C'est un beau roman.
C'est une belle histoire, serais-je tenté d'ajouter.
Pourtant ...
Le clocher de Damgan pointe à l'horizon.
Sur la mer voilée de brume, se profile, au loin, la presqu'île de Penerf.
Dans la petite commune de Sohec, coincée entre deux lourdes influences - celle du recteur et celle du syndic des gens de mer -, la vie quotidienne semble s'écouler sans heurts.
Désiré Madhouas, en tenue bleue et pompon rouge, arrive tout juste de Vannes.
Il rentre de 52 mois tous pleins de service militaire.
Il était embarqué sur le contre-torpilleur "Cochelimarde".
Hyacinthe-Marie Boulhnec, un "pays", a lui-aussi, il y a quelques mois, débarqué du "Cochelimarde".
Mais depuis il se traîne sur une béquille.
Au Tonkin, dans la baie d'Along, il a été enlevé par une lame et a eu la cuisse arrachée.
Les deux hommes aiment Rose Pourru, la fille du syndic.
Ils se haïssent pour cela ...
En 1916, Emmanuel Bourcier, pour "Les gens de mer", s'est vu décerner le prix Montyon par l'Académie Française et attribuer la somme rondelette de 300 francs.
Ce roman est surprenant.
C'est un roman d'amour mais pas que ...
Son rythme est lent.
Il est bien écrit.
Il semble devoir ronronner paisiblement jusqu'à son épilogue.
Mais, dans sa dernière partie, le lecteur est pris à témoin.
La violence, qui semblait devoir toujours couver sous le poids des convenances et des usages, soudain éclate et provoque le drame ...
La commune de Sohec dans le Morbihan n'existe pas.
Le contre-torpilleur "Cochelimarde" est inconnu sur les listes d'armement des bâtiments de la Marine Nationale.
Pourtant, la lame nommée colichemarde est le nom allemand de l'épée à la franc-toupin.
Et un contre-torpilleur, baptisé "l'Epée" fut bien armé à Cherbourg en 1901.
Lorsque l'on sait qu'Emmanuel Bourcier, en même temps que d'être un écrivain, était, avant-guerre, un grand-reporter reconnu, il semble évident que son roman, "Les gens de mer", s'inspire d'un fait divers, d'un drame aujourd'hui tombé dans l'oubli.
Mais comme dirait une "amie", ceci n'est que mon avis, c'est à dire pas grand-chose.
Quoi qu'il en soit, ce roman, s'il n'est pas passionnant, s'il manque un peu de rapidité, est un beau roman, une belle histoire ...
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Il est comme une araignée au centre de sa toile.
Il tient tout le village.
Et il est là, dès le petit matin, et ne s'en va que le soir, quand la nuit se ferme.
Il n'a rien à faire, qu'à voir.
Il observe.
Il voit les pêcheurs s'en aller au Piot, les corbeilles vides, et les marchandes venir jacasser en attendant leur retour, à la marée, avec le poisson frais pris.
Il voit M. Merrien partir pour Murzac en fumant sa pipe.
Il voit l'abbé Rèze monter vers l'église en lisant son bréviaire, et Mahel se hâter d'aller branler les cloches quand vient l'heure.
Il ne dit rien à personne.
Sa mine sombre effraie les gamins, qui ne jouent plus au palais devant le calvaire, à cause de lui, qui est là ...
Sa vie, c'est cela : remuer des idées sous le front, ou dormir.
Et quand il ne dort pas, il songe.
Il songe au mal qu'il peut faire, s'il veut ...