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4,08

sur 980 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
écrire avec ses tripes décrire l'imposture initiale tant de souffrances tant de sang de merde de foutre
écoeuré
j'en ai pris plein la gueule j'avoue
je ne m'attendais pas à ça à ce grand déballage de pulsions de la colonisation

Séraphine débarque en 1845 avec son mari et ses trois enfants traversée par la peur et le mal de mère
elle est la voix de (Rude Besogne ) et vomit sa peine sa fatigue son découragement on lui a menti
choisir entre la malaria et le choléra
tout perdre et tout recommencer ne pas penser boire et danser labourer enterrer baiser renoncer
les yatagans ouvrent les ventres
des femmes enceintes les animaux sauvages dévorent leurs entrailles
Seraphine est un corps hurlant de désir et de terreur

lui est déjà là et ce n'est pas un ange
il est la voix de (Bain de Sang)
il dit je mais plus souvent nous
nous violerons toutes les moukères
je vide mes couilles
nous les brûlons les enfumons
mon capitaine est un lion
bienfaits de la civilisation
je dévore les chairs crues je me gorge de sang
sang des lièvres et sang des décapités
par milliers
morpions vermines
violences contre l'indigence des idéaux
je fais corps avec mon groupe
une femme pour quatre soldats
trois berbères farouches pour le capitaine
nous reviendrons l'hiver prochain
nous pacifions
rugissements du lion du désert

« un matin la gueule rageuse de l'enfer qui nous avalait depuis des semaines s'est brusquement refermée… »

On ne ressort pas indemne d'un livre pareil. Prix du Livre Inter et du journal le Monde, c'est un peu dérangeant ou plutôt déroutant. Ce livre n'a pas de Prix, c'est juste le cri de l'indicible, à la source de l'Algérie française.
Maintenant nous savons .
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Enfin, un roman qui se distingue. Enfin un auteur qui a de la personnalité. Enfin un livre qu'on n'oubliera pas.
Mathieu Belezi y est audacieux tant dans le style d'écriture que dans le thème abordé, il propose une oeuvre unique dont il est difficile de se détacher.

Sans ponctuation ni majuscule, le récit apparaît comme une cascade de mots.
En s'affranchissant des règles de syntaxe, Mathieu Belezi nous force à nous concentrer sur son texte. On est vite happer, difficile de lever les yeux du livre tant son univers nous passionne, tant l'horreur décrite nous captive.

L'auteur s'attaque à un thème encore tabou, celui de la colonisation, plus précisément de la genèse de l'Histoire coloniale entre la France et l'Algérie au 19eme siècle; l'auteur s'engage. Il présente la colonisation telle qu'elle a été : une injustice barbare qui a coûté cher tant aux colons auxquels on a menti, qu'aux natifs que l'on a massacré gratuitement. Une bonne excuse pour les âmes malades qui ont pu s'épanouir en martyrisant un peuple.

Deux narrateurs se partagent le récit: Seraphine, jeune mère de famille qui émigre en Algérie avec mari, marmaille et frangine. Ils ont fait confiance au gouvernement qui leur a promis 7 hectares et une maison. Une aventure dans un pays qui a besoin d'être humanisé, d'une population inférieure loin des Lumières de la France.
Ils y trouveront la faim, la maladie, le froid.La chaleur, la peur et la mort.
Le deuxième narrateur est un soldat français. Il est chargé de soumettre les populations, de pacifier le pays. A coup de baïonnette, de fusil et de verge, il tue et viole à foison. Il suit aveuglément son commandant, un psychopathe orgueilleux qui a trouvé une voie royale vers le crime en étant aux manettes d'une troupe docile qu'il abreuve de sermonts et de gnole.

Un roman cruel qu'on n'oubliera pas de sitôt.
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Rendez-vous au Paradis !!

Telle aurait pu être la chanson motivante susurrée par le suave gouvernement français aux candidats colons qu'il voulait envoyer en Algérie afin d'y travailler une terre hostile à domestiquer.

Monts et merveilles promis, mais une boue épaisse et tenace sous des trombes d'eau et une simple triste tente militaire attribuée, à partager avec une autre famille en plus, et des sanglots longs, pas même étouffés, qui viennent blesser les coeurs monotones.

Et quand se calment les cataractes de pluies diluviennes, c'est un infernal soleil de plomb fondu qui s'abat sur les néo-émigrés qui pestent avant que n'arrive le choléra.
Pas des vacances ces colonies!
L'y trouveront-ils quand même, leur paradis ?

Quel paradis promis aux populations autochtones qui ont vu fondre sur leurs calmes villages isolés des hordes de soudards en uniformes français, harassés, affamés, assoiffés mais pourtant ivres de sang et de sexe ? Un déferlement de barbarie en point d'orgue qui ramène aux lointaines obscurités moyenâgeuses. Une ‘drôle' d'image de la France ‘colonisa-triste' !

Un court roman à deux têtes, deux narrateurs à la verve populaire qui nous plongent telle une frite dans un bain d'huile, qui dans le quotidien déstabilisant des colons dépités de trouver la rudesse d'un bagne là où ils venaient chercher l'Eldorado, qui dans l'hystérie sanguinaire du bataillon quand auparavant ils n'étaient que de simples gamins ordinaires dans une France des plus banale.

Un paradis perdu pour une population violentée (euphémisme) et soumise par la force et la terreur aux anges de la destruction venus les pacifier, menés par un commandant despotique ne répondant qu'à ses bas instincts primaires et sadiques.

Un western en terres nord-africaines qui joue la carte âpre du réalisme pour nous restituer une page peu glorieuse de notre récente histoire, à mille lieues des images d'Épinal qui voulaient nous faire avaler une colonisation attendue comme une bénédiction par un peuple ignare espérant son divin inspirateur.

Apocalypse now où tares barbares en terres berbères.

La baïonnette au canon de la laideur des atrocités commises sous les funestes auspices d'un état expansionniste et opportunément aveugle aux exactions (euphémisme bis) exigées par des petits chefs que la Mission érigeait en Attila d'opérette, ne fut-ce les rivières de sang répandues et abreuvant les sillons d'une terre aride et pourtant image de paradis.

Un coup de coeur tant pour le récit que pour sa forme, un écrit parlé qui répète à mon oreille captivée mais pas naïve qu'il n'y a pas qu'humanité chez l'homme quand le pouvoir est sa seule motivation pour avancer.

Un petit régal en bonus que le langage haut en couleur du meneur de bataillon devenu grassouillet à monter avec difficulté sur son cheval mais braillant avec verve sur ses troupes asservies et remontées. de la belle ouvrage en vérité  !!

L'enfer au paradis ou une certaine idée de la folie!
 
 
 
 
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Sainte et sainte mère de Dieu
Je ne connaissais pas Mathieu Belezi et pourtant cela fait vingt ans qu'il écrit.
Ce roman a une fulgurance poignante.
Son sujet, le destin d'une poignée de colons et de soldats pris dans l'enfer du début de la colonisation algérienne au dix-neuvième siècle.
De sa forme, une alternance de chapitres (RUDE BESOGNE) et (BAIN DE SANG), s'élèvent les voix de Séraphine et ensuite celle d'un soldat anonyme.
Le tout avec une ponctuation à minima, à la ligne, qui renforce le côté dramatique de l'histoire.
Des migrants français sont parqués dans un lazaret à Marseille en attendant le départ de la frégate Labrador qui doit les emmener en Algérie.
« Quoi qu'il arrive ne désespérez jamais du gouvernement de la République. Il a les yeux grands ouverts, l'oreille aux aguets de la moindre de vos plaintes, et il fera tout ce qui est en son pouvoir—absolument tout !—pour que la rude besogne de chacun soit récompensée à son juste prix. Parce que vous êtes la force, l'intelligence, le sang neuf et bouillonnant dont la France a besoin sur ces terres de barbarie. Et que cette force, cette intelligence et ce sang neuf sont infiniment précieux. »
Arrivés sur cette terre algérienne, c'est l'effondrement, le sentiment de solitude domine tout.
« grelottant de fièvre et de désespoir nous perdions chaque jour un peu plus de ce qui nous restait de dignité. »
Les maisons promises n'existent pas, de vastes tentes sont là pour les accueillir mais plusieurs famille doivent coexister. La vie s'organise sous la surveillance de jeunes soldats eux-mêmes pas tout à fait aguerris aux tâches qui leur incombent.
Le printemps arrivé, ce ne sont pas des maisons qui sont construites mais des baraquements où ils doivent continuer à cohabiter.
Toutes les sorties et activités sont faites sous escorte militaire. La violence est partout. La scène avec Germaine est au-delà de la barbarie, indicible.
Le choléra décime.
Séraphine et le soldat sont les porte-voix de cette violence.
Mathieu Belezi est le Steinbeck de l'Algérie, le lecteur retrouve cette densité dans la dénonciation de ce qu'il y a de pire dans l'humain.
Les mots traduisent la musique du désespoir et de l'absurde.
Texte court, une écriture au scalpel et des bulles de poésie ça et là pour que le lecteur reprenne son souffle.
En refermant le livre, nos âmes résonnent de ces cris qui disent la violence de la colonisation, terre d'exil qui aurait dû être un havre malgré la rudesse du labeur mais ne fut que bain de sang.
Mathieu Belezi et sa plume acérée nous plonge en apnée dans cet enfer, il broie nos tripes, ses mots sont des armes.
Impossible de ne pas faire le parallèle avec l'actualité, il n'y a pas de bons côtés ni de bonnes origines quand on est migrant.
L'expression « devoir de mémoire » revient souvent dans l'Histoire, mais il me semble que nous pourrions parler de « devoir de réflexion »
Les trois lignes qui concluent le livre sont le dernier cri, déchirant à l'infini.
Décidément un auteur à lire.
©Chantal Lafon


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Mathieu Belezi nous plonge dans l'épopée sociale que fut la colonisation de l'Algérie au 1ème siècle, en alternant deux voix: celle de Séraphine dont l'espoir d'une vie meilleure s'est immédiatement brisé face à l'enfer dans lequel elle est plongée dès son arrivée et celle d'un soldat d'un régiment mené par un capitaine sans scrupule et qui, au nom de la mission de l'armée française pille, viole et massacre la population algérienne.

Scandant "Sainte et sainte mère de Dieu" et "nous ne sommes pas des anges" dans chacune des narrations, d'une écriture dépourvue de ponctuation et de majuscule, l'auteur parvient à impulser dès le premier chapitre un rythme dramatique implacable. Comme les protagonistes, les lecteurs sont précipités vers la catastrophe, dans un enfer de violence et de conditions climatiques extrêmes et dans l'incapacité d'arrêter l'engrenage.
Parvenir à lier ainsi le lecteur, les personnages fictifs et L Histoire dans un même mouvement relève d'une grande maîtrise d'écriture et d'un sens profond du romanesque. Je ne connaissais pas cet auteur et j'ai hâte de lire d'autres écrits de lui.
Lien : https://yaourtlivres.canalbl..
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L'excellence au rendez-vous.
Ce bref roman choc harponne.
La 'pacification" de l'Algérie
à la moitié du 19ème siècle
racontée par deux voix.
Séraphine, venue en famille recevoir
7 hectares de terres jamais cultivées .
Un soldat, sous la coupe et aux ordres
d'un capitaine, despote et sanguinaire.
L'écriture concise, le ton de ce terrible récit
tient du reportage de guerre .
Le gouvernement, lance soldats et civils
dans une conquête plus qu'hasardeuse .
L'horreur,la cruauté côtoient
l'humanité, la solidarité .
Diverses calamités pleuvent sur les colons :
le cholera, le soleil,le froid,les fauves
et bien sûr les arabes et leurs yatagans....
Au nom de l'Etat français, les militaires
semblent avoir carte blanche pour razzier
les villages, baïonnette en avant, ils assassinnent
violent , saccagent, mettent à feu...
On sort de cette oeuvre, abasourdis,
honteux, de ce passé colonial
qui hante toujours l'actualité.
A partager vraiment.
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Il y a des pans de l'Histoire dont on ne sait pas grand-chose et qui nous définissent pourtant. La colonisation de l'Algérie est de ceux-là. Pour ce qui me concerne tout du moins. Vaguement, le tohu-bohu des batailles mémorielles, quand les pieds noirs réclament la reconnaissance de leurs biens et que les colonisés revendiquent leurs terres, chacun des deux armes au poing. La gégène et les attentats contre les civils. L'excellence du blé algérien et la sueur versée pour rendre la terre fertile. Quand l'Algérie est dite « française » et que l'on sent bien tout ce qu'il y a d'obscène à cette épithète.
Mathieu Belezi revient aux prémisses. Au moment où, conquis militairement, ce territoire d'Afrique du nord doit être peuplé de familles françaises. Afin que soit entérinée sa nouvelle identité et que progresse l'empire de la raison.
Là où un peintre complaisant au pouvoir de Louis-Philippe pourrait brosser à grands traits la grandeur civilisatrice avec laquelle l'armée française répand ses bienfaits, Mathieu Belezi choisit d'accompagner au plus près une petite troupe soldatesque durant quelques mois. Embarqué.
Ce sont ces hommes qui s'expriment en utilisant un « nous » dont la tournure inclusive ne laisse aucune échappatoire au lecteur. Ils parlent de notre avidité à combattre, de notre impatience à vider nos couilles, de notre admiration pour leur capitaine, de leur conviction qu'ils ne sont pas des anges. On confirme effectivement. Et on aimerait moins en être, de cette horde.
Alors, au milieu du carnage, parait, improbable, le discours officiel. Celui des Européens venus répandre l'esprit des lumières, éduquer les contrées barbares. Apporter les bienfaits de la civilisation. Tandis que les maisons brûlent, que ces hommes violent et pillent, dans la bouche du capitaine décapitant les têtes des villageois, les mots « civilisation », « lumières », « progrès » commentent avec un cynisme vertigineux l'horreur et l'iniquité de ces assassinats.
Et la narration se poursuit. de courts chapitres en courts chapitres, les exactions des soldats français s'accumulent en une gradation horrifique, conditionnent l'inexorable engrenage de la violence.
Mais le tableau aurait été encore incomplet si on s'était arrêté là. En alternance avec ces scènes de rapines, le lecteur accompagne quelques familles de paysans venus de France pour cultiver les neuf hectares par famille que l'Etat leur a promis. Avec eux, solidement protégé par des soldats armés, c'est un peu de la France qui s'exporte. Un peu de sa grandeur qui va rejaillir sur d'autres terres lointaines.
Là encore, le lyrisme exalté n'aura pas fait long feu. Difficile de garder une posture avantageuse quand on manque cracher ses tripes en mer, mourir de paludisme ou de choléra. Difficile aussi de garder ses idéaux quand on voit ses pauvres possessions détrempées par des torrents de pluie des semaines durant, la terre refuser qu'on l'ameublisse, les siens crever les uns après les autres. Les tombes se multiplier.
On est du côté des petites gens, des épouses et des enfants, de ceux qui ont du coeur à l'ouvrage et aucun recul pour peser le bien fondé de leur présence ici. On leur a dit qu'il faudra être courageux et qu'ils seront récompensées. Alors ils suent sang et eau et se sentent légitimes à récolter le fruit de leur travail. A se défendre contre les moricauds qui ont l'affront de tenter de les déloger. A revendiquer cette terre en dépit de tout.
La suite ne fait pas un pli.
Comme dans le Petit roi, l'écriture de Mathieu Belezi ne s'élève pas. Elle instille le tragique dans la crudité des choses. La grandeur naît de la puissance d'une bêtise fatale, de la bestialité comme de l'opiniâtreté. La ténacité et l'énergie que mettent tous les personnages à contribuer au carnage est magistrale. le bon droit des Français est monstrueusement exempt de toute remise en question et c'est de cette énormité que jaillit l'inexorable bain de sang, l'absurdité radicale d'une guerre qu'aucune légitimité quelconque ne peut venir soutenir.
Encore une fois, j'ai été envoutée. Au-delà de son style, j'aime encore mieux je crois la place que Mathieu Belezi nous oblige à prendre pour regarder l'histoire qu'il nous raconte. On ne peut se soustraire ni à la cruauté de ce qui arrive, ni au contrepoint dissonant de ce qui devrait être. Comme les personnages, on est coincés dans les limites de ce qui advient. Mais là où ces familles et ces soldats croient à la valeur de ce qu'ils font, nous on sait.
On sait l'effritement des idéaux par une opportune raison d'Etat. La dangereuse pugnacité qui n'a jamais besoin de raison qui soit bonne. L'indigence des motifs de conquête souvent proportionnelle à la violence employée pour les imposer. Nous, on sait.
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Le thème ne me faisait pas envie, mais comme il a reçu le prix Inter, je me suis laissée tenter. C'est court, c'est haletant, c'est époustouflant d'horreur, c'est intense, l'écriture de Mathieu Belezi est ciselée. Je l'ai lu en une soirée.

Je savais que ce serait dur d'après le résumé. Ne pensez pas un instant que je sois déçue.

« Rude besogne »

Des colons « agricoles » sont embarqués pour l'Algérie. On leur a fait miroiter une maison, un bout de terre à cultiver… Ils ont découvert des tentes, la pluie froide, l'insalubrité dans toute son horreur, la chaleur, la maladie, la faim, la mort au milieu d'une terre aride et dure…

« Sainte et sainte mère de Dieu », leitmotiv qui revient sans cesse dans le livre.

Séraphine raconte cet enfer, chapitre après chapitre, en alternance avec :

« Bain de sang »

On change de registre. On entre dans l'effroi absolue. Une troupe de soldats est menée par un capitaine complétement déjanté, qui entraîne ses hommes dans sa folie. Folie de tuerie, de pillage, de viol, d'atrocité, de bestialité. Comme le capitaine dit à ses soldats : « On n'est pas des anges ».

Entre les exactions des soldats et la vengeance des Algériens terrorisés, on ne sait plus où l'horreur se situe. Ne dit-on pas « la violence engendre la violence » ? Ce seront pourtant les Algériens et les colons qui feront les frais de cette barbarie.

On aborde avec « rude besogne », la vie des colons et avec « bain de sang », les exactions des soldats devenus fous.

En tout cas, ce roman restera dans ma mémoire et mon cerveau n'a pas fini de cogiter.

Remarquable !
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L'histoire : Algérie, 1840, colonisation et pacification. le récit nous est fait par deux narrateurs, en alternance : d'un côté Séraphine, qui arrive avec son mari, leurs 3 enfants, sa soeurs etc., au milieu de tout un groupe de colons à qui on a fait miroiter moultes richesses ; de l'autre côté un soldat, au milieu de son régiment chargé de pacifier le pays, via des razzias radicales.



Mon avis : un court livre très agréable à lire, qui ne brosse personne dans le sens du poil. Un portrait au vitriol, et probablement assez réaliste, de la colonisation. Séraphine, très désillusionnée, subit les coups du sort avec résignation jusqu'à un cetain point. La difficile vie dans les camps militaires où sont d'abord parqués les colons, le soleil écrasant, le travail harrassant, le manque d'hygiène, les épidémies. Ses émotions et sentiments sans cesse mis à rude épreuve, et son récit ponctué de "sainte et sainte mère de Dieu". le soldat, lui, emploie un ton à l'humour cynique, pour nous raconter les massacres (d'humains et d'animaux), souvent gratuits, les prises de villages, les viols, les vols, la réduction en esclavage, la soif de sang, l'adoration de tous pour leur capitaine, dans un récit ponctué de "nous ne sommes pas des anges". Et dans les deux narrations, les raisonnements pernicieux, et la rudesse des conquérants. le style est particulier : sur un souffle, très très peu ponctué de points, on passe d'un paragraphe à l'autre sans point ni majuscule à l'intérieur d'un chapitre, on avance, droit devant, coûte que coûte, pas de fioriture, pas de formules bienséantes, rien d'inutile, rien qui dépasse. C'est une mise en forme qui va bien avec le fond du propos.

Un livre qui laisse une impression de sable et de terre dans la bouche, de chaud sec et humide à la fois sur la peau, de brutalité subie et de résignation. Tout en donnant à comprendre humainement les motivations profondes des gens ordinaires qui se sont lancés dans cette folle aventure. Un excellent roman qui me semble proposer une hypothèse d'une grande justesse dans son analyse de cet épisode historique.
Lien : http://ploufsurterre.canalbl..
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J'ai d'abord eu très peur ...
Premières pages, absence de ponctuation ...
Encore un roman où l'auteur s'essaye à une mise en scène linguistique, comme pour se démarquer de la concurrence ?

Et puis ...
Je me suis laissé littéralement happé, aspiré, par ce court roman de sang, de larmes et de fureur.
J'y ai plongé et n'ai repris mon souffle qu'à la dernière ligne.

C'est une tempête, une furia ...
Le lecteur est entraîné à la suite de deux groupes distincts, pendant la colonisation de l'Algérie au 19ème siècle.
Une famille de colons venue de France, attirée par la promesse d'une terre à exploiter, d'un pays à bâtir. Et qui rencontrera les rigueurs du climat, le choléra et son cortège de morts, l'hostilité des populations locales, elles-mêmes pourchassées, dépossédées de leur terre, de leurs traditions ...
Une troupe de soldats, menée par un capitaine charismatique, qui sous couvert de pacification miltiplie les razzias, les meurtres, les viols, les représailles entraînant les représailles, dans un cycle de violence sans fin ...

Je suis resté en apnée ... j'ai peiné à reprendre mon souffle ...
Ce récit est grand et remarquable. Tout au plus ai-je regretté que les destins de ces deux groupes ne se croisent pas. Mais c'est sans doute mieux ainsi. Deux trajectoires, deux échecs, et un auteur qui ne cède finalement pas à la facilité de faire se rejoindre les destinées de ses personnages.

Non, finalement, ce choix de l'absence de ponctuation n'était pas une coquetterie. C'était l'essence même du livre.
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