Citations sur Brexit romance (112)
-Ça doit bien arriver,parfois.
-Tomber amoureux? bailla Kamenev.Du moins certaines personnes en parlent,mais je ne sais pas s'il faut leur faire confiance.
À côté de lui, Justine ne pouvait détacher ses yeux des doigts de Pierre. La justesse de chaque touche appuyée, d'une précision terrible, la criblait de petits regrets pointus comme des punaise - elle était incapable, elle, de cette concentration, de cette rigueur. Elle avait abandonné depuis longtemps l'idée de faire très peu de choses très bien ; elle trouvait plus engageant de faire énormément de choses imparfaitement.
Il avait fait souvent l'expérience, plus tôt dans sa vie, de ce changement étrange parmi les spectateurs quand on leur joue de la guitare. Les gens perceptiblement se transformaient. Les garçons aux regards durs, les fille aux sourires mordeurs, se faisaient tendres et proches ; et après cela, plus rien n'était exactement pareil. Il y avait quelque chose de grisant, à triturer du bout des doigts les sentiments de ces gens-là, comme si chaque nouvelle corde pincée en tiraillait une autre, invisible, entre la poitrine de la guitare et celle des jeunes personnes qui l'écoutaient.
'Je peux pas juste faire un programme aléatoire qui matche unetelle et untel en étant irregardant du genre, de l'orientation sexuelle et de tous les autres paramètres socio-politiques, ethniques et religieux qui nous définissent tous de manière inter sectionnelle.' [...]
'Ça veut dire', expliqua Matt, 'qu'elle va pas mettre sa pote Flossie, qui est une lesbienne enflammée' (flaming lesbian, traduisit Justine en anglais face à l'expression interloquée de Cannelle), 'avec un Français en mocassins à glands qui mange des tartines d'hosties au petit déjeuner.'
"Unputdownable", disait-elle, irreposable, inlâchable (cependant elle l'avait lâché au moins le temps de prendre ce selfie).
Et Justine, perplexe, confuse, se demanda, dans les vapeurs de l'Earl Grey, pourquoi diable les Français étaient si défaitistes, si peu enclins à dépasser leurs limites, alors qu'enfin, tout était possible, quand on mettait son imagination au service de ses rêves...
'Je lis parfaitement dans votre esprit', dit Justine avec un demi-sourire, 'mais étant britannique, je vais continuer à prétendre de la manière la plus convaincante du monde que j'en suis tout à fait incapable.'
'Ah, zut', dit Pierre qui repassa en français. 'Est-ce qu'il y a une langue qui serait plus à même de rendre l'information parfaitement claire ?'
'Vous pensez à une langue en particulier ?'
'Ou deux.'
'La mienne ou la vôtre ?'
'Les deux.'
'Mélangées ?'
'De préférence', dit Pierre.
'C'est intéressant.'
'Alors vous avez compris, là, maintenant ?'
'J'ai bien peur que non, I'm afraid…'
'Vous le faites exprès ?'
Le Brexit continua à vouloir dire Le Brexit.
Ce que cela voulait dire exactement, on continua de ne pas en être trop sûr, en-dehors de ce fait-là qui était certain comme l’acier : cela voulait dire Le Brexit.
Marguerite toucha du bout des doigts une vérité autre : cette allure qu'elle admirait tant, ces postures légères et lascives dont la vue lui chatouillait la gorge, ces voix dont son cœur se trouvait tant étreint, n'était pas l'apanage d'une nationalité, mais d'une naissance ; c'était l'allure d'une classe et le conscience de cette classe.