Le Besoin d’aimer
Pourquoi depuis un temps, inquiète et rêveuse,
Suis-je triste au sein des plaisirs ?
Quand tout sourit à mes désirs,
Pourquoi ne suis-je pas heureuse ?
Pourquoi ne vois-je plus venir à mon réveil
La foule des riants mensonges ?
Pourquoi dans les bras du sommeil
Ne trouvai-je plus de doux songes ?
Pourquoi, beaux-arts, pourquoi vos charmes souverains
N’enflamment-ils plus mon délire ?
Pourquoi mon infidèle lyre
S’échappe-t-elle de mes mains ?
Quel est ce poison lent qui pénètre mes veines
Et m’abreuve de ses langueurs ?
Quand mon âme n’a point de peine,
Pourquoi mes yeux ont-ils des pleurs ?
L'AMOUR
Passer ses jours à désirer,
Sans trop savoir ce qu'on désire ;
Au même instant rire et pleurer,
Sans raison de pleurer et sans raison de rire ;
Redouter le matin et le soir souhaiter
D'avoir toujours droit de se plaindre.
Craindre quand on doit se flatter,
Et se flatter quand on doit craindre ;
Adorer, haïr son tourment ;
À la fois s'effrayer, se jouer des entraves ;
Glisser légèrement sur les affaires graves,
Pour traiter un rien gravement,
Se montrer tour à tour dissimulé, sincère.
Timide, audacieux, crédule, méfiant ;
Trembler en tout sacrifiant,
De n'en point encore assez faire;
Soupçonner les amis qu'on devrait estimer ;
Être le jour, la nuit, en guerre avec soi-même ;
Voilà ce qu'on se plaint de sentir quand on aime,
Et de ne plus sentir quand on cesse d'aimer.
p.4-5
LE BONHEUR
IL est auprès de moi, sa main presse ma main,
Sa bouche s'embellit du plus charmant sourire,
Son teint s'anime, je soupire,
Sa tête mollement vient tomber sur mon sein ;
Là je respire son haleine,
Son haleine en parfum plus douce que la fleur;
De ses bras l'amoureuse chaîne
Rapproche mon cœur de son cœur ;
Bientôt nos baisers se confondent,
Ils sont purs comme nos amours :
Nous demeurons sans voix ; mais nos yeux se répondent ;
Ils se disent : Toujours, toujours !
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LE BILLET DOUX
Billet charmant, où d'un tendre retour
Mon œil ému lit la douce assurance,
Console-moi des ennuis de l'absence,
Viens sur mon cœur, restes-y nuit et jour ;
Et si jamais cet amant que j'adore
D'un autre amour doit connaître l'erreur,
Billet charmant, sur mon cœur reste encore,
Et fais encor que je croie au bonheur.
p.26
Le répit.
C'est trop en des vœux superflus
Perdre les jour de mon bel âge ;
C'est trop par des soins assidus
D'un ingrat mendier l'hommage :
Dès ce moment ne l'aimons plus ;
C'est le seul parti qui soit sage.
Mais ce soir en secret il demande à me voir...
Son cœur peut-être a su m'entendre ;
Peut-être que ce soit l'entretien sera tendre...
Aimons l'ingrat jusqu'à ce soir.