Aurélien Bellanger est un écrivain à l'érudition roublarde. Dans son dernier livre, il construit avec force collages, un labyrinthe dont on trouvera la sortie dans le dernier chapitre qui répond à la plupart de nos interrogations.
Le livre a plusieurs sujets, traités en forme de poupées russes :
- la vie et l'oeuvre de
Walter Benjamin, philosophe allemand, en exil à Paris entre 1933 et 1940, grand assidu de la Bibliothèque nationale (site Richelieu)
- la vie et l'oeuvre de François Messigné, poète, membre des Grands réalistes, grand assidu lui aussi de la Bibliothèque nationale (site Mitterrand), suicidé en août 2014 en se jetant dans le jardin en contrebas de la BNF. Son objectif était d'écrire le grand poème récapitulatif d'une civilisation sur le point de s'achever, la sienne
- le « groupe Benjamin », ainsi qualifié par le contre-espionnage français qui le suspecte d'activisme de « type black bloc » mais regroupant en réalité une universitaire, un historien de l'architecture et un journaliste, tous trois passionnés par les vies et les oeuvres de Benjamin et de Messigné
Sur ce canevas, Bellanger procède à un agencement de collages dont les sources nous paraissent suspectes : tous les documents reproduits ont-ils bien été écrits par
Gide, Jouhandeau,
Adorno, Ernst Schoen et bien d'autres ou ont-ils été inventés par Bellanger ?
L'érudition et l'inventivité de l'auteur nous fascinent tout en nous alertant : sa roublardise n'est-elle pas une imposture ? Peu importe, malgré des exposés et des références abscons pour qui n'a pas une grande culture en philosophie, nous avançons dans ce « roman » sans lâcher prise, l'auteur étant suffisamment habile pour réduire chacun de ses collages à deux ou trois pages et pour nous projeter d'une période à l'autre, entre 1920-1940 et 2000-2023.
Suivant les différents protagonistes, il nous immerge dans des milieux bien particuliers : les universitaires allemands des années 30-40, les poètes du cercle des Grands réalistes des années 90, les militants de la « ZAD Rive gauche », les chercheurs de la Bibliothèque nationale.
Il invente des intrigues policières dont il tient le fil, tenu, durant 400 pages.
Un livre déroutant mais original et passionnant.
Aurélien Bellanger est un malin, c'est sûr !