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Critique de Biviers


Il y a quelque temps je suis tombé dans les rets de Emma Becker (L'incoduite, La Maison). Et dans ces temps de Sea, Sun et (no?) Sex une amie m'a demandé si je n'avais pas de la lecture érotique. Bof, je lui dis, pas grande chose. Il y avait le Boucher, Mise en pièce, Qu'est-ce que Thérèse… livres dont parlait aussi l'essai « Lire, écrire, jouir » en décembre dernier. Donc finalement pas grande chose. Il y avait aussi le grand monologue d'un homme dans Corky (J.C. Oates, qui sait si bien mettre des mots sur les scènes charnelles)…. Si seulement elle m'avait demandé un peu plus tard.

C'est que j'ai trouvé « mieux ». Chez mon bouquiniste, je tombe sur la version poche de « Mr » le premier livre de E. Becker (que les anglais vendent sous le signe de « à la croisée de Colette et Catherine Miller » – pour moi, rien à voir). Déroutant, parfois limite malaisant mais d'une vraie plume (pas de ces plumes de caresses !), d'une écriture très forte. On sent que Madame E. a potassé les écrits de MalaparteLa peau ») ou notamment « La mécanique des femmes » de Calaferte), Aragonle con d'Irène »), Baudelaire, Sade etc…qu'elle a bien étudié les mécanismes de la littérature épistolaire et qu'elle, vraiment surprenant, peut être érotique même dans les passages dans lesquelles elle ne décrit pas des étreintes ou réfléchit sur la différence de ressenti et sonorité p.ex. à l'écoute des mots « sodomie » et/ou « enculer ».

Je dis ça pour vous prévenir, ce n'est pas à l'eau de rose, c'est cash, mais avec des embardés formidables, notamment lors de la descente aux enfers de l'attente. Déjà ce prénom (genre 50 shades….) Ellie – j'ai lu cela comme « elle au lit » ou « elle lit » ou même « elle lit au lit (aussi) ». Ah, ce « i » du mot ma nuit….

Ok, ça parait éculé cette histoire d'une fille (étudiante) – qui voit toutefois d'autres hommes « à côté » – de 20 ans qui partage avec un homme de 46 ans (chirurgien – ahh ces blouses blanches) une passion pour la littérature érotique et bientôt la mise en pratique de la bête à deux dos – les mardis. Des expériences qui la secouent (les descriptions de ces vagues d'émotion sont saisissant – pour un homme) et laissent la devenir comme une héroïnomane en manque (du sexe de lui).

Le livre (de poche) a 507 pages, et c'est à la page 240 que le nuage sur lequel flotte la chère Ellie va se désagréger de la manière la plus « banal ». le « Dieu », qui la fait frémir va jouer le mode « silence total » – il part sans la contacter, et fini l'existence pour lui que deux heures par semaine. C'est qu'il est marié et a d'autres conquêtes…. d'autres nymphettes ou Lolita aux seins défiant Newton. Je ne suis jamais qu'une parenthèse dans la vie de Monsieur, et aussi accaparante ou passionnante que puisse être une parenthèse, après tout ça n'est jamais qu'un minuscule insert au milieu d'un texte déjà dense, une technique ornementale à laquelle on a recours lorsqu'il est impossible d'ajouter une phrase en plus. Je ne suis qu'une parenthèse parmi d'autres, oubliées au fur et à mesure, tandis qu'Estelle reste, année après année, assise sur le même piédestal – et ça n'est pas une métaphore : il existe une photo prise durant l'anniversaire de leur troisième fils, où on la voit sautant dans les airs, assise sur une chaise portée par une dizaine de personnes. Parmi elles, invisible au premier coup d'oeil, Monsieur qu'on entend presque éclater de ce grand rire juvénile en la couvant d'un regard où explosent tout l'amour et toute l'admiration du monde. Je suis restée plusieurs minutes à les fixer tous les deux avec mon coeur qui hésitait à saigner, éblouie. D'accord c'est voyeuriste, nombriliste mais permet d'entrer (par la porte d'une langue bien pendue) dans la forêt mystérieuse de l'intimité d'une femme (même si celle-ci semble insatiable à un point qui m'interroge). Et se dessine déjà l'art du portrait que Emma Becker peaufine dans la suite de son oeuvre (même s'elle est certainement un peu surestimée). J'ai « kiffé » la fin du Livre I de ce roman – il s'agit de la « conception très cinématographique » de la découverte (imaginée) par la femme de Monsieur, Estelle (« son port d'attache ») que son mari la trompe. (p. 223 – 240). C'est jouissif et avec juste la pointe d'humour qu'il faut. le livre est empreint d'un humanisme et d'un réalisme cru sur ce qu'un homme finalement lâche et ordinaire peu créer comme tsunami émotionnelle.
C'est drôle, cette relation conflictuelle que j'ai toujours eue avec ma chatte, et Monsieur qui chaque fois semble tout à fait innocent de cela. Qu'est-ce qu'ils ont tous, qui les pousse si irrésistiblement vers ça ? Que voient-ils ? Que peut-il y avoir de si passionnant dans ce que je regarde ente mes jambes ? Deux lobes de chair tapissés d'un pelage brun, brillant comme celui d'une loutre ; on dirait la gueule d'un anima, narrée d'une large fente – et ces ondulations gracieuses, ces dentelles de l'amour dont parle Aragon, est-il possible que Monsieur les trouve aussi poétiques ? Pourquoi suis-je incapable de voir autre chose qu'un excédent de chair ? J'aurais adoré avoir une de ces petites chattes closes comme une bouche timide, qui s'écartent et se découvrent avec les doigts. Un coquillage en pâte d'amande, renfermant des miniatures de lèvres nacrées, le petit museau du clitoris, une brèche à amadouer pour qu'elle apparaisse. Et au lieu de ça, à l'époque de mes premiers poils le pudique abricot duveté des gamines s'est mué en cette chatte bavarde de fil porno, débordante, constamment ouverte en un sourire obscène, même lorsque baiser est la dernière chose à laquelle je pense."
Je conseille – mais sachez que les scènes (et les pensées retranscrites) peuvent heurter des âmes sensibles (je m'abstins de passer des extraits « hard ») – toutefois je trouve que les scènes de masturbation (volontaires ou sous ordre) vont au-delà d'une description « cliniques » on est comme assis, tout petit, sous le lobe de l'oreille et écoute les pensées de la femme (aussi bien agréables que non)…

Lien : https://lorenztradfin.wordpr..
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