Mathilde a remarqué qu'avec le temps vieille personne ne voit plus le délabrement des choses. Elle espère sincèrement qu'il en est de même pour leur corps, ou leur visage. Au moins cette cécité serait pour penser que, sous prétexte qu'ils sont peu ou prou à la même place qu'il y a 20 ans, la peau, les cheveux, les jambes n'ont pas bougé et que dans le flou d'un miroir piqué et d'une salle de bain sans ampoules adéquate, le reflet par est sensiblement identique.
Ceux qui n'ont pas connu le sacerdoce ne peuvent pas comprendre le plaisir qu'on peut tirer de la souffrance.
Il semble avoir tout oublié de leur vie d'avant, comme si tout son passé s'était effacé d'un coup de chiffon sur une ardoise d'écolier.
Il a ajouté qu'il fallait bien réfléchir. Que la vie, ça tenait à ces choix minuscules qui pouvaient tout changer. Qu'il ne fallait pas se laisser enfermer dans la colère, l'entêtement, le doute. Parce qu'on n'a qu'une vie, et qu'on est finalement seuls à l'écrire.
— [...] Ma psy m'a conseillé...
— Tu as une psy ?
— Comme tout le monde, non ?
— Euh... non. Moi, je n'ai pas de psy.
— Eh bien, tu devrais.
— Pourquoi, tu trouves que j'en ai besoin ?
— Comme tout le monde.
Et puis, ne pas en parler, c’était aussi faire en sorte que ça n’existe pas.
Il fait vraiment chaud. L'atmosphère est comme saturée par cet air de fin du monde qu'ont les milieux de journée en Provence, lorsque tout le monde fait la sieste et que tout se tait, sauf les cigales qui se dandinent ou le vent qui se plaint.
Il faut croire qu'on ne sait jamais vraiment ce qui se passe dans l'intimité des gens, même ceux qui nous sont les plus proches.
En repeignant la maison, elle espère remettre à jour sa vie, pour un nouveau départ, qui sait.
Elle commence à avoir l'habitude de ces retrouvailles familiales annuelles, et de leurs montagnes russes qui la font invariablement vaciller entre félicité extrême et désespoir insondable.