Parmi les appels qu'elles recevaient chaque jour, une grande partie concernait les belles-mères, poisons manifestes des ménages. Les trop dures, les toxiques, les trop présentes, les mortes idolâ-trées, les malades, les sournoises, toutes semblaient avoir choisi de pourrir la vie de ces belles-filles qui avaient eu l'outrecuidance de leur voler leur petit garçon devenu grand.
Peut-être parce que, comme moi, il n'a pas de réponse à ça. Au fait qu'après cette période de sursaut, on ait voulu refermer la porte des foyers. Les femmes avaient obtenu la contraception, le droit d'avorter, celui de travailler. Elles avaient eu ce qu'elles voulaient, elles n'allaient pas continuer d'emmerder le monde. Maintenant, elles pouvaient la fermer.
Je réponds que nulle n'est une héroïne, ou que nous le sommes toutes. Il n'y a pas qu'un seul féminisme, ni une seule forme de pensée. Il y a surtout des femmes, mais aussi des hommes, qui cherchent à se réinventer en même temps que s'écrit un monde où, ensemble, ils seraient plus heureux.
Vous aussi vous avez le droit d'être malade, de consulter, de prendre soin de vous. D'accord ?
Je crois que ça aurait plus à Menie cette histoire de ricochets. Elle qui aimait tant les rivières. Oui, je crois qu'elle a lancé un premier caillou qui a continué de rebondir ensuite, inlassablement, de femme en femme, de mère en fille, de soeur en soeur.
On a eu beau ouvrir le suffrage universel aux femmes, on ne les entend pas. De là à les écouter… Il n’y a guère que moi aujourd’hui. Alors si je dois donner de la voix, jouer de mes relations, remuer ciel et terre pour qu’on édicte des lois pour les femmes, je n’hésiterai pas-quitte à subir les injures et les moqueries qui commencent à pleuvoir.
Passionnée d'histoire, Menie était également diplômée en archéologie. Sans doute aimait-elle cette région à cause du passé qui y a laissé son empreinte un peu partout
-Vous êtes un peu l'héritière de Beauvoir!
- Détrompez-vous, je n'ai rien à voir avec elle, si ce n'est l'intérêt que nous portons toutes les deux à la cause féminine. Mais contrairement au Castor, je ne considère pas que le mariage soit une aliénation, ni la maternité un naufrage. En revanche, ce que n'a pas réussi à saisir cette femme intelligente - hélas ignorante des réalités qui animent la société hors du petit cercle germanopratin -, c'est la double peine des femmes de notre époque.
Mères, elles le sont, assurément. Mais, contrairement à leurs propres génitrices qui se mouraient d'ennui au foyer, elles travaillent. Et continuent de faire tourner la maison. Qui parle de cela, aujourd'hui ? Qui s'adresse à ces femmes soumises à des journées à rallonge, à des bonshommes qui ne fichent pas grand-chose à la maison et auxquels il faut bien servir à souper lorsqu'ils rentrent à peine plus tard qu'elles le soir? Qui les écoute, qui les comprend ? Personne ! Ah ça, c'est bien beau de fustiger le patriarcat, mais avant cela, il faut tenir compte des réalités de son époque!
Menie veut sentir le monde. Elle refuse de rester campée sur ses positions de bourgeoise, incapable d'appréhender les espoirs d'une génération. On parle d'un demi-million de chômeurs. Faut-il que rien ne tourne plus rond pour
que même le travail vienne à manquer ? Pourtant,
les femmes qui lui écrivent se tuent à la tâche. Pour
un maigre salaire. Elles ont peur pour leurs enfants
qui vont entrer sur ce marché du travail désormais
encombré. Comment élèveront-ils les leurs? Quel
sera leur avenir?
On a eu beau ouvrir le suffrage universel aux femmes, on ne les entend pas. De là à les écouter…