La pauvreté Rutebeuf
extrait 4
Sire, je vous fais assavoir :
je n’ai de quoi avoir du pain.
A Paris, parmi tous les biens
il n’en est aucun qui soit mien.
J’en vois beaucoup et j’en prend peu ;
je me souviens plus de saint Paul (*)
que de n’importe quel apôtre ;
Bien sais « PATER » non ce qui est « notre »
car vie chère m’a tout ôté
et si bien vidé ma maison
que le « credo (**) » m’est interdit :
je n’ai que ce que vous voyez.
(*) Jeu de mots, Pou signifiant Paul et peu
(**) Jeu de mots, credo signifiant aussi crédit
/Traduit du vieux français par Serge Wellens
La pauvreté Rutebeuf
extrait 1
Je ne sais par où je commence
tant j’ai de matière abondance
pour parler de ma pauvreté.
Pour Dieu, vous prie, franc roi de France
de me donner quelque chevance (*),
vous ferez grande charité.
J’ai vécu de l’argent d’autrui
que l’on m’a prêté à crédit.
Maintenant chacun se refuse,
on me sait pauvre et endetté.
Vous avez quitté le royaume,
vous qui portiez mon espérance.
(*) ressources
/Traduit du vieux français par Serge Wellens
La pauvreté Rutebeuf
extrait 3
Grand roi, si je vous prie en vain,
avec tous il en fut de même,
il me faut vivre et je n’ai rien ;
nul ne m’aide, nul ne me baille,
je tousse de froid, de faim bâille,
j’en suis mort et tout malmené.
Je suis sans couettes et sans lit ;
n’est si pauvre jusqu’à Senlis.
Sire, je ne sais où aller ;
mes flancs connaissent le paillis,
et lit de paille n’est pas lit,
et dans mon lit il n’est que paille.
/Traduit du vieux français par Serge Wellens
La pauvreté Rutebeuf
extrait 2
Entre vie chère et ma famille
qui n’est malade ni finie
je n’ai plus ni deniers ni gages.
On est adroit pour m’éconduire
mais pour me donner mal enseigné :
de garder son bien on est sage.
La mort m’a causé grands dommages
et vous, bon roi, en deux voyages
vous avez emmené les braves
en ce lointain pèlerinage
de Tunis qui est lieu sauvage
de la mâle race infidèle.
/Traduit du vieux français par Serge Wellens