Il détache une page il la plie
Les gris sont bleus
Il renonce au repas sanglant
Il écrit : la poésie doit être négation de la négation
Beaucoup de pages restent blanches
Il change souvent de lieux
Il traverse la vie dans un tumulte de livres
Il ferme les yeux
Il devient très grand au-dessus des abîmes
Il écrit contre le temps et l’oubli
Il nomme la mer
Il aime et il chante avec le souvenir de la mer
Il écrit : tout plaisir est de ce monde
Il ne cède pas au désir de mourir
Sa bouche est radieuse comme celle des anges
Il sauve des coquillages
Cœur, nuages, voies du cœur sous les nuages -, il aime le monde, ses visages et regarde le soleil de midi en face, sans être ébloui.
Il lui pousse des ailes et il vole d’un endroit à un autre, hante le sommet d’une tour, se nourrit d’herbes et de racines.
Est très rapide, est agité, est chien prompt comme le vent, est nomade ne se fixant jamais nulle part en ce monde.
Couvert de plume ou vêtu de haillons, il sera nommé portier du ciel.
C’est fini de la foule et de la mort, un tapis d’eau illumine le ciel, des vagues rugissent en passant de l’autre côté du mur.
Il a rendez-vous sur la route, près d’un bassin aux poissons d’or. Une femme l’attend.
Il faut longer les pierres du torrent, d’un bout du monde jusqu’à l’autre et sur-le-champ, baiser cette bouche qui est la source et la sortie du souffle.
Tout va s’effacer dans l’imprévu qui l’emporte.
Touchant l’étoffe qui sépare
- je ne veux plus que la mémoire humaine passe en moi -
dans l’humide des pourrissements
dans la vengeance du ressentiment
Je suis grand et souffrant comme le siècle auquel j’appartiens
suis-je idole de la caverne,
idiot et faible me vantant de mon idiotie et de ma faiblesse ?
J’ai des amours pour que la vérité ne me fasse pas périr
Ta voix me réveille
je lui reste fidèle dans le départ
« on ne va à l’amour sans arrachement et sans perte »
Qui parle d’abandon ?
l’abondance sur la ville fait mes délices
les livres par milliers m’avalent dans le clair-obscur
Je reste ici et j’attends
que tu ouvres la porte et la pousses
Qu’une parole m’atteigne
et je renais à la parole
Jacques Henric - Faire la vie, entretien avec Pascal Boulanger .Jacques Henric vous présente "Faire la vie, entretien avec Pascal Boulanger" aux éditions de Corlevour. http://www.mollat.com/livres/henric-jacques-faire-vie-entretien-avec-pascal-boulanger-9782915831726.html Notes de Musique : Otis Redding - 15 My Girl