C'est horrible, cette espérance à coups de raisonnement. Surtout quand on sent que les raisonnements pourraient aboutir à une tout autre conclusion. Alors, vois-tu, je me jette à fond dans la confiance en Dieu, je m'y noie; c'est un océan d'amour, en somme. Nulle part je ne retrouve aussi bien Florent que là. Je ne peux pas dire ça aux gens. Ils ne comprendraient pas. Toi, tu comprends... On se comprend, toi et moi.
Un océan d'amour... Ces mots-là l'émouvaient étrangement.
Ça ne ressemble à rien de ce que tu as fait. On ne dirait pas que c'est le même poète. Mais je trouve ces vers plus beaux que tes plus beaux vers : ils sont grands. Papa, n'est-ce pas, on ne peut pas rester mesquin en ce moment. La détresse du monde presse... tire en avant... démolit notre affreux petit égoïsme bourgeois.
— Tu ne comprends rien. Pour toi et pour moi, « le meilleur monde » ne se trouve pas du tout représenté par les mêmes personnes.
Il pensa au « monde » condamné par l'Evangile. Le monde de Jeanine n'était-il pas ce monde-là, un monde qui, d'ailleurs, était en train de disparaître dans le tourbillon de la guerre ? Que serait le monde nouveau ?
« Dire qu'il y a des belles-mères jalouses de leur belle fille ! Quelle sottise ! On aime le même garçon avec des nuances si différentes ! Ce qu'il donne à la nouvelle venue n'est pas retiré à celle qu'il aima la première... »
Et il était triste. Il portait sur lui les malheurs de la patrie. Ces malheurs lui inspiraient des vers admirables, mais sans espérance. Il restait un homme du passé, sans oser prévoir l'avenir.