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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Robert Coublevie est un homme qui marche. À ses côtés, sa petite chienne le suit, fidèlement. Il chemine le long de la Ligne dans les Hautes-Alpes entre la France et l'Italie. Il parcourt les sentiers à travers les montagnes majestueuses qui s'offrent à son regard. Parfois, il s'arrête et admire les névés, le ciel, les fleurs éclatantes et renifle leur parfum, il observe les marmottes et autres bouquetins, épie leurs mouvements, s'émerveille de tant de beauté. Cet endroit, il le connaît bien, et pourtant à chaque ascension, c'est un enchantement, un sentiment de liberté et de joie monte en lui. Une respiration généreuse et bienfaisante. Il se remplit de cet air, de ces images, des clapotis de l'eau, des murmures du vent et de ses rencontres humaines. Parmi les gens qu'il croise, il y un vieux chartreux, Jean. Ils parlent de leur vie, de leur passé, de leur crainte, de leur peine, de leurs espoirs aussi. Presqu'un ami, un confident. Lui marche de l'autre côté de la Ligne, en Italie. Aucun ne franchit la frontière. Ils avancent quelquefois ensemble mais en parallèle.
Si le chartreux reste dans les montagnes, Coublevie redescend de temps à autre dans le monde civilisé, dans le brouhaha, le tumulte et les tourments de la ville. Il retrouve le Café du Nord et ses habitués Tissot, Tapenade, ainsi que Sylvain le patron, Mounir le serveur et Camille (la fille du patron), une jeune adolescente à qui il faisait réciter les devoirs quand elle était petite. Il l'aime bien cette gamine... Et quand il se sent vide, il monte à nouveau là-haut.
Avant, il travaillait comme pion dans un lycée agricole. Avant, il aimait une femme, Elia. Une vie qui semblait lui convenir. Mais quand sa femme l'a quitté pour un autre, son monde s'est écroulé. Alors il s'est mis à marcher. Pour fuir ? Pour tenter d'oublier ? Pour réfléchir? Pour laisser courir le temps ? En quête d'une certaine spiritualité ? Vers un monde meilleur ?
Malencontreusement, Coublevie va être au centre d'une tragédie. Un meurtre. Chemineau, il s'avère être le coupable idéal. Evidemment innocent, l'homme va découvrir une chose qui va le bouleverser au plus au point. Une chose qui a un lien avec Camille et l'assassinat. Et cela est insupportable pour lui. Malade, il sait qu'il sera bientôt dans l'incapacité de marcher, alors il entreprend de préserver la jeune fille en se livrant aux autorités. Un sacrifice qui n'en est pas un à ses yeux. Au contraire, Coublevie n'a jamais eu un visage aussi serein et joyeux. Il jubile et exulte devant l'avocat commis d'office. Une certaine désinvolture s'est emparée de tout son être. Emprisonné et pourtant si libre.
Robert Coublevie est un personnage qui marche droit, émouvant, attachant et bienveillant, Un roman magnifique sombre et joyeux sur les frontières de l'âme, du corps, de l' espace, des générations, sur l'affranchissement et sur la beauté du monde.
Lien : http://lesmotsdelafin.wordpr..
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Un homme qui se promène sans cesse sur un même itinéraire de montagne, il a tout abandonné après une déception amoureuse, mais revient régulièrement à Briançon ou il a ses habitudes, marcheur permanent, il nous décrit la montagne, son calme, ses odeurs, ses rencontres, la beauté permanente qui devrait faire passer les maux de l'âme. A la ville dans le café qui est son repère habituel, une gamine aux lourds secrets qu'il essaie de comprendre et qui va l'entrainer peu à peu dans son sillage.
Un livre dérangeant entre d'un coté la beauté de la nature, qui peut permettre d'atteindre une certaine paix, de l'autre les perversités de certains que le personnage principal va peu à peu découvrir et qui vont l'entrainer ou il ne voulait plus aller. Mais en réalité voulait il vraiment rester ce qu'il était devenu ?
Ce récit se lit d'une traite, j'avançais dans le récit de plus en plus perplexe, et j'ai trouvé la fin dérangeante même si cet homme semble y avoir trouvé la paix. Mais peut être ai-je été simplement victime de mon éducation et de mes préjugés, à vous d'en juger.
Le style est très précis, clair, rend parfaitement la beauté de la montagne comme des âmes mais aussi la noirceur ce ces dernières.
En conclusion un excellent livre qui peut déranger par une chute qui peut paraitre manquer de morale, mais n'est ce pas aussi un bon moyen de faire réfléchir ?
Merci à Babelio et aux éditions Mercure de France pour ce livre reçu dans le cadre de l'opération masses critiques.
Lien : http://allectures.blogspot.f..
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Yves Bichet - L'homme qui marche – roman
Mercure de France (16,50€ - 174 pages)
Le titre L'homme qui marche a inspiré sculpteurs ( Rodin, Giacometti) et écrivains (Christian Bobin, Albert Strickler). le narrateur, Robert Coublevie, se définit comme « le marcheur d'un seul chemin ». Il distille avec parcimonie les indices sur son passé: « ancien pion », «cocu par négligence », mais suffisamment pour comprendre qu'il reste mortifié d'avoir été quitté par l'être aimé, Elia. Celle qui lui est fidèle, c'est l'autre Elia, sa chienne. En leur emboîtant le pas, le lecteur se retrouve sur La ligne, la frontière-France -Italie dans des paysages grandioses, que l'auteur sait sublimer.

On s'interroge quant à ce choix de vie d'errance «entre ciel et terre », de chemineau, à l'écart des villes. On subodore que le héros a été écorché vif, et qu'il a perdu confiance dans ses semblables, qui le « déroutent » et l' « effraient » et qu'il tente d'oublier. Il confie avoir « la trouille » de deux choses: « l'amour et les transports ».

Yves Bichet nous confronte dès le début à un mystère en restituant le texte qui fut donné à lire au narrateur par un « drôle de loustic », Yves Tissot, « douanier ». Mystère encore que cette adresse notée sur « ce fichu papelard », trouvé dans la casemate. Mystère quant aux confidences édifiantes de Camille qui vrillent Robert.

Le côté lumineux du récit vient du duo Robert et Jean son double, moine italien.
On est témoin de la naissance d'une amitié unique avec Jean, ce chartreux, rencontré sur les cimes. Ils se sont reconnus dans leur communion avec la nature, aiment partager de brefs moments conviviaux, un repas et se fixer ces rendez-vous, loin de la fureur du monde. Ces retrouvailles deviennent leur viatique et le lecteur se surprend à les attendre, d'autant que le lieu varie. Leur solidarité dans l'épreuve, la maladie , l'un épaulant l'autre, force notre admiration pour ces deux marginaux, qui ont le sens des valeurs chrétiennes, de l'entraide. Dieu s'invite dans leurs conversations.

Le lecteur notera très vite que le narrateur croise surtout des hommes, fréquentant peu de lieux publics à l'exception d'un bistrot. Ce milieu masculin fait penser aux romans d 'Hubert Mingarelli dont les protagonistes évoluent dans une sorte de no man's land, mènent des vies spartiates et se contentent parfois d'un repas frugal.

Où sont les femmes? le narrateur convoque sa mère défunte. Il reste habitée par Elia, aux «  longues jambes et seins pointus ». La douceur de son corps lui manque.
La seule figure féminine présente est la mystérieuse Camille, fille du propriétaire du bar que connaît Robert. Robert montre un regard paternel à l'encontre de Camille, pour l'avoir aidée dans ses études, et semble désireux de la protéger. Se douterait-il des fréquentations interlopes de Camille? Y aurait-il un lien entre l 'auteur de la lettre et Camille? Devrait-il se méfier des clients qu'il côtoie au Café du Nord?

Le récit connaît un rebondissement quand la chienne flaire la présence de quelqu'un et s'empare du message anonyme. Robert en déduit que Camille a été dans les parages. Mais avec qui? Que serait-elle venue faire?
Quand il revoit Camille, celle-ci réussit à l'entraîner jusqu'à un loft où a lieu «  le repas des salauds ». Ce qu'il découvre est assourdissant, sidérant pour lui au point d'y retourner seul. Nouveau coup de théâtre: Robert réalise que l'homme mort est « La belle gueule » le suspense s'installe. La police recueille les indices, voilà la lampe du narrateur dans leur filet. La traque commence pour le narrateur.

Un autre temps fort du roman est celui des révélations édifiantes de Camille, « l'enfant martyre, l'enfant proie... » qui viennent corroborer les doutes du narrateur. N'aura-t-elle pas été victime du syndrome de Stockholm? Mais le bourreau n'était pas celui que Robert avait soupçonné, fourvoyant en même temps le lecteur.
L'attachement de Robert pour Camille est de plus en plus évident, il n'hésite pas à la gratifier d'une envolée lyrique: « À toi, dans l'impulsion des temps ».
Le récit atteint son paroxysme: scène émouvante d'autant plus poignante que Robert vient faire ses adieux à Camille qui lui remet une image pieuse, comme un talisman. Une phrase résume sa consternation: « Je ne comprends rien à ce monde absurde ».

L'homme qui marche déroule une série de contrastes. Les protagonistes évoluent sur la frontière, dans de grands espaces, avec l'horizon à l'infini mais aussi dans le huis clos d'un café, de blockhaus, du loft ou la chambrette de Camille. En haut, on croise « les poètes, les rêveurs,les amoureux... »), dans la zone industrielle, «  les Roms qui dealaient... », dans la ville ( Briançon), au bistrot se réunissent « une bande de tordus,de quenelles », « des connards ». La pureté, contre la noirceur du monde.

Le romancier a su impulser le mouvement de marche. Tel un cameraman, il suit en travelling les « ruisselets qui dévalent »; la chienne qui se carapate, trottine, bondit ou détale; les flocons qui virevoltent et « s'enfilent un à un dans le petit coeur en bois. »

Yves Bichet sait plonger son lecteur dans l'extase en l'immergeant dans « la beauté
omniprésente » des cimes, leur splendeur et majesté. Il sait rendre à merveille l'explosion de la nature au printemps, « un vrai miracle ». Son regard attentif , balaie une ligne verticale, s'attarde sur la flore (gentianes, rhododendrons, narcisses) ,la faune (les marmottes) et s'abime dans la contemplation du ciel ( « de nuages frangés de blanc » et ses variations: « Une bande bleu clair, toute perlée de rose, striée de reflets cuivrés ». Tel un poète, l'auteur nous fait entendre un « ruisseau qui caracole ». Tel Man Ray, il saisit « une larme en arrêt en haut de la lèvre ».

Si le mot tabou n'est pas prononcé, c'est bien ce sujet que l'auteur explore avec
beaucoup de subtilité et de tact en focalisant notre attention sur Camille.
On quitte à regrets le trio attachant( Jean, Camille et le narrateur) et « Pépète », qui nous attendrit quand elle « gobe d'un coup de langue » les larmes de Camille.

Yves Bichet , pétri de poésie et d'attention émerveillé à la nature sauvage, signe un polar envoûtant, à l'épilogue stupéfiant qui nous fait osciller «  entre deux vertiges:
la fascination, l'effroi », comme le narrateur incarnant « Un amour oblatif ».

















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"Reçois qui tu deviens" !
On dit ça chez les chartreux au moment d'avaler le corps du Christ.

"Je suis le marcheur d'un seul chemin...Robert Coublevie; ancien pion au lycée agricole d'Embrun, chemineau par passion et par mélancolie, pauvre par obligation, endurant par devoir, cocu par négligence, arpenteur et fuyard."
"Je longe la frontière d'un seul côté, jalonnant sans cesse les même crêtes, franchissant les même cols, passant d'un horizon à l'autre. La Vanoise au nord, le Queyras au sud; mes deux repoussoirs."
"Je suis passé de mode, j'aime l'amour, je suis malade et je me fiche complètement de l'avenir".
Qui se contente est riche !
"Les voilà bien, mes vrais amis: Jean, le vieux chartreux malade et Camille, la petite gamine violée."

Comme souvent pour les romans forts, puissants, uniques... il est difficile de partager un ressenti.
Ces quelques extraits vous permettront d'effleurer l'atmosphère de cette oeuvre incroyablement belle.
Robert Coublevie s'est élevé au dessus de la condition des hommes, évoluant entre ciel et terre, se satisfaisant du moment présent.
Un moment de lecture étourdissant !
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