Les mots sont des grands frères. Ils nous tiennent la main quand noircit le chemin et que l'orage gronde dans le ciel ou le cœur. Ils nous tirent, nous poussent, ils nous bousculent aussi quand on traîne des pieds derrière leurs jeux de grands. Ils s'énervent, se vexent, boudent et se cachent parfois, et ils s'amusent bien de nous voir les chercher, bouche bée, sourcils froncés… Et puis les revoilà, joyeux ou tristes, lents ou vifs, rondouillards ou maigrichons, ils sont là, ils trépignent, ils se bousculent, ils veulent tout explorer, ils veulent tout habiter, une feuille de chou, un rêve de limace, une fourmi curieuse, un éclat de lune, un matin oublié, une révolte, un chagrin…
Et voici le poème…
(p. 7)
Je te souhaite des ailes
Pour caresser le ciel
M'a dit le bel oiseau
Prisonnier des barreaux
Je te souhaite des ailes
Pour caresser le ciel
M'a dit le papillon
Piqué sur le canson
Je te souhaite des ailes
Pour caresser le ciel
M'a dit la mouche gigotant
Sur le papier collant
Délivre-moi d'abord de ce livre d'images
Je te prêterai mes ailes
Pour caresser le ciel
M'a dit l'ange rose et sage
Aplati sur la page
(p. 33)
Quand on a peur du temps
De sa course effrénée
On peut courir devant
Comme un dératé
On peut aussi mendier
Un moment de répit
S'arrêter, épuisé
Sur le bord de la nuit
On peut traîner des pieds
Et râler, et gémir,
Refuser de manger
La soupe pour grandir
Le temps s'amuse et rit
De cette agitation :
Il sait bien qu'aujourd'hui
Est sa seule saison
(p. 23)
Je suis le coucou,
Je chante aux abois,
Je squatte votre nid et je couvre vos œufs.
Je vous donne un partage
Ce qui ne m'appartient pas,
Le printemps, le soleil,
L'aube de vos amours et la nuit de vos mots.
Vérifiez bien vos poches, n'oubliez pas vos pièces,
Demain vous serez riches.
Et moi, un peu plus pauvre,
Je quitterai l'été
Avec sur les épaules
Mon grand sac percé.
(p. 28)