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4,08

sur 368 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce 3 novembre 1963 marque le dernier moment d'innocence de Pauline et de Clémence. Avec lui, s'envolent l'enfance, l'insouciance, la confiance et le sentiment d'appartenance. Car sur cette route bordée d'hibiscus, les deux soeurs disparaissent, happées par la voiture rouge qui vole les enfants. La peur s'empare des deux petites qui, blotties l'une contre l'autre, voient le paysage défiler. Elles savent qu'on ne revoit jamais les enfants emmenés par la loto rouz. Arrivées au foyer Marie-Poittevin, elles partagent le quotidien de dizaines d'autres enfants jusqu'au jour du grand départ.
" - C'est une grande nouvelle les enfants, vous avez de la chance. Vous allez partir en vacances en France ! […] Vous verrez la Tour Eiffel, vous vous rendez compte ?"
Cette histoire, c'est celle de milliers d'enfants, deux mille à minima… Entre 1963 et 1982, le Ministre d'Etat et député de la Réunion, Michel Debré, s'inspire du dispositif existant, le Bumidom - Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer qui organise l'émigration volontaire d'adultes de l'île - pour déplacer en masse des enfants réunionnais vers la Métropole. Craignant que la démographie galopante menace l'équilibre précaire de l'île et désirant pallier la désertification de certains départements métropolitains, des milliers d'enfants sont déracinés, arrachés à leur famille, volés à leur terre natale. Dans L'île aux enfants, Pauline et Clémence en sont les porte-voix.
Ariane Bois campe ses personnages avec un réalisme incroyable. Rien n'est laissé au hasard et le lecteur, médusé, assiste à la séparation forcée de ces êtres unis par un amour indéfectible.
"Les yeux brillants, Pauline poursuit sa vigie muette, épuisée, mais incapable de dormir. Elle repense au visage de sa mère, allongée sur son lit comme parfois, le teint terreux. L'amour qu'elle ressent alors lui fait mal. Elle l'appelle silencieusement, mais personne ne vient. L'absence est clouée dans son coeur."
Les fonctionnaires chargés de la sélection des enfants ne procédaient pas par hasard. Ils cherchaient, avant tout, des familles pauvres, analphabètes, où pouvaient régner l'alcoolisme, la violence, la maladie. Dès lors, leur logique était implacable.
"A partir de 1963, les services sociaux ont écumé les campagnes à la recherche de gosses pauvres. Certains étaient des z'enfants jetés, abandonnés ou des orphelins. D'autres vivaient avec une grand-mère, une tante, une voisine, c'était courant par ici. […] Des assistantes sociales repéraient les petits, prenaient prétexte d'un manquement à l'éducation, souvent affaire d'hygiène ou d'encadrement et emmenaient les gosses. Au besoin en falsifiant les papiers."
Pour d'autres cependant, c'était dans l'amour familial qu'ils s'épanouissaient. Mais, vivant dans une précarité jugée trop grande, il fallait convaincre les parents, au besoin les disqualifier, se jouer de leur naïveté en leur faisant croire que les enfants rentreraient pour les vacances, qu'ils allaient entreprendre de grandes études et qu'ils seraient choyés en métropole. le piège se refermait et sitôt la "signature" apposée, les enfants partaient, sans même pouvoir dire adieu à leurs parents. Personne n'avait jugé bon de les prévenir de leur départ imminent, renforçant ainsi le sentiment d'abandon et de vulnérabilité.
Comme Pauline, une majorité de ces enfants a été placée en Creuse. Beaucoup, souvent de jeunes garçons, sont exploités dans les fermes, travaillant tous les jours dans le froid, vêtus de guenilles et dormant dans les étables ou les remises à outils. D'autres connaîtront des abus en tout genre au sein même de leur famille d'accueil. D'autres encore, plus chanceux, se verront attribuer une famille adoptive aimante. Mais pour tous, commencera le long processus de l'abdication, de l'oubli pour ne plus souffrir...
"Qui est-elle? Elle a laissé son identité près de la rivière, sur la route bordée de flamboyants. Elle a oublié les siens, sa langue, son pays, l'ordre du monde d'avant. Si vulnérable, elle a été comme endormie après ce long voyage qui l'a menée jusqu'à ce couple, jusqu'à la Creuse. Elle quitte la vallée de son enfance, tout ce qu'elle a connu, aimé."
Toute leur vie durant, ces "déracinés" vivront avec le sentiment enfoui d'avoir été abandonnés, d'avoir perdu des pans entiers de leur vie, de leurs souvenirs. Il faudra attendre le 18 février 2014 pour que l'Etat français reconnaisse solennellement qu'il "a manqué à sa responsabilité morale envers ces pupilles". Un balbutiement de Mea Culpa envers ces enfants, désormais devenus grands.
Et comme le disait Aimé Césaire, "Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir."
Un livre fort, poignant, bien écrit, qui dénonce tout en pudeur et ose enfin lever le voile sur ce scandale d'Etat qu'ont été ces "Enfants de la Creuse". Une véritable gifle, ô combien nécessaire.
Lien : https://mespetitescritiquesl..
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Gros coup de ❤
Un morceau d'histoire dont on ne parle pas assez, dans les années 60, des familles séparées, des enfants emmenés, certains exploités, brutalisés.
Des enfants qui devenus adultes vont finir par savoir et pour certains partir à la recherche de leurs racines.
Un livre qui remue, qui prend aux tripes. L'émotion qui ressort dans chaque pages, chaque mots au point d'empêcher des larmes de couler.
L'écriture est toute en finesse, sans chichis, ce roman n'en a d'ailleurs pas besoin tant il est fort.
J'ai aimé que l'autrice mette un point final en ne nous laissant pas sans nouvelles de certains personnages, je pense surtout à Gaetan.
Petit bémol... c'est trop court.
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C'était une autre époque où cette affaire n'était qu'une parmi d'autres...
Une époque où il y avait bien moins de médias qu'aujourd'hui et où sévissait la censure.
Ce qui faisait que ceux au pouvoir pouvaient se permettre d'imaginer et de mettre en oeuvre de telles pratiques.

Il n'en reste pas moins vrai que cette affaire est une ignominie. Des enfants déportés, dans le pays de la déclaration des droits de l'homme !
Pourtant, son instigateur était un sacré père la morale ! C'est aussi lui qui avait créé le BuMiDOM !

J'imagine le calvaire qu'ont subi ces enfants et j'ai une pensée particulière pour ceux qui, a force de maltraitance ont mal tourné ou perdu la vie bien trop tôt.

Tout est révoltant dans cette affaire, mais que dire de ces quelques députés de droite qui, en 2014 faisaient un chahut pendant que la députée de la Réunion s'exprimait sur cette affaire à l'assemblée nationale (j'aimerais connaître leurs noms).

Je connaissais les grandes lignes de cette affaire depuis plusieurs années et je remercie Ariane Bois pour ce livre, très précis, fruit d'une enquête minutieuse.

Dès qu'il sera disponible à la médiathèque (file de réservation complète), je lirai, sur le même sujet L'enfant du volcan de Ghyslène et Léo Marin :
"Avec son fils Léo, Ghyslène Marin, puisant aux sources de son propre passé, signe un roman où la fiction se mêle à l'histoire".
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Si comme moi vous n'aviez jamais entendu parlé de ce scandale ou vaguement, je ne peux que vous conseiller ce livre. Un roman tiré de faits réels que je vais m'empresser de prêter à mes proches pour que ce scandale puisse être connu et reconnu. Je suis née après les enlèvements et devait être trop jeune lorsque cela a été abordé, pour autant récemment notre président a reconnu que ces migrations forcées étaient une faute et il ne me semble pas en avoir entendu parler… Ce livre m'a donc permis de réparer ma méconnaissance de ce drame avec l'histoire de Pauline.

Une histoire intense car les faits sont ahurissants. Tous ces enfants déracinés, certains maltraités sans que rien ne soit fait. Dans notre livre, Pauline sera adopté par des parents aimants mais grandira dans le mensonge et petit-à-petit ses souvenirs s'effaceront. Quand la vérité éclatera, tout s'écroulera pour elle. Pour autant elle va réussir à construire sa famille mais ses origines resteront un tabou, une blessure, la honte d'avoir été abandonnée, d'être différente. Mais sa fille Caroline, jeune journaliste, voudra savoir et comprendre son histoire lorsqu'elle entendra un reportage sur ces enlèvements. Sa mère restera muette alors elle ira à la rencontre de ses origines à La Réunion. Au fil des pages, on comprend l'organisation de ce scandale, les liens se tissent et la vérité en découle. En parallèle de sa quête de vérité, Caroline va ouvrir son coeur à Sully qui l'aidera dans ses recherches. Cette romance n'était pas nécessaire à mon sens car le sujet principal était amplement suffisant et important, elle prend le dessus à un moment et cela m'a dérangé.

Un roman juste et bouleversant sur la quête d'identité, les difficultés à se construire sur des fondations instables où les secrets faussent l'évolution à travers les générations. J'ai vraiment été touchée à la fin lorsque Pauline comprend que cette blessure n'est pas que la sienne mais celle d'une famille entière. Une histoire intense porteuse de vérité sur la quête des origines et la résilience.

Ariane Bois se fait porte-parole de ces victimes et de leur famille dans ce scandale si méconnu qui aura touché deux mille enfants sur deux décennies. Ces chiffres me donnent le tournis, si c'est aussi votre cas, lisez-ce livre!
Lien : https://leslecturesdemamanna..
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Voici une belle découverte, un roman poignant reçu autour d'une rencontre Babelio.

Île de le Réunion, 1963 : Pauline et Clémence sont kidnappées… Pas par un fou dangereux, pas par un pervers mais par l'État Français. Un État qui cherche à repeupler les campagnes, un gouvernement qui pense faire le bien sans réfléchir au mal qu'il fait en déracinant des enfants.

Ariane Bois dénonce un scandale d'État et met en lumière un passage sombre de l'histoire de notre pays. Elle nous romance une histoire inspirée de faits réels pour que l'on ressente le drame qui a touché ces enfants et leurs familles. Nous suivons les deux soeurs dans cette vie qu'on leur impose, une vie sans racine bâtie sur un mensonge.

Le roman est construit sur une enquête minutieuse de l'auteure. On sent le grand travail de recherche qui a été effectué et l'implication de la romancière dans son récit. le style est fluide et l'histoire prenante : bref c'est une réussite.

Il a fallu plus d'une génération pour que ce scandale soit connu même s'il peine encore aujourd'hui à être reconnu par nos dirigeants. Plus d'une génération pour s'affranchir de la culpabilité ressentie à tort par les victimes, des personnes déracinées n'appartenant pas complètement à la métropole et n'étant pas toujours acceptées dans leur île d'origine.

Plus qu'un roman, un cri du coeur pour toute les personnes qui ont été touchées par ce drame. A lire sans hésitation.
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À tous ceux qui vibrent, à tous ceux qui aiment l'histoire vraie, les romans, les romans d'amour, les romans historiques, je les mets au défi de lire cette aventure sans une larme; un autre défi est de s'arrêter au cours de ces 240 pages qui se déroulent au rythme créole. Ariane Bois que j'ai eu le privilège de rencontrer grâce à Babelio nous livre un documentaire journalistique exeptionnel, rempli des souffrances et des émotions d'une génération d'enfants sacrifiés à des fins politiques et économiques que l'on croirait d'un autre monde, mais qui sont si proches de nous ; bravo pour cette description de l'île de la réunion, merci pour tant d'émotions Madame Bois
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Roman très intéressant et bien documenté qui parle du sort des enfants réunionnais qui ont été emmenés en Métropole , soi-disant pour repeupler les zones rurales, entre 1963 et 1982. L'auteure s'est appuyée sur des témoignages de personnes ayant subi cet exil forcé pour écrire son livre.
Je vous le recommande notamment pour son intérêt historique qui permet de découvrir cet aspect peu connu de l'histoire française.
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Roman qui a pour toile de fond une sorte d'esclavagisme moderne perpétré en France entre français, un scandale d'Etat révélé récemment et qui s'est déroulé sur une vingtaine d'année à partir de 1963. L'auteur, tout comme la Caroline du roman, est journaliste et elle va confier l'enquête sur le passé de sa mère à la jeune fille. C'est non seulement un livre document qui dénonce un crime d'Etat mais encore une magnifique relation humaine familiale.
Un roman qui met en avant les femmes. En effet les personnages clés sont des femmes. Pauline/Isabelle et Constance, les deux petites filles qui ont été arrachées à leur terre natale et Caroline, la fille de Pauline/Isabelle qui va etre le pont entre le passé et le présent mais pas que. Il y a aussi les familles d'accueil, les familles d'adoption. Toute la problématique de la discrimination raciale, de l'adoption, de la façon de communiquer entre parents et enfants et on verra comment le fait de ne pas révéler son histoire à une enfant adoptée peut créer des traumatismes importants, voire destructeurs.
Une fois encore je suis fascinée par l'importance des racines, les liens viscéraux qui relient à la terre de l'enfance et lient les êtres par-delà les océans. La transmission par le sang est incontestable et même si on fait tout pour l'occulter, elle est plus forte que tout. Les hommes sont peu présents dans le roman et pour la plupart ce sont des personnages secondaires.
C'est un livre sur les non-dits, sur la peur du passé, la peur de savoir, la peur du futur, la peur de ne pas savoir. C'est peut-être confortable de vivre en huis-clos en essayant de se préserver en restant cloitrée dans le petit microcosme qu'on a construit, mais ce dernier finira bien par voler en éclats et on se retrouvera au bord du gouffre. le passé finit par nous ronger et nous détruire et il affectera aussi ceux qui nous entourent.
Les personnages sont magnifiques. Alors laisser vous prendre par la main, vivez le drame des enfants volés et renaissez avec eux. Bien sûr la route est longue et semée d'embuches mais les fleurs et le soleil de la Réunion sont source de joies et d'amour.
Un roman très fort et très émouvant qui est un coup de coeur.
J'avais dejà lu un roman traitant du même sujet, dans le genre policier avec le drame des Réunionnais de la Creuse en toile de fond ; celui d'Elena Piacentini « Aux vents mauvais » (2017) ; je vous le recommande aussi.
Lien : https://www.cathjack.ch/word..
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Un très beau roman qui relate une part de l'histoire de France dont nous n'entendons pas beaucoup parler, et que je ne connaissait pas personnellement.
Le roman est bien construit, les personnages poignant, et on ressent tout le travail documentaire qui a été fait en amont.
A lire !
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Il y a tant de chose que l'on ne connaît pas sur l'histoire de notre pays, ce roman nous éclaire sur un pan obscur du passé de la France.

Pauline et Clémence ce sont deux soeurs inséparables. Elles vivent sur l'île de la Réunion, près des champs de canne à sucre. Mais un jour, elles sont enlevées et envoyer de force dans la Creuse. Trente ans plus tard, Caroline va entendre à la radio cette histoire d'enfant réunionnais envoyé de force en France. Cela faisant écho à l'histoire de sa mère, elle va mener l'enquête et tenter de comprendre ses origines.

J'ai été choquée de voir ce qu'on subit ces enfants réunionnais. Ils ont été kidnappés et à leur âge, ils n'ont pas compris pas ce qui leur arrivait. Les fratries ont été séparées pour une meilleure intégration, dixit le gouvernement. J'ai trouvé certains passages déchirant.

On voit aussi qu'à cette époque là, le racisme était bien présent, même envers ces français venu de l'île de la Réunion. Sur le continent, les gens pensaient qu'ils n'étaient que des pauvres mal éduqués et leur arrivée en France est une chance pour eux. Mais mieux vaut être pauvre, entouré de ses proches et heureux que déraciné, éduqué, mais malheureux ?

Ce n'est pas la première fois que je lis l'auteure, et j'ai une nouvelle fois aimé sa plume, pleine de sensibilité. Ariane Bois nous offre ici un livre coup de poing, qui met au jour une partie de notre passé. L'île aux enfants est une histoire forte et poignante.

Vous l'aurez compris, c'est une lecture où l'on ne peut pas rester indifférent au sort de Pauline et de sa soeur. Je vous le recommande si vous chercher un roman historique et émouvant.
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