Mon amie Marie-Claire m'avait offert ce livre avec une super dédicace de l'auteur et si je l'ai lu et apprécié à l'époque, shame on me, la suite de la trilogie s'est endormie dans ma PAL! Grâce à une conversation avec un autre ami FB, j'ai soufflé la poussière sur les bouquins, ai sorti un joli marque-pages, mon carnet de citations et hop, Monsieur
Jean-Luc Bizien, à nous deux!
Donc merci Marie-Claire et Yvan Meert!
L'Évangile des ténèbres est une relecture mais je dois bien avouer que j'ai été saisie du même malaise rageur que lors de ma découverte livresque!
Élevée au bon grain du Nord, avec un solide caractère et un esprit critique plus que rebelle, cette plongée livresque dans une dictature communiste telle que celle de la Corée du Nord, même ayant conscience que nos chers pouvoirs publics démocratiques et occidentaux s'ingénient depuis plusieurs décades à formater le peuple pour grossir le troupeau mondial de moutons décérébrés aveugles et sourds, est un véritable challenge.
Car nous restons des privilégiés et difficile de réellement comprendre l'inimaginable: un pays d'ombres et de silhouettes robotisées, un décor de carton pâte au mieux, moyenâgeux au moins pire dans l'arrière-pays, un culte de la personnalité au zénith, un matraquage incessant de la doctrine du tyran, aucune liberté, aucune ouverture vers l'extérieur. Une ambiance sinistre à chaque coin de rue et la chape lourde des autorités sur chacun.
Deux histoires s'entrechoquent dans ce roman.
Un serial killer sévit au pays de la dynastie communiste, événement totalement inconcevable pour ce régime qui se veut modèle de perfection sous la protection du Cher Leader. Par conséquent, tout est mis en oeuvre pour cacher ces crimes, ne pas en parler, nier leur existence en attendant de trouver le coupable pour ne pas troubler la paix et l'harmonie bienveillante (ironie, bien entendu!).
Paik Dong-Soo est chargé de résoudre cette enquête rapidement sinon c'est sa vie qui est en jeu… Ce jeune militaire subit une pression énorme et va devoir faire le choix de sortir des sentiers battus, à ses risques et périls, à forcer le silence de ses supérieurs. A fortiori lorsqu'il soulève le voile d'un énorme scandale d'État… Comment? Tout n'est pas parfait en Corée du Nord? C'est bizarre!
J'ai admiré le courage de ce jeune militaire devant l'ampleur et les risques de sa tâche ainsi que la peur omniprésente de représailles qui l'étreint à chaque pas en avant. Il ne recule devant rien, ne bénéficie d'aucun soutien et la récompense ne sera pas au rendez-vous…
Et nous avons Seth Ballahan, journaliste américain, pétri d'arrogance et d'impérialisme, qui débarque avec ses gros sabots, avec pour objectif de retrouver un de ses jeunes collègues en danger, Michaël Wong. le choc est énorme, Seth va réviser, difficilement, ses a priori et son comportement au contact de Suzan, rompue aux habitudes locales, travaillant depuis quelques années dans une ONG.
Dire que le personnage de Seth est antipathique est en dessous de la vérité! C'est une grande gueule égotique et suffisante, une véritable tête à claques! J'en ai regretté qu'il ne souffre pas plus de son aventure… histoire de lui rabattre son caquet de vieux coq!
Le seul bémol est que le parcours de Michaël Wong à son arrivée en Corée et sa personnalité ne sont pas assez développés, à mon sens. J'aurais aimé connaître son point de vue sur le pays d'origine de ses parents, ses réactions et ses réflexions; savoir comment sa situation a dégénéré et s'il a eu conscience, à un moment donné, d'être un pion sacrifiable sur l'échiquier ou s'il a pensé aux sentiments de sa mère à propos de sa mission. Cela restera un mystère.
Le personnage du Chasseur est parfaitement ignoble! Assouvir une vengeance, certes, y prendre plaisir est autre chose! Si on devine au fur et à mesure le rôle qu'il a joué dans le scandale qui a mené des milliers de personnes vers les camps d'internement ou la mort, son besoin de vengeance apparaît davantage comme l'assouvissement de bouffées perverses intrinsèques que l'orchestration d'une réaction aux ordres de la hiérarchie ayant mené ce projet d'eugénisme abject. Un véritable psychopathe qui se joue de la vie d'autrui qui risque toutefois de se heurter à l'intelligence de Paik Dong-Soo, l'enquêteur.
Loin de se focaliser sur les ténèbres de la Corée du Nord, l'auteur nous offre également une belle critique cynique de l'Occident visible dans la consumériste Corée du Sud et par les manipulations de la hiérarchie de Seth qui n'hésite pas à sacrifier un être humain pour davantage de gros titres et d'une progression non négligeable des tirages de presse. C'est une vision multiple de la propagande, arme suprême utilisée tout aussi bien par un régime politique totalitaire pour étouffer toute velléité de révolte que par une presse avide de profit. Une manière subtile de dénoncer tout autant les travers sournois occidentaux que ceux, plus officiels, d'un pays totalitaire qui centralise les condamnations unanimes à travers le Monde.
En ce qui concerne le titre du roman, je me questionne encore… L'Évangile me semble concerner la bonne parole des dirigeants coréens embarquant tout un peuple vers la misère et un total dénuement face à l'opulence de son leader alors que le Chasseur ne prêche que pour sa propre paroisse. Mais je ne suis pas certaine de mon interprétation!
Jean-Luc Bizien a su m'entraîner dans un thriller dépaysant et captivant, à l'atmosphère grise, lourde, cruelle et froide. Je suis curieuse de découvrir la suite de l'aventure… mais du fond de mon fauteuil car, d'ores et déjà, je suis certaine de ne jamais mettre les pieds en Corée… l'auteur n'est pas un bon agent de voyages sur ce coup!
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