AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,08

sur 931 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Après avoir déjà écrit une trilogie sur l'Algérie (« C'était notre terre », « Les Vieux Fous » et « Un faux pas dans la vie d'Emma Picard »), l'écrivain Mathieu Belezi remporte le prix littéraire « le Monde » 2022 pour ce roman qui plonge les lecteurs dans les débuts violents de la colonisation française de l'Algérie en 1845.

« Attaquer la terre et le soleil », ce sont deux voix qui s'alternent et qui se font écho au fil d'un récit bouleversant et d'une puissance évocatrice incroyable.

D'une part, Séraphine Jouhaud, une femme colon venue de Marseille avec son mari, leurs trois enfants, sa soeur et son beau-frère. Des familles françaises venues peupler une colonie agricole vendue comme une terre promise par l'État, mais qui n'est finalement qu'un lopin de terre peu fertile, entouré de palissades qui les préservent d'une population hostile.

D'autre part, un soldat anonyme suivant aveuglement les ordres d'un capitaine sanguinaire venu apporter une prétendue « civilisation » aux autochtones, en imposant sa vision de la « pacification » à coups de baïonnettes, massacrant, pillant, violant et brûlant village après village.

Mathieu Belezi raconte la désillusion coloniale en étalant d'une part la cruauté des soldats et de l'autre la peur et la souffrance des colons. La famine, le manque d'hygiène, les ravages du choléra et du paludisme, la chaleur étouffante, les conditions de logement déplorables, les récoltes infructueuses, les animaux sauvages et la crainte de se faire décapiter par les yatagans affûtés de rebelles bien décidés à repousser l'envahisseur. Une bien belle histoire coloniale… dont personne ne ressort vainqueur.

Après avoir lu ce roman qui évoque régulièrement Dieu afin de traduire l'effroi des narrateurs, c'est à mon tour de le citer car, Mon Dieu, quelle claque cette narration ! Mathieu Belezi nous installe en effet au coeur des pensées de ses protagonistes, là où les mots ne sont pas encore dompté par la ponctuation et se retrouvent étalés sans majuscules au rythme effréné de pensées qui se bousculent à vive allure, restituant le chaos et la folie ambiante. Un roman écrit d'un souffle par un auteur qui invite le lecteur à retenir le sien, en l'immergeant dans l'absurdité et la bêtise humaine, et dont il ressort écoeuré, bouleversé, en apnée, au bord du vertige et proche du KO.

Coup de coeur !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
Commenter  J’apprécie          16912
Prix du Livre Inter 2023.

Prix littéraire du journal le Monde.

En me faisant partager la vie des premiers colons poussés par la France à traverser la Méditerranée, en me plongeant au plus près des atrocités commises par l'armée française en Algérie, Mathieu Belezi a réussi une vraie performance littéraire.
C'est pourquoi le Prix littéraire du journal le Monde et le Prix du Livre Inter 2023 qui ont été décernés à Attaquer la terre et le soleil sont une formidable opportunité pour faire connaître et faire lire un livre qui sort des sentiers battus. Si le style de Mathieu Belezi est fluide, la disposition de son texte surprend. Peu de points et de majuscules, des virgules rares, d'autres signes de ponctuation absents et, si c'est surprenant, cela ne m'a pas du tout gêné.
Entre Rude besogne et Bain de sang, me voilà plongé dans la réalité dure, atroce, insoutenable de ce que nos actions de « pacification » ont apporté à l'Algérie, au XIXe siècle. Notre volonté de civiliser, bref de coloniser un pays par la force, par tous les moyens, décidée en haut lieu, comme on dit, ne recule devant aucun sacrifice, aucun massacre. Les colons, pour la plupart braves gens du peuple séduits par la propagande officielle, se retrouvent plongés dans des épreuves, des souffrances difficilement soutenables et la plupart y laissent la vie, emportés par des maladies terribles, ou tués par les autochtones qui n'acceptent pas d'être spoliés de leurs terres.
Séraphine, mariée à Henri et mère de deux garçons et d'une fille, raconte dans Rude besogne. Rosette, sa soeur et son mari, sont du voyage aussi. Cela donne un récit émouvant, sensible, déchirant comme dans cette page où elle détaille son quotidien sans occulter les moindres détails les plus concrets qui font que notre vie est supportable ou non. Quelles douleurs ! Quelles épreuves !
Quand le soldat prend le relais avec Bain de sang, le contraste est énorme. La liste des méfaits causés par l'armée française s'allonge, dans des conditions extrêmes certes, mais avec la baïonnette qui transperce tous les êtres vivants qui se présentent, hommes de préférence, les femmes ayant droit au traitement que l'on imagine avant de passer de vie à trépas…
Mathieu Belezi est encore original lorsqu'il glisse, en italiques, un paragraphe de commentaires qui se voudraient objectifs, ce qui irrite beaucoup notre soldat qui s'écrie : « suffit ! suffit ! » avant d'obéir aveuglément aux ordres de son capitaine, véritable fou furieux qui se distingue par sa fougue et sa volonté d'occire le maximum de ceux qu'il appelle des « guenillards ».
Quand Séraphine répète régulièrement « sainte, sainte mère de Dieu » et se pose de plus en plus de questions sur sa foi aveugle, le soldat répète, à chaque intervention sanguinaire : « on n'est pas des anges »…
Attaquer la terre et le soleil est un livre absolument nécessaire qui permet d'éclairer de manière très concrète les ravages causés par la colonisation, ravages qui se poursuivent indéfiniment. Ici, tout se fait sous l'autorité du général Mac-Mahon, gouverneur général d'Algérie (1864-1870) avant d'être Président de la République en 1873 pour six ans. Cet éminent personnage qui pousse au maximum la colonisation de l'Algérie, rend même une visite aux colons qui tentent de survivre dans leur village fortifié, sans même descendre de son cheval de parade…
Pendant que les uns sont décimés par de terribles maladies, choléra, fièvre jaune, terribles diarrhées… les autres s'acharnent à exterminer les gens du pays refusant de se soumettre, à détruire, à violer, à piller sans état d'âme. Je n'avais jamais lu un livre aussi juste, aussi original.
Attaquer la terre et le soleil est une petite merveille de littérature !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          1306
L'auteur nous plonge dans une histoire dramatique, celui de la colonisation, Un pays l'Algérie, que les français ont décidé de s'approprier.
Le récit se déroule au 19 éme siècle, Séraphine fait partie de ce voyage, entraînant avec elle famille, mari ,enfants et sa soeur, , dans l'optique de créer un nouveau monde , exploiter de nouvelles terres, un monde merveilleux, Tout est beau, tout va bien, Un rêve qui se transforme en cauchemar, Ils doivent vivre dans des baraquements de fortune , ils sont confrontés à la misère, la saleté des conditions d'hygiène ,impensable, la famine et la maladie, principalement la malaria. Ils n'étaient pas préparer à cela . Ces premiers colons , partagent ce triste voyage, avec des soldats , Une véritable barbarie, qui fait froid dans le dos, ils tuent sans aucun état d'âme, l'auteur ne tergiverse pas dans ses descriptions, il nous dépeint, ses assassinats d'une violence extrême, une haine , n'hésite, pas à choisir des femmes pour se libérer de leurs pulsions sexuelles, Un monde immonde, le titre "Attaquer la terre et le soleil" donne de la véracité au récit. Nous sommes en face dans l'horreur de la vie .Certains passages m'ont mises mal à l'aise, elle sont brutes de pomme, il faut avoir le coeur accroché, un ressenti personnel, Un roman remarquable, un témoignage où la réalité prend le dessus sur la fiction Une histoire racontée par Séraphine et celle d'un soldat, deux visions différentes pour une même histoire. Un roman, L'auteur dénonce , la colonisation de tous les pays, d'arrêter de respecter tout le monde, mais malheureusement le sujet est , toujours d'actualité, Un roman très documenté que je vous conseille à découvrir.
Commenter  J’apprécie          1206
Attaquer la terre et le soleil est un roman sur la colonisation de l'Algérie au XIXe siècle.
Deux voix racontent. L'une donne le point de vue des colons et l'autre, celle des soldats.
La première c'est celle de Séraphine venue avec sa famille, son mari, ses trois enfants et sa soeur.
Ils ont dû depuis Paris suivre les voies d'eau, sur des bateaux plats, pour arriver jusqu'à Marseille où ils étaient pas moins de cinq cents à embarquer à bord de la frégate le Labrador, et supporter des jours et des nuits de traversée avant de poser les deux pieds sur cette terre d'Algérie.
Elle raconte alors la vie de misère qui est la leur, loin de ce qui leur avait été promis…
Les conditions qu'ils vont rencontrer à leur arrivée seront déplorables. Ils vont devoir supporter des mois de mauvais temps, vent, pluie, sous des tentes militaires avant que soient construites des cabanes. Une chaleur extrême va alors s'installer et bientôt l'arrivée du choléra qui va décimer une partie de sa famille et de la colonie. À cela s'ajouteront le travail du sol particulièrement rude, les attaques des lions sur leurs vaches et moutons, les pillages des récoltes par les Arabes et le massacre de ceux qui n'étaient pas assez prudents…
Les chapitres qui lui sont consacrés ont pour titre Rude besogne ce qui n'est pas un vain mot…
L'autre voix est celle d'un escadron de soldats pillards qui, sous le prétexte d'apporter les lumières de la civilisation se laissent aller à leurs plus bas instincts, pillant, violant, massacrant brûlant les villages, abattant le bétail, les arbres fruitiers. À leur tête, un capitaine tout ce qu'il y a de plus grotesque s'il n'était pas ce fou sanguinaire !
Les chapitres qui relatent cette violence inouïe de la part des soldats français, Mathieu Belezi les nomment Bain de sang, voilà encore une dénomination bien adaptée au contenu.
Attaquer la terre et le soleil, en l'occurrence, celle de l'Algérie, de Mathieu Belezi est un roman que j'ai lu d'une traite et en apnée.
L'auteur y décrit à travers ces deux voix très différentes par le style et se complétant parfaitement, le destin d'une poignée de colons et de soldats pris dans l'enfer oublié de la colonisation algérienne au dix-neuvième siècle.
Que ce soit, le froid, la pluie, la chaleur, la maladie ou la souffrance Mathieu Belezi sait nous les faire sentir et ressentir au plus profond de nous-même tout comme il sait nous plonger dans cette horreur et cette folie de massacres et nous en écoeurer jusqu'à la nausée.
Toute la folie et l'enfer que fut cette colonisation sont évoqués dans ce superbe bouquin avec puissance et réalisme.
Une écriture avec peu de points, des retours à la ligne fréquents et sans majuscules, tels des vers libres, apportent force, vie et réalisme au récit.
Lauréat du prix du journal le Monde en 2022 et Prix du Livre Inter 2023, Attaquer la terre et le soleil de Mathieu Belezi s'attache à démontrer la folie des hommes et l'absurdité de la colonisation, rappelant que l'horreur en Algérie n'a pas commencé avec la guerre d'indépendance comme on pourrait le croire parfois.
Un véritable coup de coeur !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          982
Lorsqu'ils arrivent sur cette terre inconnue, cette terre africaine, le moins que l'on puisse dire est que le choc est rude. Rien, il n'y a rien de ce qu'on leur avait fait miroiter. Tout est à faire, à construire, contre la pluie, le vent, le froid, la chaleur, le choléra et les Algériens qui ne veulent pas d'eux — eux les colonisateurs qui se croient tout permis, avec leurs soldats, ces sauvages qui violent, pillent et tuent femmes enfants vieillards hommes dans un même élan de barbarie gratuite. À qui bien sûr il faut rendre la pareille, en étant plus cruel encore, si tant est que cela soit possible.

C'est parce que Mathieu Belezi a décidé de ne rien nous épargner de la violence insoutenable déployée de part et d'autre de la colonisation algérienne, tout comme de la vie misérable des colons auxquels on a menti pour qu'ils viennent s'installer sur cette terre d'enfer, qu'Attaquer la terre et le soleil est une lecture coup de poing, un plaidoyer contre toute colonisation, qui ne peut être que barbarie, sang et larmes, comme l'est toute guerre.
Commenter  J’apprécie          894
Séraphine prend la parole la première pour nous expliquer le départ de la famille pour l'Algérie. Les promesses du gouvernement français pour des terres agricoles, des maisons solides et accueillantes, la richesse. Elle avait émis ses doutes et craintes à son mari mais il ne voulait pas entendre et écouter à ce moment-là. Les voilà partis pour un voyage éprouvant et interminable . Séraphine et son mari Henri, leurs trois enfants, deux garçons et une fille, sa soeur Rosette et son mari Louis.

Ils sont parqués dans des tentes militaires dans un camp, encadrés par des soldats français, accueillis par une terre aride et pourtant des trombes d'eau, les maladies, les morts, dont deux des enfants, et les attaques des algériens.

Puis Séraphine laisse la parole à un soldat français désabusé et un brin cynique qui nous raconte les pillages, les viols, les massacres et la débauche.

À tour de rôle, ils nous entraînent dans cette descente en enfer. le texte n'a qu'un point, le final, car dans une agonie il n'y a pas de pause ni d'arrêt. L'écriture est puissante, voire violente pour décrire les débuts de la colonisation algérienne mais avec la sensibilité d'une femme colon qui va chercher au fond de ses entrailles la force de s'en sortir.

Un roman sublime.


Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
Commenter  J’apprécie          715
« La France a pour mission divine de pacifier vos terres de barbarie, d'offrir à vos cervelles incultes les ors d'une culture millénaire ! Que ça vous plaise ou non ! Et ceux qui refusent notre main tendue seront renversés, écrasés, hachés menu par le fer de nos sabres et de nos baïonnettes. »

Je croyais avoir beaucoup lu sur l'Algérie. Saint-Marc, Larteguy, Bergot, Sergent ou Bonnecarrère et tant d'autres autrefois (il faut bien que jeunesse se passe…). Puis Stora, Benamou ou Jenni plus tard. Mais il me manquait Mathieu Belezi, et c'est réparé avec Attaquer la terre et le soleil.

Tenter de comprendre ce qu'il advint des relations franco-algériennes au XXe siècle sans en avoir exploré la genèse n'a pas de sens. Passer outre cette furie colonisatrice du XIXe siècle qui vit des familles françaises traverser la Méditerranée vers cette terre qu'on leur annonçait promise, tandis que la troupe tentait – déjà – d'y imposer sa vision de la pacification, n'en a pas davantage.

Belezi nous apprend qu'en guise d'eldorado, nombre de colons français installés à Bône (devenue Annaba) ne trouvèrent que le froid, la pluie, les lions, le palu, le choléra, le pillage de leur récolte et le massacre des isolés. Une découverte avant l'heure que la misère n'est décidément pas moins pénible au soleil.

« Et en moi-même je me disais que la justice était un mot inventé par les riches pour calmer la colère des pauvres. »

Belezi nous rappelle l'état d'esprit de ces soldats français déjà sensés « maintenir l'ordre », obéissant aveuglément à leur dieu-capitaine pour imposer le bien et la « civilisation » au nom de la sainte et sainte mère de Dieu, par la grâce sanglante, vengeresse et meurtrière de leurs sabres.

Belezi nous le dit dans un texte puissant, violent et souvent furieux, qui reste d'un bout à l'autre d'une tension, d'une émotion et d'une beauté absolue et va me conduire très vite à me plonger dans sa trilogie algérienne.

Un grand livre de cette rentrée 2022.
Commenter  J’apprécie          670
Ce roman de Mathieu Belezi : Attaquer la terre et le soleil est une véritable descente aux enfers qui puise avant tout sa force, non dans les thèmes largement traités dans d'autres romans ou essais, mais dans l'écriture de son auteur. Comment ne pas être, dès le début sous l'emprise de ces deux récits qui alternent : celui de Séraphine, débarquée en Algérie avec sa famille pour fonder une colonie agricole avec d'autres migrants et celui d'un soldat anonyme, arrivé lui aussi en Algérie mais pour y faire oeuvre de conquête.
Ce qui m'a immédiatement captivée dans ces deux récits, c'est qu'il s'agit en fait de deux longues litanies : celle de la souffrance et de la peur avec Séraphine et celle de l'horreur et de la violence guerrière avec le soldat. Pouvoir incantatoire des leitmotiv - "sainte et sainte mère de Dieu" pour Séraphine et "nous ne sommes pas des anges" - pour le soldat, qui reviennent en boucle de façon lancinante au début du roman, phrases au déroulé en continu sans pause aucune, ne laissant ainsi aucune échappatoire, on est happé par ces deux récits qui se font écho mais en miroirs inversés.
D'un côté Séraphine et sa famille venus en Algérie pour récolter "blé, orge, tabac et raisin..." vont être parqués dès leur arrivée dans des campements militaires où la saleté et l'insalubrité le disputent à la maladie et bientôt à la peur des "lions du désert" et celle des autochtones qui haïssent ces colons venus s'emparer de leurs terres ancestrales. Ce qui explique qu'ils les tuent sans hésiter avec une sauvagerie vengeresse. de l'autre côté, nous avons un soldat anonyme et son bataillon venus faire oeuvre de conquête, à la force des baïonnettes, comme il s'en félicite au début du récit dans un discours bravache se retranchant derrière les discours mensongers et hypocrites des officiels qui vantent la mission "pacificatrice" et "civilisatrice" de l'armée française !
A la douleur et la souffrance de Séraphine, s'oppose la violence guerrière du soldat et de ses acolytes dans des scènes à couper le souffle par leur puissance d'évocation. Dans des passages d'un réalisme cru, l'auteur nous fait partager les moments de cauchemar vécus par Séraphine et les autres colons, décimés par le choléra qui ne fait pas de quartiers, emportant du jour au lendemain hommes, femmes et enfants... Et nous assistons, impuissants tout comme les survivants, au funeste ballet des enterrements qui se succèdent à un rythme infernal ! Mais la grande faucheuse ne copine pas seulement avec les virus mortels, elle traîne aussi ses guêtres du côté de la violence guerrière et des massacres commis dans les douars arabes par la soldatesque française. Viols, décapitations, étripements, rien ne nous est épargné... Ce pourrait être insupportable si ces scènes d'horreur ne faisaient pas l'objet d'un grossissement épique qui leur confère une certaine irréalité en nous renvoyant ainsi plus du côté de la réflexion que de l'émotion. Cette barbarie humaine qui pille, saccage, viole et tue a, heureusement son corollaire : l''instinct de survie et un formidable appétit de vivre chevillé au corps de tous ces damnés de la terre ! Cette thématique parcourt aussi tout le roman comme en témoignent de grandes scènes qui se font écho et dans lesquelles colons ou soldats se livrent à des orgies de nourriture et de boissons qui sont pour les uns un moyen d'oublier la peur, les deuils et les mauvais coups du sort et pour les autres, shootés à la gnôle, une façon "d'oublier les souffrance physiques, les bains de sang et les cris des victimes, hommes, femmes et enfants..." Dernière invitée dans ce hit-parage de l'horreur, la folie, celle qui guette par exemple le capitaine Landron, dépeint comme un ogre sanguinaire et qui se livre à des discours délirants devant ses soldats et ses ennemis... morts de la façon la plus atroce qui soit.
Je pourrais poursuivre ma chronique mais j'ai pitié de mes lectrices et lecteurs et je conclurais seulement en disant combien j'ai été impressionnée par ce roman à la fois par la puissance de son écriture et aussi par sa façon de nous renvoyer sans ménagement du côté le plus sombre de l'humanité !
Commenter  J’apprécie          538
Matthieu Belezi , un écrivain que je découvre avec ce livre coup de poing sur la colonisation en Algérie
Pour une vraie surprise car j'ai lu beaucoup de livres sur la guerre d'Algérie ( pays où j'ai travaillé et où ce sujet reste omniprésent)
Dès les premières pages, j'ai senti que j'allais lire autre chose sur le sujet et que j'étais en présence d'un grand écrivain
Une sensation que je n'avais pas connu depuis de nombreuses années
Dans ce court livre, Matthieu Belezi entre tout de suite dans le vif du sujet:le début de la colonisation en Algérie
Avec deux points de vue
Celui des braves colons volontaires à qui on a promis un avenir radieux, des terres à défricher certes mais la certitude de devenir un propriétaire terrien prospère sous le doux soleil de l'Afrique
La réalité est tout autre: un logement misérable, une chaleur insupportable, le choléra, le paludisme et toutes les maladies du monde dans un contexte hostile , bien caché par les autorités avant leur départ pour une contrée décrite comme idyllique.Dur retour au réel
L'autre point de vue est celui des militaires. Pour eux, pas de rêve.Ils savent très bien où ils vont et pourquoi : apporter à un peuple archaïque les vertus de la civilisation. Ils sont là pour leur apporter le bonheur version française
Ils savent que la population , ignare à leur yeux, sera hostile et que tous les moyens sont autorisés pour leur faire comprendre qu'il leur faut obtempérer puisque c'est pour leur bien que les troupes sont là.
Dès le départ, l'armée n'hésite pas à utiliser tous des méthodes brutales y compris les plus atroces
La force du livre réside dans cette double vision
D'un côté ceux qui ont été bernés naïvement
De l'autre , des soldats qui savent très bien que tout est permis pour obliger ce peuple à obéir.Les ordres viennent d'en haut
C'est cette violence programmée dès le début de la colonisation qui m'a surpris
Avec la manipulation de braves paysans français qui partent à l'aventure avec enthousiasme
Le style de Matthieu Belezi est ciselé
La lecture est passionnante
Un livre que je vous conseille vivement
Commenter  J’apprécie          492
Si l'on personnifiait une nation ce livre ressemblerait à une flèche qui lui serait décochée en plein coeur, là où palpitent les devises, où vibrent les idéaux. Une flèche sans concession, un geste aussi pur que radical. Que les nations qui n'en ont jamais colonisé aucune autre, ou tenté de le faire, jettent la première pierre à Mathieu Belezi tant son propos, bien que focalisé sur la colonisation française de l'Algérie, m'a semblé horriblement universel. Il y a du beau, dans le coeur des Hommes, qui cohabite avec un indéfectible besoin de conquête dans le coeur des nations. Et le propos limpide de cet auteur engagé, c'est sa rage que l'on puisse y trouver des excuses, des justifications savamment orchestrées pour détourner l'opinion publique : une colonisation ce n'est pas amener des savoirs et des croyances, c'est les imposer de gré ou de force. Ce n'est pas faire bénéficier, c'est prendre des bénéfices. Ce n'est pas propre, ce sont des massacres de population.
Façonner l'opinion publique pour convaincre de son bon droit n'est pas compliqué, il suffit de l'abreuver de la peur et de la haine d'autrui, de le traiter de terroriste par exemple pour la persuader que l'éradication a du bon (mais je m'éloigne un peu du sujet).
.
Dans les années 1830, il était dit aux français qu'il fallait purger l'Algérie de ses mécréants. Chose faite, ou en passe de l'être, on les invitait à venir s'y établir, on leur offrait des terres et on leur promettait qu'ils allaient se construire un avenir ensoleillé et prospère.
La purge et l'installation des colons sont les deux voies retenues par l'auteur pour parler de la colonisation. Il fait tour à tour, en alternant les chapitres, s'exprimer un soldat français au service d'un capitaine impitoyable, et un groupe de colons dont le désenchantement commence dès leur premier regard sur leur promise « colonie agricole » qui se résume en fait à des alignements de tentes militaires, où plusieurs familles devront cohabiter, affronter les éléments, et des autochtones armés de yatagans qui refusent la soumission.
.
Mathieu Belezi est crédible aussi bien lorsqu'il prend la voix de Séraphine convaincue par son mari de venir tenter « l'aventure algérienne » et qui se retrouvera face à d'inimaginables épreuves, que lorsqu'il prend celle d'un soldat français qui exécute les ordres sans faillir à la pitié ou à quelconque remise en question malgré de subtils « commentaires » en italique qui semblent tels un petit ange de conscience qui essaie en vain de s'agripper à son oreille.
Les choix typographiques rythment l'écriture de l'auteur, italiques, absence de point et donc absence de majuscules, les paragraphes sont livrés comme un déversement de parole sans fin. J'ai pensé avec un petit agacement à un simple effet de style, au départ, une recherche de modernité qui sonnerait creux. Et puis j'ai changé d'avis au fur et à mesure de ma lecture. Cette absence de points sert le style dans le sens où les témoignages de ces gens semblent livrés bruts, sans chercher quelconque effet justement. Les peines comme les joies fugaces. La soumission au capitaine comme la hargne d'éventrer. Les mots s'égrènent, les personnages vident leurs sacs, font une confession . Et pour le lecteur, l'émotion monte devant ce flux de mots ininterrompus, devant ce flux de violence et de tristesse.
Commenter  J’apprécie          4716




Lecteurs (1911) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3184 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}