Olivier Boile est devenu pour moi une valeur sûre. Quand je me lance dans un de ses livres, je sais d'avance que je vais voyager, quitter mon quotidien pour quelques heures. «
Mort et vie du Sergent Trazom » ne fait pas exception et m'a offert un très joli moment de lecture, bien que trop court, comme c'est souvent le cas avec l'auteur.
Il y a plein de choses dans «
Mort et vie du Sergent Trazom », tant et si bien qu'il est même difficile de le rattacher à un genre. Bien entendu, il y a un aspect uchronique mais c'est fait avec tant de subtilité et de fluidité que ça se remarque à peine. Cette façon d'aborder l'uchronie est à l'opposé de celle du bouquin que j'ai lu juste avant et qui était également une uchronie, à savoir « 22/11/63 » de King qui utilisait les gros sabots du voyage temporel pour mettre en place son versant uchronique (je précise que je les ai d'ailleurs beaucoup aimé ses gros sabots). Ici, l'aspect uchronique, bien que réel sur le fond, se fait discret sur la forme. Et c'est vraiment un traitement que j'ai apprécié. Dans «
Mort et vie du Sergent Trazom » il y a aussi une ambiance singulière, une atmosphère qui rappelle le steampunk sauf que c'est pas steampunk (quand je dis que le roman est difficile à rattacher à un genre…). C'est un peu comme si la révolution industrielle avait un peu d'avance et prenait pour décor Vienne au lieu de Londres. J'ai adoré les éléments qui forment cette ambiance : les automates, le café, la superbe scène de la visite au palais… Ces éléments apparaissent par petites touches, viennent étoffer le décor, lui donner une originalité sans pour autant en faire le coeur du récit. le côté Historique est complètement passionnant. On sent que le récit est très documenté mais ne parait jamais ampoulé. C'est érudit mais pas prétentieux. L'immersion aux côtés des soldats est vraiment totale, leur quotidien est dépeint de façon saisissante, on s'y croirait. Je connais très mal cette période Historique et je serais bien en peine de dire où se situent les points de divergence dans le roman mais ça n'a en rien entamé mon plaisir de lecture, je me suis simplement laissée porter par le récit.
Malgré ce mélange d'ingrédients le roman ne parait jamais brouillon. Et pourtant le récit adopte une forme déstructurée casse-gueule mais dont
Olivier Boile tire parti pour renforcer la tension narrative.
La seule chose qui m'apparait comme un défaut c'est que c'est trop court, comme c'était déjà le cas dans les autres romans de l'auteur. C'est certain qu'on ne peut pas lui reprocher de tirer à la ligne, son récit est court et dense. Cela permet de créer une tension palpable qui rend le récit très prenant et rend le lecteur impatient et avide de découvrir la suite. Mais, c'est mon petit bémol, cette brièveté nuit peut-être un peu au personnage principal. Autant j'ai trouvé que les seconds rôles étaient vraiment très bien campés, que ce soient le formidable Da Ponte ou l'ambivalent Salieri (que je vois toujours inévitablement avec la tête de F. Murray Abraham), autant j'ai trouvé que Mozart manquait un brin de corps. On peut trouver que cela colle bien avec ce monde dans lequel la musique ne compte pas, dans un tel contexte n'est-il pas normal que Mozart soit un peu effacé, mais je pense que je me serais davantage attachée à lui si j'avais passé plus de temps à ses côtés.
Mis à part ce petit bémol qui est bien peu de choses, après tout il faut mieux qu'un roman semble trop court que trop long, j'ai encore une fois été séduite par cet auteur qui régale encore une fois le lecteur avec sa plume simple, vive et élégante. C'est un bien bel hommage qu'il rend à la musique de Mozart. Moi qui n'y connais pas grand-chose, j'ai très envie d'en réécouter.
En plus, au roman vient s'ajouter une jolie nouvelle. le seul point commun avec «
Mort et vie du Sergent Trazom » c'est qu'on y retrouve également le grand compositeur mais le sujet et le ton sont très différents d'un texte à l'autre. Cette nouvelle est aussi une réussite, un texte beau et triste à la fois.