L'artiste dut, sous d'amples robes, dissimuler le plus complètement possible la forme humaine et celle même de l'Enfant Jésus. Son but unique fut de donner un corps à l'idée religieuse; sa première préoccupation, d'éviter toute invitation aux pensées profanes. Le Christianisme avait emprunté aux terreurs des persécutions, aux horreurs des invasions et des guerres, un caractère sombre et farouche, auquel vint se mêler le mysticisme oriental; car les Grecs de Byzance avaient succédé aux Grecs d'Athènes et de Rome, et obtenaient encore dans la peinture et la mosaïque une sorte de monopole.
Le Titien ne fît que traverser Rome, mais il ne put le faire sans être frappé de la beauté du Laocoon, ni sans éprouver le désir de faire passer dans ses œuvres la sublimité de cette douleur. Il voulut nous donner le Laocoon chrétien et rehausser la grandeur des souffrances de l'homme de toute la majesté de la Divinité. Le Christ couronné d'épines fut le fruit de cette émulation généreuse. Le coloris est à la hauteur de ce que le Titien a fait de mieux, et, quant à la beauté de la composition, elle est sans égale.
Cette renaissance venait après de longs siècles d'un sommeil de mort. Il était né, au milieu des persécutions, un art chrétien; non sans peine, sans doute, car si les besoins de la nature appelaient sur les murs des catacombes la représentation des symboles religieux et des personnages sacrés, la religion nouvelle était en défiance du génie d'Apelles et de Phidias, qui avait prêté au paganisme un si puissant concours. Le ciseau des sculpteurs avait en effet divinisé la forme humaine; le culte de la volupté et de l'amour avait tiré une force incroyable de la beauté et de la perfection des idoles. On prit donc bien garde de ne point ouvrir de porte à la sensualité. La sculpture, — et après les fureurs des iconoclastes ce fut une sorte de transaction, — la sculpture, plus coupable, fut proscrite; la peinture seule fut tolérée, mais à quelles conditions!