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Citations sur Oeuvres complètes (23)

Finalement, ce qui constitue l'ossature de l'existence, ce n'est ni la famille, ni la carrière, ni ce que d'autres diront ou penseront de vous, mais quelques instants de cette nature, soulevés par une lévitation plus sereine encore que celle de l'amour, et que la vie nous distribue avec une parcimonie à la mesure de notre faible cœur.
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Pour les vagabonds de l'écriture, voyager, c'est retrouver par déracinement, disponibilité, risques, dénuement, l'accès à ces lieux privilégiés où les choses les plus humbles retrouvent leur existence plénière et souveraine.
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C'est grâce à Holan, autant qu'à Michaux, que j'ai compris que certaines visites que la vie nous rend sont si mystérieuses qu'elles doivent prendre la forme d'un poème, que la prose la plus éclatante ne rendrait justice ni à leur transparence ni à leur opacité qui sont forcément voisines puisque nous ne comprenons pas la transparence mais pouvons seulement la flairer comme un limier flaire un gibier dont il sait qu'il n'est pas pour lui. Ce sont eux qui m'ont, sur le tard, conduit à écrire des poèmes, non par ambition littéraire, mais pour survivre et mieux vivre, sachant, à travers eux, que la poésie est le seul antidote contre la solitude et la mort. ( p. 885).
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La distillation d'un whisky haut de gamme demande beaucoup de savoir-faire mais n'est pas coûteuse à Islay. La main d'œuvre, l'eau, la tourbe, une partie de l'orge sont sur place. Le prix de revient d'un grand whisky tourbé est d'environ 4 livres terling au litre. Les taxes d'État multiplient ensuite ce prix par cinq ou six. C'est là que le bât blesse ; les iliens blêmissent lorsqu'on évoque ces taxes, ils ne supportent pas que leur « eau de santé » soit considérée comme produit de luxe. Et les sept distilleries de l'île ne travaillent qu'à demi régime pour ne pas mettre sur le marché des whiskies de moins de huit ans, et maintenir les prix. On me dit qu'il y a à Islay un whisky Bruichladdish. Mais mon chat s'est fait les griffes sur « The Whisty Map of Scotland » ; les noms de plusieurs distilleries, et parmi les meilleures, ont disparu. Je ne sais si je m'en remettrai.
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De nouveau une boîte aux lettres, des bateaux et des maisons dans le même agencement admirable : de solides maisons en bois d'épave, qui n'ont plus rien à craindre de la mer. Par la fenêtre d'une de ces cabanes, j'observe depuis un moment un couple de pêcheurs occupés à étendre sur des séchoirs des algues longues de plusieurs mètres et grosses comme le poignet. Je n'ai pas encore rencontré grand monde sur cette côte, mais tous ceux que j'ai vus allaient par couples, et jamais bien éloignés l'un de l'autre. Tout à fait comme les albatros ou les pluviers. La femme en général un peu plus grasse et rendue plus hardie par la curiosité. J'ai frappé au carreau.
- Bonjour !
- Entrez donc !
- Est-il impossible de prendre votre photo ?
(Il est plus poli de poser la question à la négative, et plus la vie est maigre mieux cette politesse qui la meuble un peu se justifie.)
- Bien sûr que non !
(C'est à dire : faites donc, je vous en pris...)
Elle est venue à la lumière, sur le seuil de la porte, et j'ai fait un portrait genre "Salon américain". L'homme découpe ensuite une de ces algues en lanières fines comme du tabac à chiquer et m'en remplit les poches. C'est du kombu, que l'on mange ordinairement macéré dans le vinaire et qui m'a l'air d'être l'unique ressource de ces villages. J'ai poursuivi ma route en mâchonnant cette espèce de cuir qui contient tous les goûts de la mer : sel, iode, la trace d'un banc d'anchois ou le sillage huileux d'un cargo. En le retournant sur la langue on a même l'impression d'y sentir la pulsation des marées et le poids de la lune.
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On voyage pour que les choses surviennent et changent ; sans quoi on resterait chez soi. (p. 208)
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Mi-somnolence, mi-égarement, je reste un bout de temps les mains étalées sur la balustrade, jusqu'à la nuit tombée, et chaque fois mes regrets suivent le même cours. quand ce n'est pas le froid, mes propres plaintes me raniment, me ramènent sur cette terrasse, la plus élevée, la plus noble, la plus solennelle, celle du gouverneur que j'ai cru être si longtemps. sous mes pieds il n'y a déjà plus que pierre et nuit ; quelque part le vent siphonne une rue, autrement c'est le silence de l'abandon ; mais l'abandonné, c'est moi. Même vide, la ville continue. Elle ne contient plus une âme (d'ailleurs, où est la mienne ?). Il y aura cet automne quatre ans que j'y suis seul, quatre ans qu'ils l'ont tous quittée. Pas si seul que je le voudrais quelquefois : quelqu'un, à mon insu, remonte les horloges, que je n'ai encore jamais aperçu malgré mes fréquentes rondes et les traquenards que je lui ai tendus.
Si je me trouve ici, proie d'un isolement que je hais chaque jour davantage, ce n'est ni le fait d'une peste ou d'une famine, ni d'aucune de ces calamités auxquelles tout gouverneur se trouve d'ores et déjà prêt à faire face ; mais d'événements d'une autre nature
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La santé est comme la richesse, il faut l'avoir dépensée pour l'apercevoir. (p. 312)
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Adossé contre une colline, on regarde les étoiles, les mouvements vagues de la terre qui s'en va vers la Caucase, les yeux phosphorescents des renards. Le temps passe en thés brûlants, en propos rares, en cigarettes, puis l'aube se lève, s'étend, les cailles et les perdrix s'en mêlent...et s'empresse de couler cet instant souverain comme un corps mort au fond de sa mémoire, où on ira le rechercher un jour. On s'étire, on fait quelques pas, pesant moins d'un kilo, et le mot "bonheur" parait bien maigre et particulier pour décrire ce qui vous arrive.
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Sidéral

Hommage à Vladimir Holan

L'étoile d'Eddington n'avait donc pas menti
l'espace s'étend et s'écartèle
peau de chagrin a l'envers
notre coeur en battant nous éloigne de tout
Déjà emmaillotés d'oubli
nous dérivons comme les galaxies
et le froid en passant
nous fait grandes promesses
Du coin de l'oeil on se voit disparaître
jusqu'à ce que l'oeil lui-même ait disparu

Faut-il vraiment s'en aller là
où même arrosé d'astres
le figuier ne reverdit plus
si loin
dans un tel creux
comment vous dire?
quand nous reverrons-nous?
À quelle comète tombée du ciel fertile
l'avare va-t-il enfin prêter ses chambres vides?

Genève, juillet 1981
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