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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Tout d'abord je remercie Pierre Krause de Babelio et Mathilde Boisserie des éditions Presses de la Cité de m'avoir fait gracieusement parvenir, dans le cadre de l'opération « Masse critique », le tout récent roman de Nathalie de Broc : « Et toujours ces ombres sur le fleuve ... ». Paru en septembre 2014, ce roman peut se résumer à une histoire de passion et de vengeance. Nous sommes à Nantes, sous la Terreur. Une gamine de douze ans, Lucile, voit ses parents exécutés. Elle décide de retrouver l'assassin et de le tuer.

Ce livre présente deux niveaux de lecture. le premier : c'est l'histoire d'une adolescente qui, de rebondissements en rebondissements, arrivera presque à ses fins ; alors, l'histoire se lit de l'extérieur, est assez banale, se distingue à peine du roman de gare, et vous en êtes le spectateur. le second : c'est une analyse faite au stéthoscope de l'antre psychologique dans laquelle s'est recroquevillée une adolescente, toute en proie à la folie qu'elle s'est peu à peu construite ; alors, l'histoire gagne en intérêt, et vous accompagnez l'auteur dans cette analyse, jusqu'à une fin que je ne saurais dévoiler.

Pendant les premiers chapitres, je me suis laissé gagner, comme au cinéma, par les images qui se bousculaient devant mes yeux : Lucile court sur les pavés de Nantes ; elle court pour oublier ce qu'elle vient de voir, l'innommable ; Clotilde et Théosime de Neyrac, ses parents, nobles, propriétaires du château de la Grande Gibraye, ont été dénudés, ligotés et jetés avec son petit frère Théo dans la Loire, dans la "baignoire de la République" (page 12) ; l'assassin n'est autre que Jean-Baptiste Carrier, commissaire de la Révolution. Elle s'en retourne au château que les gueux ont saccagé, pillé et brulé. Heureusement sa cachette est intacte (page 47) mais, pourquoi s'attarder dans des lieux qui n'offrent plus d'intérêt ? Quatre ans passent. Carrier a été décapité. Lucile a rejoint une bande (Louison, Awa et Lambert) avec laquelle elle vit en maraude. Un soir, elle est de faction dans un théâtre où la bande compte bien jouer les vide-goussets. le feu se déclare. Lucile se sauve, secourant au passage une certaine Flavie, mère maquerelle de son état. Blessée, Lucile est récupérée et soignée par cette femme qui espère bien la « mettre à l'horizontale », au service de ses clients. Lucile, encore vierge (une aubaine !) est mise aux enchères. L'acheteur n'est autre que le Chevalier de Préville, celui-là même qui orchestrait les exécutions nantaises sous la Terreur ! L'adolescente est emmenée à l'hôtel Villestreux, propriété du Chevalier. C'est là qu'elle murit sa vengeance et … : je n'en dirai pas plus.

En repensant à ce que je venais de lire, j'ai découvert que, sous le roman historique et régional, sommeillait en fait une réelle tragédie humaine. L'innommable fait basculer Lucile dans un monde parallèle, un monde où elle doit s'efforcer de jouer le rôle qu'elle s'est donné, celui du bras vengeur qui devra tuer Carrier ou son mandataire. Elle décide alors (mais est-ce volontaire ?) de prendre le deuil de ses parents et de son petit frère, et pour la vie entière, la tête pleine de démons qui ne produisent que de noirs forfaits, toute à la nécessité d'aller jusqu'au bout. Fantôme surfant sur la vague de la vie, Lucile compte bien tenir un jour l'assassin au bout de sa dague. Aveuglée par sa vengeance, obsédée par cette folie meurtrière, Lucile se donne un visage et se compose un destin. Elle sait qui elle est et ce qu'elle veut faire, mais elle ignore ce qu'elle peut être ! Car, à côté de la vengeance, il y a aussi la passion. Lucile va osciller entre les ténèbres et la lumière. Voyez dans quel état elle est quand elle retrouve Petit Jean, le fils des métayers de son père, son ex-camarade de jeu ; et quand elle retrouve Joséphine, la négresse (page 40) au répertoire inépuisable de chants ; et quand elle tombe nez à nez sur Louison, fragile mendigote (page 79) éveillant la pitié, et quand elle voit Albane, (page 94) éclat de pain de sucre qui fond doucement sous la langue. Voilà bien deux soeurs, petite et grande, que Lucile désespère de n'avoir jamais eues. Lucile s'accroche à sa ligne de conduite, mais elle hésite : que faire si elle devait (page 221), pur hasard, trouver aimable le bourreau de ses parents ? Ni fuyarde, ni prisonnière, Lucile prend sa décision : elle s'en ira rejoindre les ombres du fleuve. le suicide : sinistre conclusion ! Dans sa confusion mentale, en proie à la tempête qui se déroule sous son crane, Lucile n'exclue rien, mais elle pourrait être abusée par sa vengeance …: je n'en dirai pas plus.

Bien documenté, précis, parsemé d'expressions et de mots peu usités, mettant en oeuvre un suspense de qualité, très addictif, forçant l'émotion et construit sur des personnages bien typés, cette fiction historique, attachante, convaincante et menée au pas de charge, est à sa façon une fresque psychologique. Fortement descriptif et témoignant de cette époque de purification révolutionnaire, période peu abordée en littérature, « Et toujours ces ombres sur le fleuve ... » pourra susciter des réactions mitigées. A cause d'une naïveté dérangeante et d'un côté fleur bleue ? Oui, mais n'est-ce pas le propre de l'enfant que de déchiffrer le monde au premier degré comme s'il n'était qu'un grand livre d'images, de rêver le monde tout en le vivant ? A cause d'un texte fluide mais très simple ? Oui, mais n'avons-nous pas à faire à des enfants, à commencer par Lucile ? A cause d'une fin pour le moins inattendue ? Oui, mais ne trouve-t-on pas dans l'histoire récente d'exemples de gens qui aient, par repentance, commis des actes héroïques ? Agréable à lire, cet ouvrage sensible -écrit par une femme- dont chaque chapitre commence par une citation, force le respect : je mets quatre étoiles.
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Tout d'abord je tiens à remercier Pierre Krause de Babelio, et les Éditions Presses de la Cité, pour la confiance qu'ils m'ont accordée afin de publier un article sur ce livre.
Bien sûr, natif de Nantes et passionné par l'histoire de ma ville et de cette époque sombre de notre passé, j'ai été emballé à l'idée de découvrir ce livre dès la lecture de son résumé.

1793 : la Terreur fait rage et à Nantes, plus qu'ailleurs, les “brigands” vendéens, les aristocrates et les cléricaux, sont les victimes toutes désignées de cette folie meurtrière incarnée par le sinistre Carrier, ses noyades organisées, ses mariages républicains et autres atrocités perpétrées au nom d'une purification révolutionnaire. Dans le bas Chantenay (quasiment au pied de chez moi), Lucile (12 ans) voit ses parents humiliés, attachés et exécutés sans autre forme de procès, dans une barque sabordée, et rapidement car la marée descend…
Le retour vers le château familial va être un nouveau drame pour cette enfant que décidément rien n'épargne, car les sbires de Carrier ont saccagé, vandalisé et brûlé la Grande Gibraye, demeure familiale des Neyrac. Lucile n'a qu'une idée en tête, la vengeance à l'égard d'un homme qu'elle a vu juste avant la mort de sa famille, et dont elle a entendu prononcer le nom, le Chevalier de Préville.
Trois ans ont passé, les exactions ne sont plus qu'un souvenir, surtout pour ceux qui n'en ont été que les témoins, et un semblant de gaieté semble animer une ville que viennent fréquenter les « Inc'oyables » et les « Me'veilleuses », arrivés de la capitale. Nous retrouvons Lucile dans les bas quartiers de la ville entre la Fosse et ses quais et le théâtre Graslin à peine inauguré, avec une bande de vauriens qui ne cherchent qu'à survivre, ayant tout perdu, y compris une hypothétique famille. À partir de là et de l'incendie du théâtre, le destin de Lucile va basculer d'une bien étrange façon. Son idée de vengeance la dévore encore comme un feu intérieur et rien ni personne ne saura l'en détourner.

Au-delà de sa trame historique véridique et de ses itinéraires dont on connaît aujourd'hui toutes les rues, le récit brille par sa documentation particulièrement fouillée et de l'ambiance que l'auteur a su y insuffler. La bibliographie à la fin de l'ouvrage suffit à le vérifier quand on est un peu bibliophile nantais. Sensibilisé très jeune par cette époque, je retrouve dans le texte, tout ce que me racontait mon grand-père, incollable sur l'histoire de Nantes et des Guerres de Vendée.
Dès le prologue on plonge dans l'enfer de la Terreur et jusqu'au bout du roman, même quand les événements seront apaisés (?), on vit au rythme des aventures de la petite héroïne. le texte est simple sans être simpliste, le vocabulaire recherché, le style fluide et le rythme soutenu. J'ai particulièrement apprécié les incises en tête de chapitre qui introduisent avec finesse les textes à venir.
D'où j'habite je ne peux plus sentir le calfatage des bateaux, car le dernier construit à Nantes date des années quatre-vingts, et le port ne bruit plus des harangues des marchands pour attirer le chaland, là où l'on déchargeait les navires de toutes les denrées arrivées du lointain. Les ballots de coton et les sacs de café, ou le sucre à raffiner ont laissé la place aux vélos du dimanche. Les lanternes rouges ont disparu et s'il reste quelques bars à hôtesses, la réputation du quartier de la Fosse s'est estompée, au profit d'un éléphant mécanique qui barrit tous les jours de l'autre côté du fleuve. Mais il faut rendre grâce à l'auteur de nous avoir rappelé ce qu'était cette ville magnifique avec son quartier Kervégan où subsistent la plupart des immeubles du XVIIIe, dont l'hôtel de la Villestreux, le théâtre Graslin plusieurs fois rénové et trônant sur son large escalier, et, malgré les dégâts des bombardements, on peut encore admirer sur les quais nombre d'anciens hôtels particuliers, aux balcons ventrus ornés de ferronneries d'art et soutenus par des cariatides ou autres atlantes et télamons, et aux larges portails surmontés de mascarons grimaçants.
Et ce titre : « Et toujours ces ombres sur le fleuve… » Ombres que je devine le matin en partant travailler en longeant la Loire…
D'aucuns - forcément - trouveront quelques passages difficiles à croire ou ne se livreront pas au rythme de la vie de Lucile et des surprises à venir, mais qu'importe, les fâcheux sauront toujours glisser quelques commentaires acides ou trop rigides.
Je n'aurai qu'un petit regret : la fin très (trop ?) vite arrivée et les points de suspension qui en résultent. L'auteur compte-t-elle nous livrer une suite ? Si c'est le cas je me laisserai tenter sans retenue.
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Je tenais à remercier Babelio ainsi que les éditions Presses de la Cité pour ce partenariat, car si j'étais curieuse au premier contact, me voici enthousiaste une fois la lecture finie. Ce roman est une terrifiante découverte, relatant un sombre passage de la Terreur « les mariages républicains ».

Historiquement, je ne peux rien reprocher au roman, c'est fouillé, précis et très documenté ; et là où j'applaudis l'auteure, c'est qu'elle parvient à nous fondre dans l'ambiance cruelle de la Terreur, dans le quotidien des Nantais de cette époque avec justesse et précision sans nous servir une dissertation pédagogique. Tout est d'une grande fluidité et d'une force émotionnelle prenante. J'ai vraiment eu l'impression de voir la ville, de revoir des lieux connus comme le théâtre Graslin, d'en apprendre plus sur cette ville de Nantes – je la côtoie sans vraiment la cerner, revenir ainsi sur son Histoire la rend plus intéressante. Vous vivez L Histoire à travers une histoire très captivante, celle de Lucile.

Le résumé nous la présente, le récit a pour but de conter la vie de Lucile depuis le mariage républicain où elle aura vu sa famille se noyer dans la Loire et ses biens confisqués. Perdue, totalement seule et ignorée, elle se doit de survivre, de n'importe quelle façon. C'est un récit initiatique, notre héroïne était bien haut quand elle descend de son cocon, elle va affronter la faim, le froid, elle va en vivre des aventures. Un beau voyage à Nantes qui la conduira dans les coins les plus dangereux, à gagner sa vie en volant, elle va faire des rencontres changeant son destin. L'intrigue est loin d'être un fleuve tranquille, nous sommes avec Lucile, nous sommes attachés à elle et impossible de la laisser, il faut qu'on en sache plus, toujours plus. Dès le début, j'ai été happée par le récit et j'ai eu bien dû mal à le lâcher, je voulais connaître la suite, savoir ce qui allait survenir.

Car il faut avouer que la plume de l'auteure est très jolie. le style est sincère, prenant, on s'y laisse prendre et c'est bien dur de devoir se rendre compte que l'on a fini le roman... je l'ai dévoré en quelques jours tant il m'a captivée. Les descriptions nous content des lieux, des personnages, des émotions, des actions avec simplicité et soin, on se sent vraiment très proche des décors, des sentiments de Lucile ou des autres. Les répliques sont justes, elles correspondent au tempérament des protagonistes mis en avant, on se régale devant le mordant de la jeune fille.

J'ai peut-être ressenti quelques longueurs, mais c'est réellement léger à côté de l'effet addictif qu'entraîne cette lecture. Autre petit point grinçant, la fin, très ouverte. Personnellement, elle est classe, j'avoue, c'est une très bonne fin, seulement, ma curiosité fut tellement piquée à vif que j'aurais souhaité quelques renseignements supplémentaires, un chapitre de plus... J'admets que je ne voulais pas abandonner de suite ces personnages.

Parce que ces protagonistes, ils sont très humains, et surprenants. Certains ont été une sacrée surprise une fois les révélations finales obtenues et j'étais bien loin de me douter de leurs véritables intentions. On ne peut qu'aimer Lucile, sa soif de vivre, sa volonté, sa personnalité, son histoire, c'est une héroïne très attachante et qui ne cesse de grandir au fil de ses aventures. Les autres protagonistes ont chacun un rôle à jouer dans l'intrigue, mais aussi auprès du personnage principal. Petit Jean, Carrier – qui lui est un homme ayant réellement existé, Madame Flavie, Awa, le chevalier de Préville... Ils sont tous fascinants, ils ont leurs qualités et leurs défauts, j'ai mes petits chouchous comme Louison, d'autres sont devenus mes favoris grâce à leurs actions. Ils ne nous laissent pas indifférents.

En conclusion, voici un très beau roman, une belle excursion dans la Terreur à Nantes, extrêmement bien documenté, soigné et précis dans les informations historiques. La plume de Nathalie de Broc nous emmène au coeur de la ville, de son mode de vie, de son économie et de son rapport à la flotte maritime, des émotions, de l'action, des changements vécus par Lucile. C'est juste, fin et très agréable à lire, rapide tellement c'est addictif, on est tenu en haleine par la vie de cette jeune héroïne courageuse et déterminée, car elle ne tient que sur un fil. J'ai été très enthousiaste durant ma lecture, prise dans le récit sans jamais m'arrêter, de ce fait, je remercie vivement les éditions Presses de la Cité ainsi que Babelio pour ce partenariat. Une très belle découverte !
Lien : http://la-citadelle-des-livr..
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Un livre sur fond historique comme je les aime bien que l'on apprenne rien sur cette période.
Ce roman nous raconte l'histoire d'une gamine qui voit mourir ses parents dans la Loire ,elle reconnaît le meurtrier.
Après une adolescence bien tumultueuse elle retrouvera le meurtrier qui curieusement l'aidera .
Bien que paru aux éditions terre de France ce roman n'a rien à voir avec les histoires de terroir habituel.
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