Gegen mein Gewissen (L'objecteur de conscience)

Dans ce roman graphique, non encore traduit en français, l'auteure allemande Hannah Brinkmann s'inspire de l'histoire de son oncle Hermann, jeune objecteur de conscience en République fédérale d'Allemagne. Après la 2nde guerre mondiale, la constitution allemande accorde aux jeunes la possibilité de refuser le service militaire si celui-ci s'avère être incompatible avec leur conscience. Au début des années 1970, dans un contexte de guerre du Vietnam, de nombreux jeunes gens font appel à ce paragraphe constitutionnel pour s'opposer au port d'armes, l'idée d'être formés à tirer sur autrui leur étant inconcevable. Les objecteurs de conscience sont alors convoqués devant la justice qui examine lors d'un interrogatoire si leur refus est réellement fondé sur des valeurs morales. Hermann Brinkman, jeune homme sensible et pacifiste, refuse tous les subterfuges (partir à Berlin-Ouest, se faire délivrer un certificat médical) pour éviter, comme lui conseillent ses frères et amis, l'interrogatoire souvent partial. Hermann souhaite que son argumentaire soit reconnu par la justice, mais cette reconnaissance ne lui sera pas accordée. Comme pour d'autres jeunes gens, il est soupçonné de vouloir tirer au flanc, et est appelé. L'expérience du service militaire et l'absence de reconnaissance de sa souffrance, le dépriment au point de se suicider à l'âge de 19 ans, en janvier 1974. Sa mort, médiatisée par des annonces mortuaires qui accusent la justice et les services psychiatriques de l'armée, et d'autres cas d'examens de conscience arbitraires, ont mené en 1978 à une révision de la méthode d'interrogatoire qui préjugeait la plupart du temps de la mauvaise fois des objecteurs.

Le graphisme cadré et précis, dans les tons rouille, marron, gris-vert, bleu-vert est somptueux. Hannah Brinkmann varie la taille des vignettes pour aller jusqu'à l'illustration double-page, marie des pages sobres et réalistes à des envolées graphiques pour illustrer notamment l'angoisse, l'incompréhension qui se frayent dans les pensées de Hermann lors des comparutions devant la justice et les interrogatoires.

Hannah par son travail, auquel la famille n'était au départ pas favorable, rend hommage à son oncle, à ses amis et à sa famille, en contextualisant l'acte de suicide d'Hermann.
(Lu en allemand, le titre en français "l'objecteur de conscience" est une proposition de traduction de ma part).