Citations sur Frangines (93)
Qu'est-ce que ça signifie d'être sœurs, si ce n'est pas pour confier ses malheurs, demander de l'aide, reconnaître ses souffrances, sa peur ? Louise est hors d'elle. Elle a envie de hurler. Alors, dans le huis clos de sa vieille bagnole, elle crie à s'en briser la voix. Ça lui fait du bien. Elle tape sur le volant et elle gueule. Sur ces mensonges, ces secrets, ces petits arrangements avec la réalité. Sur ces repas de famille, ces coups de fils censément complices, ces anniversaires, ces vacances où tout le monde vient avec son masque, son beau sourire, ses petites conversations légères avant de repartir vers la réalité d'une existence que les autres ne connaîtront sans doute jamais...
Rien ne change en fin de compte. On croit devenir adulte mais à part le corps et les soucis, on reste les mêmes qu'il y a trente ans.
Plus jeune, elle ne s'était préoccupée que de ses études. Et puis, elle avait rencontré Yves, et elle était tombée enceinte de Mathilde. Ses journées s'étaient alors remplies de tâches dédiées aux autres. Ses patientes, leurs époux. Ses filles, qu'il avait fallu élever, nourrir, habiller, veiller, soigner, inscrire, chercher, accompagner, coiffer, consoler, départager. Son mari, qu'il avait fallu écouter, rassurer, attendre. Mais elle, dans tout cela ? Et eux deux ? Qui étaient-ils devenus, une fois le nid familial vidé ? Lorsqu'ils étaient réunis tous les cinq, Jeanne se sentait invincible...
Louise réprime un sanglot. Entendre ce grand gaillard appeler cette vieille femme "maman" l'émeut plus que de raison. Elle a immédiatement la vision du petit garçon qu'il a été , regardant cette femme belle, jeune et forte avec toute l'admiration que les gamins ont pour celle qui leur a donné la vie. Des décennies plus tard, les voilà réunis dans cette chambre de la région de l'enfance, lui au chevet de celle qui avait pour mission de le protéger. Les rôles se sont inversés.
Il ne semblait pas triste. Seulement résigné. Il a ajouté qu'il fallait bien réfléchir. Que la vie, ça tenait à ces choix minuscules qui pouvaient tout changer. Qu'il ne fallait pas se laisser enfermer dans la colère, l'entêtement, le doute. Parce qu'on n'a qu'une vie, et qu'on est finalement seuls à l'écrire.
On croit devenir adulte mais à part le corps et les soucis, on reste les mêmes qu'il y a trente ans.
Louise est hors d’elle. Elle a envie de hurler. Alors dans le huis-clos de sa bagnole, elle crie à s'en briser la voix. Ça lui fait du bien. Elle tape sur le volant et elle gueule. Sur ces mensonges, ces secrets, ces petits arrangements avec la réalité. Sur ces repas de famille, ces coups de fils censément complices, ces anniversaires, ces vacances où tout le monde vient avec son masque, son beau sourire, ses petites conversations légères avant de repartir vers la réalité d'une existence que les autres ne connaitront sans doute jamais. Finalement, chacune est dans son petit monde et avance en parallèle, sans jamais vraiment croiser les autres.
Qu'est-ce que ça signifie d'être sœurs, si ce n'est pas pour confier ses malheurs, demander de l'aide, reconnaître ses souffrances, sa peur ?
La maison est au complet, on sera serré, il y aura des cris et des maillots qui traînent, des maga- Zines trempés et des serviettes mouillées abandon- nées un peu partout, des insomnies et des chambres qui débordent de bazar, bref, tout l'ordre des choses sera bouleversé.. Mais n'est-ce pas pour ça qu'Yves et elle avaient voulu ces quatre murs aujourd'hui si pleins de souvenirs ?
Grandir avec une sœur rend plus apte au bonheur.