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Critique de SebastienFritsch


Il y a des romans que je dévore, tournant frénétiquement les pages et restant éveillé jusqu'à des heures peu recommandables à mon âge, dans le seul but de découvrir qui, quoi, comment et pourquoi. Donnez-moi un Michael Connelly ou un Patricia Parry et vous êtes sûr que ça va se finir comme ça.
A l'inverse, il y a des livres que je déguste. Et plutôt que deux ou trois heures, je passerai en leur compagnie deux ou trois semaines, quel qu'en soit le nombre de pages. Pour le plaisir de laisser résonner en moi la mélodie d'une phrase ou de savourer la clarté d'une idée, la beauté d'une image, d'une scène, ou encore pour ne pas quitter trop rapidement une ambiance dans laquelle j'avance avec bonheur. Pour moi, Zweig et Modiano sont les champions de cette catégorie. Rejoints depuis quelques années par Hugo Boris.

Son tout premier roman, le Baiser dans la nuque, m'avait donné cette envie de lenteur : la tendre mélancolie qui l'habite est si finement rendue, par un style à la fois poétique et réaliste, qu'elle ne saurait souffrir la précipitation.
Quelques années après La Délégation norvégienne, bien plus cruel et mystérieux, m'avait happé, entre ses arbres sombres et sous sa neige immaculée, pour me tirer à toute vitesse vers la fin - mais, là encore, plus d'une page méritait que l'on s'arrête, tant l'exercice de style que constitue ce livre est éblouissant.
Le troisième ouvrage de cet auteur, Je n'ai pas dansé depuis longtemps, m'avait pris entre deux feux : le désir d'avancer, de découvrir, de connaître, de comprendre et l'envie de vivre le plus longtemps possible cette expérience spatiale unique, décrite par une plume si particulière.
Et finalement, Trois Grands Fauvesest arrivé. Et j'ai vécu plusieurs jours de lecture admirative.

Ce roman nous fait partager quelques moments de la vie de trois personnages exceptionnels : Danton, Hugo et Churchill. Des personnages exceptionnels, mais aussi des hommes comme tous les autres, partageant avec le commun des mortels la fragilité, les inquiétudes, les peurs, les pulsions qui sont inhérentes à l'espèce humaine. de ces trois hommes, nous ne suivrons pas toute l'existence, ne nous arrêtant qu'à certaines étapes. Etapes parfois historiques, mais plus souvent intimes, au cours desquels la douleur, les questionnements ou, au contraire, la chaleur et la tendresse, la détermination ou le courage montreront ces trois grands fauves plus comme des "hommes" que comme des "personnages".

Une autre ligne directrice commune entre ces trois biographies sélectives, est le choix délibéré de l'auteur de nous montrer ces trois figures à chaque extrémité de leurs vies respectives. Blessures des premières années de vie et désillusions de la vieillesse, peurs d'enfance et amertume d'une fin de carrière, convictions inébranlables d'un jeune esprit et angoisse deséspérée de celui qui approche la mort, courage d'un jeune lion et sagesse d'un vieil animal solitaire.

Le talent d'Hugo Boris est, en partie, dans sa façon de redonner vie à ces hommes dans des situations aussi différentes, avec des pensées, des états d'âmes, des contraintes si variées, et tout en respectant la véracité historique. L'autre partie de ce talent tient à sa plume : élégante, riche, vivante et toujours très précise, elle n'a rien de ces écritures en vogue qui prétendent réinventer la langue en la massacrant ou qui érigent en principe suprème la spontanéité la plus débridée, excluant tout retravail voire même tout travail un peu exigeant.

Alors même si Hugo Boris ne rugit pas sur tous les plateaux télé et dans toutes les pages littéraires de journaux et magazines, je lui souhaite de continuer, bien à l'écart des animaux de basse-cour, son parcours de grand fauve de la littérature. Il en a la carrure et le pas tranquille.
Lien : http://sebastienfritsch.cana..
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