Nous voilà repartie pour une plongée dans l'univers de
Pascal Bléval. Encore une fois, le résumé plante le décor : nos héros sont en route pour Altar, à la recherche des dranags disparus. Pour ne rien arranger, leur IA, Lealbeth, ne semble pas promptes à leur faciliter la tâche… Nous retrouvons les codes du Space Opera sur un fond d'enquête pour comprendre ce qui est arrivé aux colons.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'intrigue passe très vite sur le voyage en lui-même, se concentrant sur les événements après le débarquement sur Altar. La planète réserve de nombreuses surprises aux protagonistes. Au fil des pages, plusieurs facettes de l'intrigue s'entrecroisent et donnent de la profondeur au récit. Entre maladies, extraterrestres et une IA défectueuse, les habitants du Markus IV ne sont pas au bout de leurs peines. L'action est moins présente que dans le recueil de nouvelles (dont vous trouverez la chronique ici), entrecoupé par les états-d'âmes de l'équipage. Si ce choix aide à la caractérisation et la profondeur psychologique des personnages, certains trouveront peut-être le tout mal dosé.
Et pour cause, c'est un pari risqué que c'est lancé
Pascal Bléval, avec sept destins à développer en moins de 360 pages. Pour ceux qui ont lu « le chant de l'arbre-mère : une autre vision », avant de se plonger dans le roman, retrouverons toute l'équipe avec plaisir. À la tête du vaisseau, le commandant Suraya tente de garder le contrôle des événements. Femme de caractère, elle tient son vaisseau d'une main de maître durant les premières pages. Mais très vite, les tempéraments complexes de ses compagnons vont ébranler son autorité. C'est le personnage dont l'on parle le plus tout au long de l'ouvrage. Très vite, on comprend qu'elle a des sentiments pour le sous-lieutenant Lana Jovrain. Et malheureusement, c'est là tout l'intérêt de cette dernière. Mise à part quelques scènes d'actions très bien décrites, son intérêt principal et de semer le trouble dans le coeur de Suraya — et d'autres. En réalité, elle a un aspect proche de « l'objet » que tout le monde convoite, sensation légèrement étouffée par sa force et son efficacité sur le terrain.
Au final, la relation la plus intriguant reste celle que le commandant entretien avec Nathalia Tcherpova. Tantôt froide, tantôt attentionnée, le « docteur ET » est la protagoniste la plus ambiguë. Et cela se perçoit dans l'évolution de son statut vis-à-vis de Suraya. D'un simple respect mutuel, les deux femmes se rapprochent, se confient, se disputent et se conseillent… On ne sait pas sur quel pied danser avec Nathalia, prenant tour à tour le rôle d'une mère, d'une amie et bien plus encore. Cette complexité peut gêner tout comme elle peut fasciner… Elle ne fera pas l'unanimité des lecteurs, mais elle a le mérite de jouer avec leurs méninges !
Le docteur est aussi proche de Grégory Norton, fidèle à lui-même. le vieux séducteur ne manque pas de flatterie – souvent lourde – à l'égard des femmes. S'il peut faire lever les yeux aux ciels, il n'en ai pas moins bien attentionné et reste un personnage agréable, qui s'avère plus pertinent dans la conclusion de l'histoire.
Beaucoup moins complexe, on retrouve le mercenaire Hank Turner. Sa fougue est moins appréciable que dans le recueil et ses remarques misogyne plus marquées. Personne dans l'équipage ne l'apprécie, excepté Vince Chevron qui, pour des raisons incompréhensibles, voit en lui une figure paternelle. Une relation non-réciproque, que le jeune homme vivra avec difficulté. En effet, le spécialiste des minéraux extra-terrestres n'est pas du genre à s'imposer. Très en retrait, le plus jeune du groupe est présenté comme un suiveur. Au vu de sa personnalité, son attachement à Hank – bien que très étrange – offrait des possibilités intéressantes et aurait peut-être dû être plus exploité. Enfin, Vince se démarque par son évolution importante, défendant ses convictions avec plus de poigne allant même jusqu'à la limite du supportable en prenant des décisions irréfléchies.
Et dans ce domaine, il n'est surpassé que par l'intelligence artificielle Lealbeth [R]. À peine arrivée sur Altar, celle qui contrôle le vaisseau montrera des signes de dysfonctionnement, prenant la voix et les attitudes d'une adolescente en pleine crise. Désormais capable de contester les ordres, c'est la vie de tous les protagonistes qu'elle met en danger. Curieusement, ces derniers ne paraissent pas plus s'en inquiéter que ça. Mise à part deux ou trois remarques par-ci par-là, l'attitude de Lealbeth[R] laisse tout le monde indifférent. Ce n'est que plus tard, quand vient le moment des explications, qu'on s'intéresse vraiment à ce problème.
D'ailleurs, ce n'est pas la seule chose dont les personnages se moquent. Certaines morts notamment, marque par leur violence, mais aussi par la facilité avec laquelle les autres passent à autre chose…
Pour cette seconde découverte, c'est à nouveau le travail gigantesque de
Pascal Bléval qui ressort. Nous pouvons noter plusieurs références aux nouvelles, alors que celles-ci ont été écrites après le roman. L'auteur maîtrise son univers à la perfection, et ce, malgré sa complexité et sa richesse. Si certains passages manquent d'étoffements et d'explications, le texte est accessible dans l'ensemble. Il y a quelque chose de très « cinématographique » dans les descriptions, une ambiance de film.
Un soin particulier a aussi été apporté à la conclusion de l'histoire. Les réponses sont bien trouvées, et inattendu pour la plupart. Tout le développement autour de la population d'Altar, de l'Arbre-Mère et toutes les solutions qui en découlent est mené avec élégance et finesse. Les dernières pages nous délivrent une fin qui peut diviser le lectorat. Si cela aurait pu être très différent, il semble, au final, que c'est exactement celle qui fallait.
Il s'agit ici d'une histoire pleine de bonnes idées, riche, qui nous plonge dans un univers unique. Une oeuvre qui plaira aux adeptes du genre, et à tous ceux qui se laisseront bercer par le chant de l'Arbre-Mère…
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