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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le visage terrible de la Méduse peint par le Caravage et le titre de ce livre intriguent, et c'est sans doute le but recherché par Gérald Bronner, éminent sociologue, étant donné le sujet qu'il aborde dans Apocalypse cognitive.
Dans le texte, l'auteur expliquera que le mot apocalypse n'est pas à prendre dans le sens qui lui devenu commun, celui d'une immense catastrophe, d'un chaos final de la planète, mais bien dans son sens premier, tiré du grec qui est celui de dévoilement, de révélation; et que la Méduse est la réalité terrible de notre époque marquée par une certaine forme de déraison, que nous n'osons pas regarder en face, comme ce personnage de la mythologie grecque.

Car il s'agit bien de nous dévoiler, avec une argumentation fondée sur de nombreuses preuves scientifiques, que les humains, dont le temps de cerveau disponible a considérablement augmenté durant ces dernières décennies, ne l'utilisent pas pour se former, pour mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent, mais, bien au contraire, ce temps libéré sert essentiellement à utiliser des processus profondément ancrés dans notre patrimoine génétique d'Homo sapiens, et plus largement d'hominidés et d'animaux.

L'ouvrage est structuré en 3 parties principales:

- Dans la première partie nous sont expliqués les facteurs qui ont contribué à nous dégager du temps libre, c'est à dire non employé au sommeil, au transport et au travail, aux tâches domestiques et aux activités sportives. Rien de neuf à ce sujet, progrès de la technologie dans tous les domaines, transport, automatisation et robotique ont réduit par exemple notre temps à parcourir de grandes distances, à exécuter des tâches ménagères, à échanger des informations, etc..Le temps de travail a baissé régulièrement. Ce qui est intéressant, c'est de nous rappeler combien ces progrès techniques ont suscité d'espoirs chez nos anciens en matière de développement de la connaissance et de la qualité de vie. Ainsi la citation optimiste de Jean Perrin datant d'il y a environ cent ans, qui rétrospectivement peut faire sourire, ou grincer des dents c'est selon: « les hommes libérés par la science vivront heureux et sains, et développés jusqu'aux limites de ce peut donner leur cerveau. Ce sera un Éden… » ou celles plus récentes relatives aux progrès de l'informatique vont très vite laisser place à une autre réalité. Et l'auteur nous montre dans ce chapitre que le temps disponible a été absorbé en majeure partie sur les écrans, conduisant majoritairement, surtout chez les plus jeunes, à une perte de disponibilité de l'esprit pour la contemplation ou même la rêverie, et une diminution inquiétante du temps de sommeil.

- Et qu'est ce qui se passe sur les écrans d'ordinateurs et de smartphones? C'est ce ce à quoi s'attache la deuxième partie, la plus passionnante et la plus argumentée, car Bronner, qui travaille beaucoup avec des neurobiologistes (ses travaux lui ont valu d'ailleurs de faire partie de l'Académie de Médecine) fait le lien avec les mécanismes comportementaux et cérébraux qui caractérisent notre espèce depuis l'origine et qu'elle a hérité, pour certains d'entre eux, de nos ancêtres simiens et pré-simiens. Après avoir décrit quelques particularités curieuses et uniques de notre cerveau importantes pour comprendre notre attitude face à internet telle la capacité à saisir une information qui nous concerne au sein d'un brouhaha de voix (effet dit « cocktail ») et au contraire notre difficulté à voir des images « parasites » ou secondaires lorsque notre cerveau concentre son attention sur un récit tel un film policier, Bronner passe en revue, et en n'est pas joli, joli, à quoi les humains passent majoritairement leur temps sur internet. Sans surprise, et cela a été déjà décrit dans d'autres études, le sexe, qui représente environ un tiers du traffic sur le web, 146 millards de vidéos visionnées par an en 2021, ces chiffres laissent rêveurs. L'auteur nous explique aussi que l'on trouve aussi parmi les visiteurs assidus, ceux des pays aux moeurs rigoristes, tels le Pakistan, l'Iran ou l'Arabie saoudite, je dis ceux volontairement, car si les statistiques ne peuvent identifier les individus, il fort à parier que ce sont majoritairement des hommes, puisque c'est déjà le cas en France où la gent masculine représente encore les trois-quarts dans une enquête récente. Plus intéressants sont les développements consacrés à deux émotions primaires, la peur et la colère. La peur ou l'hyper-vigilance à l'égard du danger peut être considérée comme un avantage sélectif qui a sélectionné dès l'apparition du genre Homo, et même à avant , les êtres les plus disposés à surestimer le danger. Comme l'écrit l'auteur, « nous sommes les descendants des peureux ». Mais ce qui était un avantage devient, à l'époque de l'internet et des réseaux sociaux, la cause du fameux principe de précaution, mais aussi de la propagation de craintes infondées et irrationnelles, telles celles du danger des vaccins, de la 5G, des compteurs Linky etc….qui aboutissent souvent à des incohérences de comportement, c'est à dire à vouloir une chose et son contraire. Dans le même ordre d'idée, l'agressivité et la colère qui représentent des émotions métamorphosées du danger, sont profondément enracinées dans notre cerveau. Et l'auteur nous montre de nombreuses études qui montrent que des informations se rapportant à des conflits entre personne se propagent beaucoup plus facilement sur le web, et font bien plus d'audience que des événements positifs. Et nous montre aussi que les médias d'information en continu l'ont bien compris, de même que les géants du web qui ont développé des algorithmes mettant en avant les événements de conflits. Et ainsi Bronner nous livre un décryptage de ce que des mécanismes mentaux hérités de nos ancêtres vont se retrouver considérablement utilisés et amplifiés par internet et surtout les réseaux sociaux, qu'il s'agisse de la curiosité (qui peut être un vilain défaut), la recherche à se distinguer des autres (pour autrefois se reproduire ou obtenir de la la nourriture), des croyances destinées à expliquer le monde qui entourait les hommes préhistoriques devenues ces théories diverses qui visent à simplifier un monde devenu toujours plus complexe. Et, bien entendu, le web offre une diffusion planétaire incomparable en vitesse et en nombre de personnes touchées. Et cette rapidité d'échange empêche de prendre le recul nécessaire et active les boucles addictives de notre cerveau. Bref, c'est à la fois passionnant et inquiétant, car on réalise que Cro-magnon n'est pas loin, que les espoirs fondés sur les progrès de la raison et de la science sont loins de s'être confirmés, que nous utilisons les outils modernes comme autrefois nos ancêtres les silex, les lances et les propulseurs.
- Enfin, la troisième partie aborde la question plus sociologique voire politique, de savoir qui manipule qui. Bronner y analyse en détail et avec de nombreuses références, la controverse selon laquelle les médias influencent nos goûts, comme le prétendent certains sociologues ou philosophes ou au contraire s'y adaptent, dans un logique de marché de l'offre et de la demande. le résultat est sans appel. Bien que beaucoup s'en défendent, ce sont les programmes qui ne demandent qu'un minimum d'attention et de réflexion qui font de l'audience TV; en 2014, année de son prix Nobel de littérature, Patrick Modiano aura un nombre de citations sur les réseaux proches de zéro, en comparaison de celles de Nabila! L'auteur montre que théories de philosophes, linguistes ou sociologues tels Marcuse, Adorno Gramsci, Chomsky, ou encore Bourdieu ou Debord , qui postulent que ce sont les hommes de pouvoir, les capitalistes entre autres, qui ont dès le départ utilisé les instruments de l'information pour asseoir leur domination sur les faibles, ne résistent vraiment à l'analyse des faits. Néanmoins, ce n'est pas le cas pour les néo-populismes qui utilisent sciemment les ressources d'internet et des réseaux sociaux pour promouvoir une démagogie sociale qui prétend s'adresser directement « au peuple » en ne passant pas par les médias, aux mains des soi-disant « élites », pour imprimer l'idée d'une «démocratie directe » passant par les réseaux sociaux, par les fameux référendums d'initiative citoyenne (comme si une génération spontanée d'idées pouvait se faire à partir d'un « peuple » au contours incertains), avec un discours qui s'adresse à notre cerveau primaire et ses ressorts archaïques que sont la peur, la « colère », la réaction immédiate, etc….

Dans sa conclusion, Gérald Bronner appelle à une prise de conscience planétaire de cette apocalypse cognitive, ce qu'il intitule avec humour la lutte finale, et nous rappelle que notre cerveau a toutes les ressources disponibles pour décider de son destin. Je suis beaucoup moins optimiste, voyant déjà, et c'est un point que n'évoque pas l'auteur, qu'une partie non négligeable de notre humanité vit dans des régimes dictatoriaux voire totalitaires, où l'expression est sous contrôle.

En conclusion, un ouvrage salutaire parmi d'autres de l'auteur tels la démocratie des crédules, ou d'autres remarquables par exemple ceux de de Empoli.
C'est aussi plein d'humour et de dérision, ce qui facilite la lecture.
Bien qu'il soit abondamment documenté, et fait appel à de nombreuses références scientifiques sérieuses, on peut reprocher, mais sans doute cela aurait été trop long, de ne voir que les motivations primaires («préhistoriques ») du plus grand nombre, et de ne pas mettre suffisamment l'accent sur la capacité de réflexion, de raison des humains. Après tout, le populiste Trump n'a pas été réélu, et il y a quand même des démocraties raisonnables. Mais le danger est réel, pourrait faire sombrer notre humanité, et une prise de conscience est urgente.
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Voilà un livre d'une incroyable densité. de la première à la dernière page. Un essai, pur et dur.

De quoi s'agit-il ?

Gérald Bronner, croise deux disciplines : la sociologie et la neurobiologie. Il met ainsi au service de son étude les dernières avancées en matière de connaissance des mécanismes profonds du cerveau humain (les circuits de la récompense en particulier) ET les phénomènes de société qui caractérisent l'augmentation toujours croissante du temps libre dont nous disposons (ce qu'il appelle le temps de cerveau disponible).
Et se demande pourquoi les écrans (Télé, ordinateurs, téléphones portables) prennent tant de place dans l'espace temporel qui a été libéré par les gains gigantesques de productivité effectués au cours des deux derniers siècles.

Autant le dire tout de suite, ce voyage d'une grande intelligence et d'une froide rigueur ne nous réserve pas que des bonnes surprises ! A vrai dire, il y en a un certain nombre de très mauvaises.

Il explique pourquoi l'usage que nous faisons de notre temps de cerveau disponible est pour une bonne part un gâchis. Car le cerveau est un "trésor" au sens cosmologique du terme. Un trésor qu'il est d'autant plus regrettable de mal l'utiliser que les défis qui se posent à l'humanité en ce début de millénaire nécessitent toutes les intelligences disponibles. Inutile d'être grand clerc pour comprendre que ce n'est pas vraiment le moment de gâcher ce trésor collectif.

Et c'est là que Gérald Bronner frappe fort. Il explique pourquoi les écrans sont venus percuter en plein vol les espoirs que l'on pouvait placer en tout ce "temps de cerveau disponible", comme dit, dont on a particulièrement besoin.

L'une des idées qu'il met en avant est que la profusion des informations qui découle de la multiplication des intervenants sur le « marché cognitif » nuit à leur qualité – ça, on s'en serait douté - mais aussi et surtout aux destinataires (monsieur tout le monde, vous et moi) qui sont déchirés entre satisfaction de leurs biais cognitifs (curiosité, colère, émotion, sexualité, haine) induits par notre cerveau et la rigueur nécessaire à l'analyse rationnelle capable de produire de vraies réponses.

Alors quelle solution ?

La seule sortie par le haut, estime M. Bronner, est de réfléchir à l'éditorialisation du monde, c'est-à-dire à la façon dont nous voulons élaborer un nouveau « récit du monde ». Il développe l'idée que nous pouvons, individuellement, participer à l'élaboration d'un « récit » de qualité si nous prenons conscience de nos biais cognitifs et que nous décidons de les tenir à bonne distance pour produire nous-mêmes un « récit » différent et salvateur. Particulièrement convaincant.

A tous les lecteurs : accrochez vos ceintures. C'est passionnant !
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Mes prédécesseurs dans cette rubrique ont émis tellement de jugements pertinents que j'ose à peine donner mon avis ! Je m'y risque cependant, car je pense qu'il FAUT lire Apocalypse cognitive, de Gérald Bronner. Je lui sais un gré infini de mettre pour nous des mots et des chiffres sur une réalité contemporaine : « La dérégulation du marché cognitif – la capacité pour chacun d'intervenir sur le marché public de l'information, sur un blog, sur YouTube, Instagram ou Facebook – permet à tous de capter le temps de cerveau disponible d'autrui ».

L'auteur met en évidence cette sollicitation cognitive permanente ; le despotisme de l'événement ; celui de la comparaison frustrante à un autrui qui se pose en modèle idéal, libre de son destin et de ses désirs, répandu à des millions d'exemplaires sur les réseaux sociaux (mais nulle part il n'évoque René Girard et le « désir mimétique » ou « désir triangulaire » que ce dernier avait si bien analysés dans la littérature et la publicité, longtemps avant le déferlement d'Internet) ; celui des « boucles addictives » jouant sur les invariants de l'espèce humains (besoin de conflits, de colère, de peur, de sexe, etc.) et le fait que déjà, en 2010, selon l'Insee (p. 79), la moitié du « temps mental disponible » était dévorée par les écrans (TV, ordinateurs, téléphones).

Cela n'a pas dû s'arranger depuis. Sachant que plus d'un tiers des vidéos regardées chaque jour dans le monde sont des produits pornographiques (réf. p. 103), et que déjà, du temps de leur ancêtre, le « Minitel rose » représentait au moins la moitié du trafic et des revenus générés, si l'on ajoute les heures consacrées par exemple aux jeux en ligne, à la téléréalité, aux « partages » de contenus (p. 191 : 59% des personnes qui partagent des articles sur les réseaux sociaux n'ont lu que les titres et rien de leurs contenus) il reste de moins en moins d'espace à notre cerveau pour « apprendre la physique quantique, composer une symphonie »… ou même poursuivre, à moyen terme, quelques objectifs moins ambitieux.

Donc, merci à Gérald Bronner de nous rappeler que le cerveau est un trésor que nous dilapidons trop souvent (moi la première), dans une forêt de « pièges à clics » !

Au fil de cette lecture, cependant, quelques petits bémols personnels :

L'expression centrale aurait pu être resituée dans son contexte : en 2004, le PDG du groupe TF1 (Patrick le Lay) écrivait dans « Les dirigeants face au changement » : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau disponible ». Cette formule fit polémique.

Deuxième bémol : beaucoup de références, mais parfois peu de nuances, chez Brenner. P. 63 : Afin d'estimer « ce que représente le volume de ce temps de cerveau disponible », il a recours notamment aux données de l'Insee (enquêtes Emploi du temps 1986-1987, et 2009-2010). Sans jamais relever le fait que ce sont majoritairement les hommes qui disposent de ce précieux temps « que l'humanité aura mis des milliers d'années à libérer » (p. 78) ! Si nous nous penchons sur d'autres statistiques de l'Insee (« le temps domestique et parental des hommes et des femmes : quels facteurs d'évolutions en 25 ans ? » ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 478-479-480, 2015), nous apprenons que « En 2010, les femmes effectuent la majorité des tâches ménagères et parentales – respectivement 71 % et 65 % ». Charge mentale contre temps (de cerveau) disponible !

Enfin, autant, si ce n'est plus, que de divertissement, l'être humain a besoin de récits (d'où les mythologies, les cosmogonies, les fables, les légendes, les paraboles… d'où aussi le « story telling » des publicitaires, des politiques) et de sens ! Nous avons tous besoin de donner un sens à notre histoire – avec ou sans majuscule – à notre environnement, à nos interactions. J'ai trouvé que ces notions, pourtant fondamentales, n'intervenaient que fort tard, avec ce que l'auteur appelle « l'éditorialisation du monde » et avec le chapitre intitulé « La bataille des récits », le dernier avant la conclusion ! Et nulle part il ne fait référence au formidable livre de Nancy Huston, « L'espèce fabulatrice », paru en 2008.

Mais je maintiens : il faut lire Apocalypse cognitive ! Et espérer, avec Bronner, que, comme il le dit dans une interview à Télérama, en s'évadant de l'empire algorithmique, notre cerveau puisse retrouver « son potentiel de créativité, sa capacité à explorer le possible, dont la science et l'art sont les plus précieuses manifestations ».

Il faut, disait Gide, suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant… c'est l'une de mes citations préférées.
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Des citations éclairantes :
Ce temps de cerveau, nous pouvons aussi bien en user pour apprendre la physique quantique que pour regarder des vidéos de chats. (p.21)
Une anecdote tirée de mon expérience d'enseignant (:) lors d'un cours (…) j'ai introduit cette notion d'effet cocktail. Comme toujours, quand je parle, certains de mes étudiants ont le nez plongé sur leur téléphone portable. Ce jour-là, une étudiante qui avait pris soin de se placer tout en haut de l'amphithéâtre ne paraissait pas écouter un traître mot de ce que je racontais. Vint le moment de la description de l'effet pop-up que provoquent certains mots et c'est alors que j'ai prononcé le mot « sexe » : cette étudiante a instantanément levé les yeux de son téléphone, un peu éberlué, comme si elle avait raté quelque chose d'essentiel. (p.95)
Cette tendance de l'esprit humain à surestimer l'importance d'une information qu'il rencontre pour la première fois. (p.226-7)
A propos des supercheries : assurons-nous bien du fait avant que de nous inquiéter de la cause. (p.238)
Les grandes firmes ne répondent pas tant aux demandes des individus qu'elles ne les fabriquent. (p.247)
Le désir de trouver des réponses : Ce désir est tout simplement enfoui dans notre cerveau, de même que le désir de distinction, l'appétence pour la conflictualité et la sexualité. (p.250)
A propos du Top 50 (Alain de Greef) : Pendant les années que cette émission allait durer, le goût de chiotte de nos compatriotes en matière de chanson fut largement mis en valeur. (…) J'ai tiré de cette aventure qu'il ne fallait jamais prendre le pari sur le goût du plus grand nombre. (p.253)
Ce n'est pas la qualité de l'information qui lui assure une bonne diffusion mais plutôt la satisfaction cognitive qu'elle procure. (p.261)
A propos de l'effet Streisand : il arrive que les efforts fait pour empêcher la diffusion d'une information y contribuent. (p.273)
Il n'y a pas de groupe humain sans relation de pouvoir. (p.281)
Le réel suffit rarement pour défaire la croyance. (p.284)
Une telle désintermédiation est patente chez (Donald Trump) : l'idée est de se servir des réseaux sociaux pour parler directement au peuple et enjamber les intermédiaires traditionnels qu'étaient les partis, les syndicats ou encore les médias. (p.302)
La vie politique, partout, fourmille d'effet cobra. En raison du caractère court-termiste des décisions qui sont prises, on se fonde trop souvent sur des intuitions ne tenant compte que des effets primaires, et non secondaires, des initiatives politiques. (p.352)
Lien : https://alexmotamots.fr/apoc..
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C'est un livre très dense. Un développement minutieux et original. Difficile de faire une fiche de lecture.

En fait, il faut surtout retenir l'idée principal de ce livre, son fil conducteur.

Nous avons tous un "capital cognitif" constitué par notre "temps de disponibilité du cerveau". Prenez les 24 heures de votre journée, enlevez les temps de travail, de transport, des corvées, de sommeil, et vous aurez le nombre d'heures ou minutes auxquels vous pouvez dédier à vos activités cognitives, à votre développement intellectuel, aux moments de réflexion.

Si vous pouvez utiliser ce capital temps comme vous voulez, des tiers essayent d'en prendre possession en attirant votre attention, vidant ainsi votre capital.

Avec ce fil conducteur, Gérald Bronner analyse aussi exhaustivement que possible les tactiques utilisées pour récupérer votre temps de cerveau disponible.

Ça peut être les réseaux sociaux où vous voyez, en permanence, des publicités et que, au passage, on récupère vos données personnels qui seront utilisés par ailleurs. Les publicités qui vous inciteront à acheter tel ou tel produit, les néo-populistes, les fake news, etc, etc...

A une époque où l'information est, ou devrait être facilement accessible, on se trouve dans une situation de saturation où notre temps de cerveau disponible se trouve épuisé. Il nous alerte sur les dangers de cette situation.

Il ne propose pas vraiment de solutions et il est conscient de la difficulté. Par exemple, difficile de trouver une solution aux "fake news" sans limiter la liberté d'expression.

Gérald Bronner, je le classe un peu comme un "touche à tout" puisque dans ses livres, et pas juste celui-ci, il aborde des aspects aussi bien sociologiques que psychologiques et neurologiques.

Ce livre est très dense très documenté avec une énorme quantité de références. C'est plus qu'un essai. Pour bien le lire, il faut prendre son temps. Même s'il s'agit d'un livre que se lit facilement, il faut se donner le temps de la réflexion tout au long de la lecture.
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Cinq étoiles ce n'est pas suffisant pour congratuler cet ouvrage d'utilité publique. Voici quelques temps que je le voyais en tête de gondole au Furet du nord et j'hésitais. Puis, j'ai sauté le pas.
Notre auteur débute son ouvrage sur notre temps de cerveau disponible. Ce temps de cerveau disponible a cru, notamment au cours du siècle écoulé, par le développement du progrès technique et donc de la robotisation de la société que ce soit sur le plan de la production industrielle mais aussi sur le plan de la vie domestique. Bilan, nous avons donc 5 heures par jour pour créer et faire sauter notre plafond civilisationnel. Mais voilà, encore faut-il que ce temps disponible soit utilisé à bon escient. L'amas d'informations à notre disposition notamment avec l'explosion des Data rend difficile le traitement des idées, leur hiérarchisation et ce d'autant plus que désormais nous sommes tous amenés à produire de l'information. LA tribune est libre. Notre cerveau penche désormais en faveur du gain rapide (adrénaline) plutôt que celui basé sur le plus long terme, celui de la pleine conscience et de l'analyse (sérotonine), en bref un cerveau quelque part préhistorique. Notre auteur reste toutefois optimiste. Il alerte sur les dérives et les risques mais ne veut pas sombrer dans le catastrophisme.
Cette critique est incomplète, tant l'ouvrage épouse un champ immense avec une précision au scalpel ... Ce bouquin foisonne de données empiriques, sociologiques, neuroscientifiques.
j'ai notamment gardé trace de ces éléments dans les citations.
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Un livre si dense et pertinent qu'il a squatté ma table de chevet fort longtemps... L'auteur y démontre que le flux d'informations accessibles en permanence a de quoi faire tourner toutes les têtes. Alors que les médias ne parviennent plus à assurer le rôle de régulateur et que la variété des modèles intellectuelles se livrent à une concurrence acharnée pour capter l'attention du public, nous sombrons dans un gloubi boulga indigeste.

Les croyances et pensées méthodiques s'affrontent et luttent pour retenir le peu de temps de cerveau disponible qui nous reste. La libre concurrence, de plus, a paradoxalement facilité les "produits de la crédulité", comme le montre l'omniprésence sur la toile des platistes, créationnistes, et, plus récemment, des anti-vaccins. Car qu'allons nous faire de ce surcroit de temps libre, permis par les progrès techniques, que nous octroie le monde contemporain ? Pas grand chose apparemment, tant nous sommes sollicités par des broutilles, des futilités rédigées par des "auteurs" qui savent nous manipuler et nous absorber.

La constante augmentation des informations, associée à la libération massive de disponibilités mentales, devrait pourtant permettre de nouvelles innovations. Cela est heureusement encore le cas mais nous constatons l'écueil caché sous cette profusion. La durée du sommeil est en régression dans le monde entier, au profit du temps accordé aux écrans. Les réseaux sociaux ont encore amplifié ce phénomène, constaté déjà du temps de la télévision. La concurrence des sollicitations cognitives numériques sont d'une autre mesure, puisque tout est visionnable à la demande, et que la toile est en constante activité.

Nous voyons ainsi apparaitre une nouvelle forme d'addiction, liée aux multiples sollicitions. Même les moments d'attente, les temps morts, sont absorbés par nos écrans de poche, sorte de "montres attentionnels" qui siphonnent notre attention. de fait s'installe une difficulté à vivre l'instant présent qui risque de devenir générationnelle. Une autre forme d'addiction, aux marques d'intérêt, se crée en parallèle ; perdus dans leur misère attentionnelle, certains deviennent dépendants aux formes de validation sociale. Toutes ces dérives sont le fruit de la rencontre entre les invariants profonds de notre espèce et les variables technologiques contemporaines.

La nature profonde de l'homme est en quelque sorte révélée par le marché, et voici le champ libre pour une désinformation débridée. Car la vérité coûte plus à défendre qu'à travestir, et surtout, elle ne se défend pas toute seule ! Dans cet ouvrage passionnant l'on croisera le fameux "effet cocktail" et les moins célèbres "effet pop-up" et "effet cobra", l'expérience du gorille invisible, la théorie des jeux et le dilemme du prisonnier. L'auteur s'appuie également sur l'histoire des médias, revenant sur la création des radios libres, l'essor de la télévision et même l'émission top 50.
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C'est un essai absolument passionnant qui s'articule autour de plusieurs axes.
D'abord notre génération dispose de bien plus de temps libre que nos predecesseurs. L'auteur appelle cela le temps de cerveau disponible. Et la question qui se pose est : qu'en faisons-nous? Comment le met-on à profit?
D'autre part c'est une analyse de notre comportement, de nos tendances, et de comment de nombreuses personnes tentent d'en tirer profit, souvent avec des intentions peu louables.
Et sur ces bases comment se dessine notre évolution?
Ça nous interroge. C'est très documenté, pas toujours très optimiste sans pour autant verser dans le fatalisme. En tous cas un excellent moyen d'occuper notre temps de cerveau disponible.
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Les progrès de la science et de la technique ont libéré l'être humain de beaucoup de tâches manuelles et intellectuelles qui monopolisaient son attention quotidiennement. La durée du travail a diminué et les activités domestiques bénéficient des progrès de l'électroménager.
Le temps ainsi libéré associé à la fluidité de la circulation de l'information a-t-il permis de faire de la prédiction de Jean Perrin une réalité ?

« Rapidement, peut-être seulement dans quelques décades, si nous consentons au léger sacrifice nécessaire, les hommes libérés par la science vivront joyeux et sains, développés jusqu'aux limites de ce que peut donner leur cerveau… Ce sera un Éden qu'il faut situer dans l'avenir au lieu de l'imaginer dans un passé qui fut misérable. » ( Jean Perrin)

C'est le sujet de « L'apocalypse cognitive ».

L'homme dispose maintenant de beaucoup plus de temps pour réfléchir, inventer apprendre et contribuer au progrès de l'humanité, mais qu'en est-il réellement ?

Ce temps n'est-il pas gaspillé sous l'effet des capteurs ou plutôt « kidnappeur » d'attention qui nous harcèlent lors de nos recherches en ligne.

Gérald Bronner nous fait voyager dans ce nouvel univers de la connaissance où la vérité est battue en brèche par les « fakenews » et où on nous délivre une information sur mesure pour retenir notre attention et mieux nous influencer par des messages ciblés.

L'ouvrage est bien documenté avec des exemples tirés de l'actualité récente et des références à des théories et expérience sur le comportement.

J'ai trouvé ce livre passionnant de bout en bout.
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Dans son essai Apocalypse cognitive, le sociologue Gérald Bronner analyse les effets de la révolution numérique sur notre rapport au savoir et à la vérité. Il montre comment l'abondance d'informations et le temps libre dont nous disposons nous exposent à des biais cognitifs, des conflits idéologiques et des manipulations mentales. Il alerte sur les risques d'une fragmentation sociale et d'une perte de confiance dans la science et la raison. Il propose des pistes pour renforcer notre esprit critique et notre vigilance épistémique face aux écrans qui envahissent notre quotidien.
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