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Citations sur La fontaine aux violettes (6)

Jacques Berrier incarnait à merveille le descendant de ces familles de maîtres gantiers-parfumeurs qui s'étaient installés à Grasse au XVIème siècle.
Comme il l'avait expliqué à la jeun fille, c'était Catherine de Médicis qui avait eu l'idée de faire utiliser par ses parfumeurs les fleurs odorantes de la Provence. A cette époque, mégisseries, cordonneries, tanneries, et ganteries faisaient la réputation de la ville. Les tanneurs traitaient les peaux avec de la poudre mêlant myrte et lentisque. Ils utilisèrent ensuite les fleurs de la région pour effacer l'odeur trop prégnante du cuir.
Devenus gantiers-parfumeurs, les Grassois abandonnèrent le cuir au milieu du XVIII ème siècle pour le parfum.
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Elle s’était liée d’amitié avec Anaïs, qui habitait Vence. Mariée, mère d’une petite fille, elle la confiait à sa propre mère le temps de la cueillette. Calme et réfléchie, Anaïs tempérait le caractère bouillonnant de Rosine. Elle plongeait parfois le visage dans les fleurs odorantes et, les yeux mi-clos, se laissait aller à rêver : « Dire que mon homme ne m’a seulement jamais offert une fleur ! »

Rosine s’esclaffait. « Ça ne se fait pas, par chez nous ! »

On racontait en effet aux cueilleuses éberluées que les violettes, leurs violettes, étaient acheminées rapidement vers Paris où, réunies en bouquets ronds et en bottes, elles seraient vendues aux bourgeois désireux de rendre hommage à leur épouse ou à leur fiancée.

« La vie à Paris… tu imagines ! » s’émerveillait Rosine.

Anaïs, plus réaliste, modérait l’enthousiasme de son amie :

« Tout ne doit pas être toujours rose, crois-moi ! La misère reste la misère, chez nous comme à Paris… »
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Elle, elle rêvait de porter un jour des culottes de soie, des corsets baleinés, des bas arachnéens… En attendant, elle devait se contenter été comme hiver de robes taillées dans de vieilles nippes et ses dessous étaient en coton rugueux. Elle marchait pieds nus dans les collines, ne mettant ses sabots que pour se présenter chez ses patrons.

On parlait à son sujet, la traitant parfois de boumiane, ce qui la faisait rire. Elle était une sauvageonne, attachée à sa liberté et désireuse de mener une autre vie. Son père la laissait libre d’aller et venir à sa guise, du moment que la soupe du soir était prête. Sa seule exigence consistait à lui ordonner de se garder chaste jusqu’au mariage. Rosine en riait. Elle ne risquait pas de compromettre son avenir avec un paysan balourd du village ! Elle, elle souhaitait rencontrer un « monsieur », qui lui offrirait l’existence dont elle rêvait.
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Une semaine plus tard, s’étant résolue à agir, Rosine s’entendit confirmer sa grossesse. C’était pour la Noël, « un beau petit Jésus », lui annonça la sage-femme, et elle se raidit pour ne pas pleurer.

Elle ne voyait plus Emmanuel, parti pour Grasse, où il tentait de percer les secrets des parfumeurs. De toute manière, qu’aurait-elle pu lui dire ? S’il avait éprouvé quelque sentiment pour elle, il serait resté à la Fontaine aux Violettes. Elle était seule, face à son père qui la renierait.



Fin juin, alors que les roses à parfum embaumaient l’air, Emmanuel revint au domaine. Rosine, qui, le cœur en émoi, avait vu passer son dogcart1, s’arrangea pour croiser son chemin.

Il eut l’air étonné.

— Te voilà… Comment t’appelles-tu déjà ? Rosette…

— Rosine, rectifia-t-elle, le visage fermé.

Elle ajouta :

— J’attends un enfant pour Noël.

Sa vie durant, elle n’oublierait jamais sa réaction. D’abord stupéfait, il partit ensuite d’un grand rire.

— Hé ! Que veux-tu que ça me fasse ? Je suppose ne pas être le seul à avoir bénéficié de tes faveurs. Fais-le, ton mioche, et va le déposer à l’hospice !

Rosine recula d’un pas.
— Comment pouvez-vous être aussi cruel ? C’est de votre enfant qu’il s’agit.

— Tu en as la preuve ? Non, n’est-ce pas ! Alors, file, et que je ne te revoie plus par ici, sinon ton père pourrait bien perdre son fermage…

Cruel, ingrat et menaçant… Sous le choc, Rosine s’enfuit. Elle courut jusqu’à leur cabane, son seul refuge, s’abattit contre sa grand-mère, qui préparait la soupe journalière.

— Nonna, Nonna…

Elle ne pouvait en dire plus, c’était impossible, les mots ne franchissaient pas le barrage de ses lèvres. La vieille Piémontaise lui caressa les cheveux, d’un geste infiniment tendre.

— Dis-moi, petite. Un chagrin partagé est moins lourd.

Cependant, au fur et à mesure que Rosine racontait, sa grand-mère se raidissait.

— Che fortuna !2 gémit-elle à la fin du récit de la jeune fille. Tu ne peux pas rester ici, ton père mourrait de honte et de chagrin.

Rosine lui jeta un regard perdu.

— Que puis-je faire, Nonna ?

— Retourner chez nous, au Piémont, décida soudain la vieille femme. On dira que tu es veuve, ta tante Giovanna te recueillera…

Arriver comme une mendiante, être regardée de haut parce que, fatalement, personne ne croirait cette histoire… revenait-on de France quand on avait eu la chance d’y naître ?
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En 1812, le grand-père d’Emmanuel, revenu indemne de la campagne de Russie, avait fait procéder aux réparations les plus urgentes et aménagé le parc. Il avait fait consolider la fontaine en pierre qui avait donné son nom au domaine.

Jérôme Moulins, cet aïeul bonapartiste, vouait un véritable culte à son empereur, et aux violettes. Il avait raconté à maintes reprises à son fils et à son petit-fils que Joséphine portait un bouquet de violettes à la ceinture de sa robe le jour de sa première rencontre avec Napoléon. Par la suite, celui-ci avait pris le pli de lui offrir un bouquet de violettes à la date anniversaire de leur mariage.

L’Empereur, parti en exil pour l’île d’Elbe, avait promis : « Je reviendrai au temps des violettes », et, en effet, il avait débarqué à Golfe-Juan au mois de février 1815. Après les Cent Jours, les nostalgiques de l’Empire étaient restés fidèles aux violettes.

Les Moulins n’échappaient pas à la règle et Emmanuel, le fils, avait décidé de développer la culture de la fleur hivernale après avoir étudié à Toulouse. Ne disait-on pas du pays de Grasse qu’il était propice aux fleurs ? Au printemps, le parfum du jasmin grisait les cueilleuses venues d’Italie.

Les conditions étaient optimales : les violettes venaient bien sous les oliviers, le climat leur convenait et la première récolte s’était révélée prometteuse.

Emmanuel avait l’ambition d’implanter les violettes tout autour de Tourrettes. Si son projet prenait forme, il pourrait embaucher une douzaine de femmes.

Il se savait responsable de la Fontaine aux Violettes et avait à cœur d’agrandir le domaine.
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Rosine était née en France au terme d’un périple épuisant pour Teresina, sa mère. Celle-ci avait manqué mourir des suites de ses couches et ne s’était jamais vraiment adaptée à leur nouvelle vie. Son Piémont natal lui manquait, tout comme ses parents et ses sœurs, qu’ils avaient laissés derrière eux. Elle s’était remise lentement, grâce aux soins de sa belle-mère, avait donné naissance à un second enfant, un fils prénommé Luigi, avant de s’éteindre, à seulement vingt-trois ans.
Rosine, bien qu’elle ait connu sa mère souvent alitée, avait mis du temps à se remettre. Elle adorait la belle Teresina. Heureusement, Nonna veillait sur elle et sur son petit frère car Sandro, fou de chagrin, avait pris le pli d’aller boire son absinthe le soir au village.

De retour à la cabane au milieu de la nuit, quand il n’était pas allongé ivre dans le fossé, il lui fallait du temps pour retrouver ses esprits. Il perdait donc régulièrement son emploi. Il avait pourtant la réputation d’être un bon ouvrier… à la condition de rester sobre. On l’engageait encore pour sa force et aussi parce qu’on pouvait lui proposer un maigre salaire, ce qui provoquait la colère de Rosine.
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