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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Olivier Boile a écrit ce livre pour moi.
Bon, ce n'était peut-être pas son intention au départ, mais il y intègre des éléments que j'adore retrouver dans des pages et qui communient bien ensemble (pas comme les frites et le chocolat) : de l'Histoire, de l'uchronie, un zeste de fantasy et de la musique classique. Un vrai gâteau d'anniversaire.

Olivier Boile a sa place dans le panthéon des auteurs qui savent travailler la glaise brute de l'Histoire pour en faire émerger des récits merveilleux, aux côtés de Jean-Laurent del Socorro, Fabien Cerutti et Guy Gavriel Kay (désolé pour ceux que j'oublie). Il le prouve une fois de plus avec ce récit. Il a le chic pour exploiter des zones géographiques que la fantasy ne parcourt presque jamais. L'action de ce roman se situe au 18ème siècle dans un empire Austro-Hongrois uchronique et met en scène un Mozart qui, s'il meurt le même jour que dans notre réalité, c'est en tant que soldat lors d'une guère austro-turque. Comment en est-il arrivé là ?

L'un des points de divergence de cette uchronie se situe dans la physique (pas de hard science ici, attention). La théorie des quatre éléments terre-air-eau-feu comme constituants fondamentaux de toute matière fonctionne parfaitement ici, au point que lorsque le savant von Stahl parvient à isoler l'élément feu, c'est tout une technologie et une industrie qui peuvent se développer, avec pas mal d'avance sur notre monde. Ce von Stahl a réellement existé, au passage, et a développé des théories de cet acabit ; la documentation qui alimente ce livre est bluffante.
Quoi qu'il en soit, ce développement précoce de l'industrie modifie les tempéraments urbains. Les gens délaissent la culture en général et la musique en particulier, amusements qui ne sont pas dignes d'adultes. A Vienne, cela correspond à un tremblement de terre. Mozart n'a aucun succès. L'auteur conte ses déprimes et ses espoirs, jusqu'à l'humiliation finale qui l'entraine vers la carrière des armes. Dans ce monde, Mozart est une sorte de Jordy ou de Macauley Culkin, un enfant star condamné par sa croissance.

En employant un langage mathématique, je dirais que l'oeuvre du compositeur est invariante par la fonction uchronie. Autrement dit il a composé – ou il les a en tête – les mêmes oeuvres que dans notre réalité. Elle irrigue le récit de bout en bout – et je recommande d'ailleurs de lire avec du Mozart en fond musical. On ressent l'amour sans limite d'Olivier Boile pour cette musique, à l'origine du roman.
La guerre austro-russo-turque est l'autre pendant du récit. Son histoire uchronique s'appuie sur des batailles et des événements bien réels, souvent inconnus du grand public, et vraiment surprenants. Je n'ai pas arrêté de fureter sur Internet pour en apprendre plus sur, par exemple, Karànsebes. J'ai appris énormément de choses. Mais l'auteur s'attache à ne pas glorifier la guerre ; c'est même le contraire qui ressort ; c'est la boucherie, la vie de soldat qui ravage ses tabous et le transforme naturellement en monstre.

Comme si la matière et la plume magnifique de l'auteur ne suffisaient pas à mon bonheur, l'auteur a ajouté du style dans l'agencement des chapitres qui ne suivent pas la flèche entropique du temps. Sans aller jusqu'à une déstructuration presque complète genre le Déchronologue de Stéphane Beauverger, il applique une méthode qui brûle le récit par les deux bouts pour le terminer au milieu du gué. C'est une approche similaire à celle de Iain M. Banks dans L'usage des armes. Cette façon de faire ne plait pas à tout le monde. Personnellement je la trouve jouissive. Elle me stimule.

Mais je m'aperçois que mon billet traine en longueur. Il y aurait pourtant d'autres choses à dire, sur la qualité des personnages comme Lorenzo Da Ponte ou le chevalier de Seingalt qui mériteraient leur propre roman, sur les autres aspects de l'uchronie comme l'absence de révolutions, sur le vaudeville final que j'ai presque trouvé de trop, ou sur la nouvelle complémentaire au roman.
Mais cela suffit. J'espère vous avoir donné envie de découvrir cet auteur trop discret qui mérite une large audience. Quant à moi, j'ai encore quelques livres à lire de lui. La chance !
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« Mort et vie du Sergent Trazom » d'Olivier Boile est sorti le 19 février de cette année 2021. Idée originale de l'auteur, créer un autre destin pour Mozart, compositeur de génie et virtuose du piano et du violon du 18ème siècle.
Nous sommes dans une Europe en plein essor industriel. L'économie et la rentabilité sont à plein régime, la culture, la musique ne sont plus à l'honneur, c'est l'argent qui est roi ainsi que les avancées technologiques. Il ne fait pas bon être musicien même si on est un génie, gagner sa vie de cette manière n'est plus possible à moins d'être dans les bonnes grâce du pouvoir en place. Et Mozart n'est pas du genre à faire des courbettes. Il a eu son heure de gloire jeune enfant prodige, mais à présent il faut faire bouillir la marmite.
Il vit avec une jeune fille Anna, chanteuse d'Opéra et bien plus jeune que lui. Mozart est un être primesautier tout entier tourné vers sa musique, oublieux des contingences matérielles.
Le roman s'articule entre le printemps 1790 et l'automne 1791, en de nombreux aller-retour sur ce qui et quoi décida Mozart à s'engager dans la carrière militaire. Au lieu de jouer du piano et du violon, il maniera le fusil et pataugera dans la boue et le sang. Autre musique cruelle et tragique de tous les temps.
C'est par son ami et poète Lorenzo Da Ponte, qui fut son partenaire dans la création des Noces de Figaro, que la fin de sa vie nous est contée.
Le sergent Trazom est le nom dont se servait en réalité Mozart pour signer sa correspondance personnelle et confidentielle. Dans cette uchronie elle lui servira à prendre une autre voie tragique.
J'ai beaucoup aimé cette uchronie, revisitée sur la fin de vie de Mozart, il fallait le faire, et Olivier Boile s'en est fort bien sorti. Car l'histoire est un ensemble de faits réels et imaginaires, tellement bien imbriqués entre eux qu'il faut soit être très au fait de la vie du musicien ou alors faire des recherches. de plus l'Europe et le Monde sont sous d'autres régimes, soit autoritaires ou monarchistes. La Révolution Française n'a pas eu lieu. Les Austro-hongrois reconquièrent Constantinople. Mais la musique s'en est envolée et n'adoucit plus les moeurs comme le dit l'adage.

Bravo à l'auteur d'avoir su si bien mêler réalité et uchronie. Les personnages secondaires sont eux aussi pris dans cette toile d'un autre destin et j'ai beaucoup aimé.

Avec Nadou ma fidèle co-lectrice nous nous sommes régalées à échanger nos impressions et diverses informations. On se laisse vite prendre au jeu de faire des recherches et bien sûr d'écouter la si belle musique de Mozart.
Merci à elle pour ce beau moment de partage.

Et bien sûr merci à Olivier Boile de nous avoir fait partager son dernier livre. Son imagination a su se mettre au diapason du génie de Mozart.
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J'avais adoré la lecture de « Nadejda » de Olivier Boile l'année dernière. Je fus donc très enthousiaste à l'idée de lire son dernier roman « Mort et Vie du sergent Trazom » lorsque l'auteur me l'a gentiment proposé.

Cette fois-ci, il nous propose une uchronie avec pour personnage principal un célèbre compositeur du XVIIIème siècle. Vous avez deviné qui ? Trazom, Trazom…. et oui ! Il s'agit bien de Mozart.

Et c'est très réussi !

En effet, toute la galerie de personnages sont des hommes et des femmes de notre Histoire, qui ont côtoyé de loin ou de près le grand artiste. Mais le cadre proposé du point de vue technologique, culturel et géopolitique est bien différent en revanche. Cela crée un mélange étonnant où les évènements sont principalement fictifs, mais les relations bien réelles. Je vous avoue que nombreux ont été mes aller-retour entre le livre et internet pour comparer l'Histoire à l'uchronie et ainsi en savoir un peu plus sur la vie de Mozart.

En cette fin du XVIIIeme, on a plus l'impression d'être à la fin du XIXeme. On est en pleine révolution industrielle, grâce à la maîtrise d'une nouvelle énergie, appelée « phlogistique », qui favorise la mécanisation et le développement des usines.

Le métal est donc à l'honneur, la musique beaucoup moins… Elle est au contraire perçue comme quelque chose d'inutile, une perte de temps, même à Vienne. Difficile alors d'être bien vu et reconnu lorsque l'on est musicien, encore plus difficile d'en vivre, malgré l'immense talent de notre compositeur…

L'Europe est largement dominée par l'empire d'Autriche, de Bohême et de Hongrie, dirigé par la grande impératrice Marie-Thérèse. Mais Vienne est en guerre contre l'Empire Ottoman. C'est ainsi que l'on trouve l'armée autrichienne face à la cité de Constantinople, le soldat Trazom mort lors d'une fusillade devant le pont de Galata…

« J'aurais souhaité évoquer avec vous ce que tout le monde à Vienne ignore au sujet de Mozart. Parlez-moi donc de sa carrière militaire. »

Ce sont donc les deux dernières années de la vie de Mozart qui nous sont racontées dans ce monde différent, ce qui l'a amené à s'enrôler dans l'armée et sa vie de militaire.

Et l'auteur le fait bien, par la construction même des chapitres et par une plume toujours aussi riche et soignée. J'ai aussi beaucoup apprécié les fréquentes références musicales, l'occasion pour moi de replonger dans les morceaux célèbres du compositeur. On trouve d'ailleurs à la suite du roman une annexe bienvenue des références musicales.

Est adjoint également au roman la nouvelle « Il menait le choeur des cieux », qui n'a pas de lien direct avec le roman, mais on y retrouve Mozart et le plaisir de prolonger encore un peu l'aventure.

Vous l'aurez compris, j'ai été conquise par cette lecture et par ailleurs ravie de la partager avec mon amie Srafina avec qui les échanges sont toujours aussi sympathiques.
Mais surtout un énorme merci à Olivier Boile pour son livre, un vrai cadeau.

Challenge Livre Historique 2021
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Une très belle uchronie qui, à mon avis, peut être difficile à lire pour les "non passionnés" à la fois d'Histoire et de musique et compositeurs...

J'ai la chance d'avoir de nombreux souvenirs du très intéressant récent Secrets d'Histoire sur Mozart, et heureusement. Car sinon, je n'aurais sans doute pas autant apprécié.

Car c'est quand même vraiment très poussé sur la culture musicale et historique. C'est extrêmement dense et en peu de pages, l'auteur nous décrit la "reconquête" des territoires au sud du Danube, imaginée par l'auteur et décrite par son Da Ponte, c'est à dire avec comme but de la manoeuvre : Constantinople, rien que ça, lol. Mes quelques notions ont suffi à mon bonheur, heureusement, et m'ont évité d'aller chercher trop sur le net pour savoir ce qu'il en était. Je n'aime pas trop devoir aller chercher en cours de lecture, ça me "sort" du récit.

Les événements sont bien suivis, et les "petites histoires" de Mozart / Trazom et de Lorenzo Da Ponte, y sont très habilement intriquées. La grande histoire est remaniée, le "phlogispunk" fait qu'on se croirait plus au 19ème qu'au 18ème siècle, lol. J'avoue que les subtilités de la politique réelle de l'époque m'échappent, mais ça ne m'a pas gâché la lecture.

C'est un vrai plaisir de voir passer divers personnages célèbres, et j'avoue que pour certains, je ne m'en souvenais plus ou ne les connaissait pas (à dire vrai j'ai un peu de mal à me rappeler des noms allemands et de par là bas...). Je ne connaissais pas non plus Anna Gottlieb, je dois dire...

Aussi, si vous lisez ce livre, soyez extrêmement attentif aux dates et lieux en tête de chapitre, car la narration n'est pas linéaire mais fait des allers-retours dans le temps. Mais c'est très bien fait et à aucun moment on ne se perd...

Les seuls (petits) défauts que j'ai trouvé : le manque d'inventivité de ses "gros mots". Il ne dit que "Et merde". Cela me parait un peu restreint pour le personnage... Mais ce n'est vraiment qu'un tout petit petit défaut !

Et aussi j'aurais apprécié une "liste" des personnages à la fin (pour pas déflorer les surprises au début, lol), genre "dramatis personae" comme au théâtre, ça n'aurait pas été du luxe ! ;)

Et puis, c'était trop court, j'aurais bien aimé suivre la reconquête de Constantinople, moi... Comment ça gourmande ?!

Bref, c'était un excellent moment de lecture, et comme je suis dans une période où j'ai un peu de mal dans ce domaine, c'était un judicieux choix de lecture commune avec mes amis BazaR et Foxfire, je n'ai pas autant traîné que j'aurais cru ! :)
Merci à eux pour cette LC.
Merci Olivier, aussi...

(Une petite question pour toi : j'ai trouvé des points communs avec la période actuelle "tue culture". Je me suis demandé "quand" tu avais écrit ce livre. J'ai vu à la fin, tu dis entre fin 2013 et début 2015. Tu ne serais pas un peu voyant par hasard ? Oo)

Ah oui un petit mot aussi sur la petite nouvelle à la fin : déprimante, essentiellement, j'ai trouvé... Sisi.
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Olivier Boile nous offre ici un roman empli de passion à l'image de l'illustre et célèbre compositeur Mozart. Mais loin de nous servir une énième biographie de cet être d'exception, dont le nom suscite toujours émerveillement et admiration, l'auteur opte pour une approche plus originale. Avec un sens du réalisme et du détail indéniable, il imagine ainsi un autre destin à Mozart ! L'issue sera tout aussi dramatique que dans la réalité, mais à sa différence, elle nous offrira une explication claire et irréfutable aux raisons de la mort de ce génie de la musique.

Mort et vie du Sergent Trazom ne nous narre donc pas les exploits militaires d'un illustre inconnu, mais l'enchaînement des événements ayant conduit Mozart, ce petit prodige ayant enchanté par sa précocité musicale les grands cours d'Europe, à s'engager dans la Grande Armée impériale jusqu'à le payer de sa vie. Alternant entre 1816, 1790 et 1791, l'auteur déroule sous nos yeux l'histoire d'un musicien en prise avec la réalité d'une Vienne obsédée par les progrès techniques, l'économie et la modernité, au détriment de sa vie culturelle et artistique. Un désert dont les seuls artistes rescapés le sont non pas grâce à leurs talents, mais à leurs accointances…

Corruption, uniformité, plagiat éhonté, mépris, pauvreté culturelle, musique considérée comme futile à une époque de l'utile… Tout autant de barrières auxquelles Mozart va durement se confronter jusqu'à prendre une décision radicale. Une décision qui a de quoi surprendre au regard de son talent, mais qui semble finalement s'imposer, l'auteur déroulant avec intelligence un scénario dont l'issue apparaît inévitable. D'ailleurs, si l'on comprend aisément le sentiment de culpabilité de son ami Lorenzo Da Ponte, qui l'a encouragé dans la voie militaire, on réalise qu'il est vain, le contexte culturel, économique et géopolitique étant finalement le seul à blâmer… À moins que ce ne soit toutes ces personnes incapables de reconnaître le beau et le génie, trop préoccupées par les apparences et les effets de mode.

Pour ma part, j'ai adoré les parties consacrées à Mozart le musicien, que l'on voit enchaîner désillusion sur désillusion jusqu'à subir un véritable camouflet entérinant une situation de disgrâce qui n'a que trop longtemps duré. Si l'absence de reconnaissance de son art est compliquée à accepter pour l'ancien prodige, d'autant que sa situation financière n'est pas reluisante, il garde néanmoins conscience de son talent. Un talent loin d'être récompensé à sa juste mesure à une époque où la réussite matérielle supplante toute vie culturelle, mais un talent sur lequel il n'a aucun doute. C'est d'ailleurs ce qui rend la situation tellement difficile pour lui : comment renoncer à la musique quand on sait son art si pur ? Comment renoncer à l'excellence sur l'autel d'un travail dépourvu de la moindre passion et d'une médiocrité plus rémunératrice ?

L'homme derrière le musicien nous apparaît entier et que trop humain, en atteste ses emportements face à une destinée qui s'échine à se dérober à lui, avant de le pousser dans la boue fusil à la main. Si le roman est trop court pour approfondir la psychologie des personnages, leur présence est indéniable, que ce soit celle de Mozart, de sa soeur Nannerl, grande oubliée de l'Histoire, la vraie celle-ci, d'un homme dont l'identité s'est révélée surprenante, ou encore de Lorenzo Da Ponte. Un personnage dont on sent l'indéfectible affection et amitié pour un Mozart qui deviendra, avec son aide, le sergent Trazom.

Prêtre, poète, militaire, épicier, Da Ponte est un homme aux multiples talents qui semble toujours prêt à se (ré)inventer, mais c'est sa relation particulière avec Mozart qui marque le lecteur. On sent son profond respect pour l'homme et sa sincère admiration pour le musicien, un génie condamné à porter l'uniforme. Une admiration qui fait peut-être écho à celle de l'auteur… Car plus on avance dans le récit, plus on développe la certitude qu'il faut sincèrement apprécier le musicien pour en parler si bien et lui donner, durant quelques heures, l'occasion de se réanimer sous des traits nouveaux mais fidèles.

Ma chronique insiste sur la dimension humaine du récit et la déchéance d'un artiste qui a touché les étoiles avant de s'enfoncer dans la boue, parce que c'est ce qui m'a le plus touchée et emportée, mais ce roman offre également une immersion incroyable sur le terrain de la guerre. Nous ne suivons pas que le destin tragique d'un musicien, mais aussi une campagne militaire nous faisant traverser plusieurs villes et vivre différentes batailles, certaines bien moins glorieuses que d'autres. Les lecteurs friands de stratégie militaire ou simplement désireux de découvrir la vie de soldats en temps de guerre, avec ses instants de camaraderie indispensables pour supporter l'insupportable, devaient trouver leur bonheur.

Dans un premier temps, j'ai adoré cette immersion au plus près de soldats de différentes nationalités, tributaires d'enjeux géo-politiques qui les dépassent, et qui se contentent de tirer là où on leur dit en croisant les doigts pour survivre et ne pas perdre trop de camarades. Mais j'avoue avoir fini par quelque peu m'en lasser, préférant la vie de Mozart à celle du Sergent Trazom et de ses compagnons. Il reste néanmoins intéressant de suivre, à travers les yeux chagrins de Da Ponti, l'évolution d'un Mozart qui va petit à petit adopter une vie très éloignée de celle à laquelle il aspirait. À cet égard, une scène de camaraderie plutôt bestiale symbolise assez le changement de posture de notre personnage, le clavier laissant place au couteau, et l'art du beau aux bas instincts.

Quant à Olivier Boile, il m'a enchantée par sa capacité à faire pleinement ressentir la nostalgie et l'humanité de ses personnages, que ce soit dans les instants de grâce musicale ou, à l'inverse, dans les moments où la réalité de la guerre se rappelle brutalement à eux. J'ai également été impressionnée par la vivacité et l'acuité de ses descriptions qui, en peu de mots, donnent vie aux scènes d'action et aux décors traversés. L'auteur revisite d'ailleurs avec brio de célèbres temps forts et batailles de la guerre austro-turque.

Étant loin de très bien connaître cette période historique, j'ai pris le temps en fin de lecture de vérifier quelques faits et dates, afin de distinguer la réalité de la fiction. Si cela a bien souvent tendance à me frustrer, ce ne fut pas le cas ici, ayant adoré la manière dont l'auteur arrive à proposer une oeuvre mêlant imaginaire et faits réels qui pourrait s'intégrer avec naturel à notre propre histoire. J'ai également pris plaisir à (re)découvrir des personnages réels que je connaissais très peu, comme le supposé grand rival de Mozart, l'auteur se plaisant à redéfinir presque avec facétie, certains liens…

En conclusion, mêlant réalité et imagination, histoire et fiction, Olivier Boile nous propose une uchronie particulièrement immersive dans laquelle on assiste impuissant à la déchéance d'un musicien de génie contraint d'adopter l'uniforme dans une guerre qui ne le concerne pas vraiment. Porté par une plume délicate empreinte d'une poésie qui allie l'art du beau et du dramatique, Mort et vie du Sergent Trazom est un roman sensible et brutal à la fois, mêlant amour de la musique classique et de l'un de ses plus illustres représentants, et histoire. Une histoire revisitée avec un sens du détail et du réalisme impressionnant donnant un élan d'authenticité mélancolique à une uchronie plus sensible qu'il n'y paraît.
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Mort et vie du sergent Trazom est une uchronie ébouriffante sur un destin qui aurait mal tourné. Que celle ou celui qui ne frémit point au souvenir d'une bifurcation malheureuse qu'il aurait pu emprunter un jour se lève et jette la première pierre à Olivier Boile.
Peut-on imaginer un monde sans Mozart ? Est-il possible d'envisager le nombre de destins contrariés ? le musicien Mozart a déjà reçu à sa naissance un avenir court et mouvementé mais pour le soldat Trazom c'est une infortune permanente. Aimé mais mal marié, entouré de personnages qui lui veulent du bien tout en lui piquant ses idées, une Cour Impériale ingrate qui ne le reconnaît plus, un protecteur qui l'emmène guerroyer contre l'Ottoman dans une guerre austro-turque où il trouve la mort, Mozart n'existe plus pour la postérité ; alea jacta est.
Lectrice séduite, je me suis laissée porter par le flot de l'histoire avec le sentiment de descendre un rapide, de nager parfois à contre-courant avant d'être propulsée dans une de ces "marmites du Diable" qui brassent l'eau des cascades dans un chaudron de pierre.
C'est que outre inventer une nouvelle destinée pour Mozart, l'auteur défie en plus la flèche du temps. Même si celle-ci défile dans le bon sens pour les personnages, c'est-à-dire du début à la fin, il en va autrement pour le lecteur qui virevolte en quelques pages d'un lieu à l'autre, d'une saison à l'autre, d'une fin de siècle au début d'un autre. Et même si le lecteur est rompu aux retours arrière, arrive un moment où le fil rouge du récit lui échappe des mains.
D'autant que l'auteur s'amuse à brouiller encore plus les pistes en insistant sur l'industrialisation naissante à la fin du XVIIIe siècle. Ainsi, Nannerl qui rend visite à son frère en prenant le train. Hein, quoi ? Des trains à Vienne au temps de Mozart ? Je suis partie aux renseignements ! Je me suis même amusée à reconstituer la flèche du temps de l'uchronie et à apprendre ainsi beaucoup de choses nouvelles sur l'époque.
Par ailleurs, autre retour dans le temps : l'écriture est belle, fluide, sonore, imagée, odorante. Un rare bonheur de lecture.

Il menait le Choeur des Cieux est une nouvelle qui clôt l'ouvrage. Indépendante de l'uchronie, nous retrouvons Mozart qui ne tient jamais en place. Même la félicité céleste finit par l'ennuyer...

Je remercie Masse Critique Babelio pour cette découverte et NESTIVEQNEN Éditions pour l'envoi du livre.



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J'ai beaucoup aimé ce roman. Je connaissais déjà les romans précédents de l'auteur (avec un coup de coeur pour Nadejda) et je partais donc confiante avec cette nouvelle lecture, j'allais retrouver cette plume que j'aime beaucoup et un contexte historique bien documenté; ce qui s'est vérifié.

Ce coup-ci, l'Autriche est en guerre. Si la musique a autrefois connue son heure de gloire, elle n'est plus au centre des préoccupations et les créations de Mozart n'intéressent plus personne, au point qu'il vit endetté. le célèbre compositeur va donc devenir le soldat Trazom. Comment, le récit nous l'apprendra...

Une très belle uchronie signée par Olivier Boile.
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Un roman subtil et agréable que j'ai lu en deux fois et que j'ai beaucoup apprécié. La plume de l'auteur est d'une grande finesse et l'histoire se lis avec douceur même durant les moments les plus effroyable. J'aime beaucoup l'originalité apporté à cette histoire qui me donne envie de découvrir d'autres écrits de Olivier Boile.
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