Francis n'a plus qu'une idée en tête: il faut le présenter à Gabrïele. Il est certain qu'Apollinaire va tomber à la renverse devant l'intelligence de sa femme. et puis il ne peut pas véritablement aimer quelqu'un d'autre si elle n'est pas là pour l'aimer aussi. (p. 202)
- La nuit est plus lourde que le jour, dit Francis Picabia.
En 1908, Gabriële a 27 ans. Elle est partie finir ses études de musique à Berlin commencées à Paris. C'est une jeune femme indépendante. pas de mari, pas d'enfant, pas d'attache. Elle mène une agréable vie, une vie de garçon.
Il est de ces moments, dans une vie, où tout indique l'absurdité d'une situation. Et pourtant une force irrationnelle vous cloue en spectateur hagard du spectacle insensé de vos propres choix.
La famille Buffet déménage souvent, au gré des garnisons, la carrière militaire du père les fait voyager inlassablement d'une ville à l'autre. (...)
Les enfants apprennent à ne pas s'attacher. Ni aux gens, ni aux lieux, ni aux objets. Gabrïele en gardera tout au long de sa vie une manie curieuse, celle de se débarrasser des choses, de donner et de vendre tout ce qu'elle possède. (p. 119)
Les amitiés amoureuses ne s’éteignent jamais quand elles ne sont pas consommées.
Il ne conçoit pas que sa fille pousse la plaisanterie
au-delà d'un futur mariage qui l'établira dans sa vie de femme adulte.
Une jeune fille artiste, ce n'est pas acceptable.
Rien ne fera plier Gabriële.
p 123
" J'ai été une des premières personnes à faire du ski - personne à cette époque ne pensait que la neige pouvait être un lieu de délices et d'intérêts. Je me souviens, les enfants sortaient de l'école pour me voir. Ils hurlaient : Y a la Gabriële qui traverse la neige sans s'enfoncer !"
Gabrïele a presque 25 ans. Et l'idée de devoir faire l'amour avec un homme la plonge dans des abîmes de perplexité. Elle peut prendre d'assaut une montagne. Mais un corps d'homme. Non, c'est autre chose. C'est un étrange désintérêt. (p. 49)
Quand on s’apprête à quitter un lieu, une question morbide peut s’inviter, très fugace : « Est-ce que je reviendrai ici un jour ? »