Lorsque ma fille était plus petite, je lui lisais le soir une des histoires du
Père Castor, intitulée Célestin, le ramasseur du petit matin. Célestin est un ramasseur de chagrins. "Chaque jour, de bon matin, il s'en va sur les chemins. A grandes enjambées, il s'en va pour ramasser : les petits soucis, les petits riens, les gros bobos, les gros chagrins. Avec la pointe de son bâton de bois, il pique les mouchoirs à pois, à trous, à rayures, à fleurs, à carreaux, de toutes les couleurs..."
Baptiste Beaulieu et son héros, Jean (qui lui ressemble quand même un petit peu, un tout petit peu), ils font un peu le même job que Célestin, ils ramassent les chagrins de leurs patients. Avec écoute, humanité, empathie, sensibilité. Et humilité aussi. J'adore l'humilité.
Et toutes ces histoires, ces tranches de vie, Baptiste nous les raconte, avec sa plume pleine d'auto-dérision, d'humour mais surtout pleine de colère, d'engagement, de convictions. C'est beau et c'est dur, c'est triste et c'est doux. Un peu comme la vie en somme.
Alors comme Célestin, à force de ramasser tous ces chagrins, un nuage gris de plus en plus gros se forme au-dessus de leur tête, à Baptiste, à Jean... C'est vrai, on voudrait tous avoir un médecin comme ça, un médecin comme Baptiste, comme Jean, comme Célestin. Mais on ne se demande pas assez souvent comment il va, lui, à force de ramasser les petits soucis, les petits riens, les gros bobos, les gros chagrins. Et ce roman nous fait prendre conscience que ce n'est pas rien. Alors on n'a qu'une envie, lui proposer un calin pour rien, un calin gratuit, un calin pour lui.
Si vous suivez
Baptiste Beaulieu sur les réseaux sociaux, les histoires racontées dans ce roman ne vous seront pas étrangères. Vous aurez peut-être même plaisir à reconnaître certains patients, comme la délicieuse Mme Chahib. Pour autant, réunies dans un roman, ces histoires font prendre conscience de la difficulté d'être un soignant à l'écoute, un soignant investi, du matin au soir, et du matin au soir suivant. Parce que mis bout à bout, à la fin d'une journée, ils sont bien lourds, tous ces petits soucis, ces petits riens, ces gros bobos, ces gros chagrins. On comprend que
Baptiste Beaulieu ait besoin de l'exutoire qu'est l'écriture pour alléger tous ces chagrins.
Merci Baptiste pour l'homme que vous êtes.