la nature humaine elle-même qui proclame haut et fort des principes et des ambitions et agit en parfait désaccord avec ceux-ci.
On ne peut pas dire que ce roman soit un moment de franche rigolade ! Même les rares touches d'humour sont grinçantes, la réalité, notamment médicale, est très crue, les caractères tantôt faibles tantôt détestables, dans une ambiance de petite bourgeoisie commerçante modeste dont émane une assez désagréable odeur de moisissure. On a un peu envie d'adopter le ton très égal du livre pour porter un jugement sur lui : c'est bien écrit, mais ça ne casse pas trois pattes à un canard. Oui, il y a bien deux ou trois moments où ça s'énerve un peu, mais grosso modo, c'est très plat. On reste enfermé dans une vision très négative qui ne voit qu'hypocrisie, sournoiserie et mensonge sur tout être où elle a le malheur de se poser, ainsi que dans une pensée qui se croit systématiquement plus manipulatrice que celle des autres alors qu'elle fonce tête baissée dans tous les pièges tendus. le seul moment vraiment intéressant, à mon sens, est celui où l'héroïne en bout de course abandonne enfin ce regard qui se veut désabusé alors qu'il n'est qu'aigri pour constater toutes les occasions manquées du temps de sa santé.
Sans doute pas l'ouvrage le plus incontournable de l'auteur.