Il arrive aux âmes pures de recourir à la supercherie,
De même que les âmes sombres sont capables d'honnêteté,
C'est seulement une question de circonstances.
Vieillir est la plus belle et la pire des choses,
La pire, quand elle obscurcit l'âme et le coeur,
La plus belle, si, par elle, croît la capacité d'aimer (p. 321)
Il n’est pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Les intérêts personnels doivent parfois s’effacer devant l’intérêt commun.
Et si la plus belle des magies se terrait,
finalement,
dans le fond des cœurs ?
[Proverbe du niveau des Marches,
Arkane]
Elle-même n’aurait pas supporté de ployer sous le joug d’un époux dont le seul mérite résidait dans le fragile appendice pendant entre ses cuisses.
Au jour s’oppose la nuit,
À la population des Hauts s’oppose la population des Bas,
À la joie s’oppose la tristesse,
À la santé s’oppose la mécrose,
À la vie s’oppose la mort,
À la Résurrection s’oppose la Désolation.
Son cœur s’arrêta de battre lorsqu’elle croisa le regard fixe et exorbité d’Ulio, dont la tête formait un angle insolite avec son cou. Il n’avait pas lâché la caniste qui reposait le long de sa jambe. Elle se mordit la lèvre inférieure jusqu’au sang, maudissant l’impulsion qui l’avait entraînée loin du domaine en ces heures tragiques, qui l’avait empêchée de se battre aux côtés de son frère adoré, de rendre en même temps que lui le dernier souffle.
Tant de choses qu’elle n’avait pas pris le temps de lui dire. Il portait la tunique de soie sauvage brodée de fils d’or qu’elle lui avait offerte lors de son vingt et unième anniversaire. Il avait sans doute pensé à elle à l’ultime moment ; elle n’aurait pas d’autre consolation.
Taraudée par le sentiment d’urgence, elle se retint de tirer sa caniste, de dégrafer son ceinturon, d’arracher sa robe et de continuer vêtue de sa seule confidente, la tunique courte et légère qui servait de sous-vêtement aux femmes du Drac. Elle parcourut un interminable labyrinthe de venelles, d’escaliers, d’esplanades, de terrasses et de cours, se fiant toujours à la rumeur qui continuait d’enfler dans la paix de l’aube, bouscula une silhouette surgie devant elle au croisement de deux ruelles, louvoya entre des charrettes à bras tirés par des muets de la Guilde des Transporteurs. Son pied heurta durement une excroissance de fer entre deux pavés. Ignorant la douleur qui s’enroulait comme une liane autour de sa cheville et de sa jambe, elle déboucha sur la place des Fondateurs, entrevit dans le lointain l’ombre du gigantesque rempart crénelé qui ceinturait les Hauts, poursuivit sa course sans prêter attention à l’arc monumental du Laz, l’entrée du labyrinthe qui donnait sur le niveau inférieur des Dits. Des groupes de charrettes et de porteurs en surgissaient, comme jaillis de terre, guidés par des torcherons reconnaissables à leurs flambeaux et à leur uniforme blanc et doré.
Si tu as besoin d’un renseignement, va voir le scripteur,
Si tu veux déchiffrer un langage disparu, va voir le scripteur,
Si tu veux savoir à quoi ressemble le monde, va voir le scripteur,
Si tu veux connaître le cœur des hommes, va voir le scripteur,
Si tu veux comprendre le cœur de ta belle,
Le scripteur ne peut rien pour toi.
[Chanson du scripteur,
Rives de l’Odivir,
Pays d’Arkane]