Brexit romance

Ajuste ton thermostat, murmura Matt Dogson à Justine, caressant du dos de la main la joue brûlante de sa soeur.
Hein? fit-elle, et elle lui envoya un regard comme une canonnade.
Vous faites un concours de chaudières, avec Rachel?
T'es hyper con , l'informa Justine.
Mais elle se tourna quand même pour constater que Rachel, non loin d'elle, visage framboise et regard vaporeux, était tout aussi hameçonnée à la ligne tendue de Kamenev.
( p 209)

"Tellement de trac ! J'ai des papillons dans l'estomac, dit Matt. Enfin, l’équivalent français. C'est quoi, en français, " J'ai papillons dans l'estomac" ? demanda-t-il à Cannelle.
" J'ai la gerbe? tenta celle-ci.
( p 123)

Il y avait là aussi, bien des choses qui suscitaient des inquiétudes chez Katherine, comme l'état "désastreux" de la cuisine (où il traînait en effet un torchon propre, sur un plan de travail impeccable, entre trois spectaculaires machines scintillantes), le couloir où un morceau de moquette se détachait un peu 'please be very careful', et d'autres objets d'alarme qu'ils ne comprirent pas très bien, comme la douche qui était très 'tempéramentale' et dont le pilotage requérait deux ou trois boîtes différentes avec des boutons rouges et bleus ; les robinets séparés dont il fallait se méfier car celui d'eau chaude était infernalement brûlant ; et enfin la chasse d'eau qui était un peu faible 'I'm afraid' - Marguerite imagina déjà, avec quelque frisson d'horreur, une petite crotte du matin toupiotant paresseusement, sans y disparaître, dans le bouillon morose déclenché par la tirette.

-Pourquoi tu pleures? demanda Bertie.
-Je pleures pas,il m'a plu sur le visage.

'Vous écrivez à qui ?'
'À personne.'
'Comment ça, à personne ?'Vous tapotez votre écran pour lui faire un massage ?'

p. 240

'C'est quoi comme start-up ?
'Organisation de mariages.'
'Ah ? Et t'as un concept ?'
'Oui, mais le concept est un peu niche', dit Justine.
'Un peu niche', rigola toute seule Cannelle en imaginant des mariages de chiens, jeu de mots inaccessible aux anglophones.

'Il faut que ce soit un minimum crédible pour la famille, les amis et les collègues, sans oublier leurs contacts Facebook', dit Matt. 'Sinon, c'est trop évident que c'est arrangé et ça finit par une dénonciation - et là, les ennuiements commencent.'
'C'est pourça que c'est si difficile à matcher', opina Justine. 'Je peux pas juste faire un programme aléatoire qui matche unetelle et untel en étant irregardant du genre, de l'orientation sexuelle et de tous les autres paramètres socio-politiques, ethniques et religieux qui nous définissent tous de manière intersectionnelle.'
'Ah ?' fit Cannelle.
'Eh non', dit Justine.
'Ça veut dire', expliqua Matt, 'Qu'elle va pas mettre sa pote Flossie, qui est une lesbienne enflammée' (flaming lesbian, traduisit Justine en anglais face à l'expression interloquée de Cannelle), 'avec un Français en mocassins à glands qui mange des tartines d'hosties au petit déjeuner.'
'C'est sûr que du coup, vu comme ça, ça a l'air bien galère', considéra Cannelle.

Kamenev lui adressa son regard le plus sinistre.
'Vous êtes en train de me dire que vous allez demander à votre père de cesser ses dons à l'association si je ne vous laisse pas aller voir Marguerite en coulisses?'
'Dieu du ciel ! Quelle façon atroce de le dire', s'écria Cosmo.
Kamenev soupira et se tourna vers lui.
'S'il y a un truc que je déteste, c'est votre race d'aristocrates perverse et dégénérée.'
'Fair enough', dit Cosmo en haussant les épaules.

Ami.e.s britanniques ! La tragédie du Brexit a frappée nos vies, et nous serons bientôt déprivés de nos passeports Européens. Mais dans ce monde qui ne fait pas de sens, nous nous identifions à une jeunesse cosmopolitaine internationale et nous ne voulons pas perdre le privilège de travailler et vivre dans un autre pays Européen. Nous voulons un passeport Européen !

*Fair enough*, dit Matt, ce qui en anglais signifie *OK, normal, je comprends, mais quand même, enfin d’accord, peut-être, bon, vu comme ça*.