Citations sur L'enfant de sable (103)
Levez la main droite et dites après moi : Bienvenue, ô être du lointain, visage de l'erreur, innocence du mensonge, double de l'ombre, ô toi tant attendu, tant désiré, on t'a convoqué pour démentir le destin, tu apportes la joie mais pas le bonheur, tu lèves une tente dans le désert mais c'est la demeure du vent, tu es un capital de cendres, ta vie sera longue, une épreuve pour le feu et la patience. Bienvenue ! ô toi, le jour et le soleil ! Tu haïras le mal, mais qui sait si tu feras le bien... Bienvenue... Bienvenue !
Elle m'appela Zahra "Amirat Lhob", princesse d'amour.
Je ne suis pas déprimé,je suis exaspéré.Je ne suis pas triste,je suis désespéré.Ma nuit ne m'a rien donné.Elle est passée inaperçue. Calme,vide,noire.
A partir de ce jour, je ne suis plus votre frère ; je ne suis pas votre père non plus, mais votre tuteur. J'ai le devoir de veiller sur vous. Vous me devez obéissance et respect. Enfin, inutile de vous rappeler que je suis un homme d'ordre et que, si la femme chez nous est inférieure à l'homme, ce n'est pas parce que Dieu l'a voulu ou que le prophète l'a décidé, mais parce qu'elle accepte ce sort. Alors subissez et vivez dans le silence.
Ma vie fut principalement aux livres. J'en ai écrit, publié, détruit, lu, aimé... Cette femme, envoyé par une main bienfaisante, vint, juste la nuit, me donner une dernière image, offrir à mon souvenir son visage entièrement tourné vers un passé que je devais deviner. Je ne suis dit que ce n'était pas un hasard, mais bien le fait d'une bonté anonyme : emporter dans un voyage souterrain l'image d'une beauté émue. J'entrai dans l'obscurité accompagné de ce visage qui allait, plus que les livres, occuper ma vie, ce long couloir du crépuscule.
Situation étrange ! On aurai dit que j'étais dans un livre, un de ces personnages pittoresques qui apparaissent au milieu d'un récit pour inquiéter le lecteur ; j'étais peut-être un livre parmi les milliers serrés les uns contre les autres dans cette bibliothèque où je venais naguère travailler. Et puis un livre, du moins tel que je le conçois, est un labyrinthe fait à dessein pour confondre les hommes, avec l'intention de les perdre et de les ramener aux dimensions étroites de leurs ambitions.
J'allais à la mosquée. [...] Ce fut là que j'appris à être un rêveur. Cette fois-ci, je regardais les plafonds sculptés. Les phrases y étaient calligraphiées. Elles ne me tombaient pas sur la figure. C'était moi qui montait les rejoindre. J'escaladais la colonne, aidé par le chant coranique. Les versets me propulsaient assez rapidement vers le haut. Je m'installais dans le lustre et observais le mouvement des lettres arabes gravées dans le plâtre puis dans le bois. Je partais ensuite sur le dos d'une belle prière :
'Si Dieu vous donne la victoire,
personne ne peut vous vaincre.'
Je m'accrochais au Alif et me laisser tirer par le Noun qui me déposait dans les bras du Ba. J'étais ainsi pris par toutes les lettres qui me faisaient faire le tour du plafond et me ramenaient en douceur à mon point de départ en haut de la colonne. Là, je glissais et descendais comme un papillon. Je ne dérangeais jamais les têtes qui se dandinaient en lisant le Coran. Je me faisais tout petit et me collais à mon père que le rythme lancinant de la lecture endormait lentement. On sortait de la mosquée en se bousculant.
- N'est ce pas le temps du mensonge, de la mystification ? Suis-je un être ou une image, un corps ou une autorité, une pierre dans un jardin fané ou un arbre rigide ? Dis-moi, qui suis-je ?
Je n'ai cessé toute ma vie d'opposer le pouvoir des mots à la force du monde réel et imaginaire, visible et caché. Il faut dire que j'avais plus de plaisir à m'aventurer dans le songe et l'invisible que dans ce qui m'apparaissait violent, physique, limité.
Ressembler à soi-même, n'est-ce pas devenir différent ?