Apprendre à connaitre l'autre.
A l'apprivoiser.
Elle est comme la ville.Elle m'est familière et pourtant, tant de choses ont changé . Il faut essayer de combler les lacunes, débusquer les douleurs, fouiller la peau des sentiments. J'ai l"impression de n'avoir pas fait ça depuis des années. Jamais peut être.
Marie n'a jamais exprimé l'envie d'aller à la mer non plus. La mer, c'est un autre monde. La mer, c'est la plaine, les pins, c'est le domaine des forestiers, c'est le domaine des oisifs. La mer, c'est pour ceux qui ont de l'argent à dépenser. c'est pour ceux qui ne savent pas quoi faire de leurs dix doigts.
Je pense à ces peaux ridées, à ces gestes tendres, à cette compréhension, à cette complicité.
J'y pense toute la journée.
Je n'ai même pas encore vu a mer.
Je ne les ai pas regardés descendre la route qui mêne à la ville. Je ne voulais pas les voir, les valises à la main, droits comme des I. Avec leurs silhouettes de reproche.
Ils regardent l'Atlantique, et tout ce qu'ils voient, c'est de l'eau, du sel et des mouettes.
Moi, quand je regarde l'Atlantique, je vois les bateaux, les avions, New-York et la route qui traverse les Etats-Unis. Je vois jusqu'au Golden Gate Bridge. Je vois jusqu'à Alcatraz. Je vois jusqu'à Ashbury Heights. Je les vois, les maisons qui s'accrochent aux collines.
Dans la voiture, ils se tenaient la main sur la banquette arrière et ils regardaient le paysage en souriant. Je suis sûr qu’ils ne voyaient rien. Ils commençaient à imaginer. Vivre avec elle. Vivre avec lui. Un bonheur timide.
Il faut avoir confiance dans les surprises de la vie.
Il me gonfle avec les États-Unis.
Même pas capable de se rendre compte que presque vingt ans ont passé, qu'ils ont élu Reagan et Bush, qu'ils s'entre-tuent dans les lycées, qu'ils sont les champions de la misère dans le monde, qu'ils se prennent pour les rois du monde et qu'ils nous imposent leur modèle culturel débile à coup de Roue de la Fortune et de Rick Hunter.
Pourquoi j'y pense encore ? Je pensais que les vacances me videraient la tête. Mais non, les vacances, ça ne vide qu'une chose : le porte-monnaie.
Je les regarde tous et ils sont pitoyables.
Honnêtement.
Aucun rêve, aucun idéal.
Le monde change, le monde bouge, il y a des hommes et des femmes et une révolution est en marche, mais, eux, ça leur passe à côté. Il se réveilleront dans une dizaine d'années et quand il verront une rétrospective à la télévision sur les années soixante-dix, ils se demanderont où ils étaient pendant les grands bouleversements.
Ils étaient là.
Sur la plage.
Avec leurs parasols rouge et leurs serviettes orange, avec leurs cabines de plage, leurs grandes lunettes de soleil et leur pastis du midi.