Elle revint quelques instants plus tard, portant un plateau garni de deux tasses fumantes et de leur péché mignon : des éclairs au chocolat.
– Tu es sûre de vouloir porter cette tenue ? s’enquit son amie en désignant du menton sa robe, suspendue à un cintre.
– Elle est parfaite pour la circonstance, lui répondit-elle patiemment.
– C’était avant que tu commences à travailler avec Adam, glissa malicieusement Sophia avant de mordre avec gourmandise dans sa pâtisserie.
– Ça ne changera rien à ma façon de me comporter avec lui.
– Si tu veux avoir ta promotion, il va falloir lui en mettre plein la vue à ton Adam, déclara-t-elle avec un clin d’œil.
– Je me contenterai de l’éblouir avec mes talents artistiques, répliqua Rachel en riant.
Sophia secoua la tête d’un air désespéré :
– Tu devrais profiter de la soirée pour apprendre à mieux le connaître, l’encouragea son amie.
Son cœur s’accéléra à l’idée d’une certaine proximité avec son futur patron. Rachel repensa à leur conversation ; Adam lui avait clairement déclaré son hostilité. Elle se leva brusquement comme si elle cherchait à se libérer de la tension qu’elle sentait s’accumuler en elle.
– En avant ma vieille, on a encore beaucoup de boulot pour nous rendre présentables ! déclara-t-elle vivement, préférant couper court à la discussion.
Voyant qu’elle n’entrerait pas dans son jeu, Valérie décida d’aller droit au but :
– Alors, il paraît que vous allez travailler sous les ordres d’Adam ?
– C’est exact… Je vais travailler avec Adam, corrigea-t-elle sèchement.
Valérie posa ses longs doigts fins, superbement manucurés, sur son bras et lui dit d’un ton qu’elle voulut charmeur :
– Ma chère Rachel, je connais très bien Adam et son caractère emporté. Aussi, je veux que vous sachiez que s’il cherche à vous faire des misères, n’hésitez pas à venir m’en parler, je me ferai un plaisir d’aller le sermonner.
– Dommage que vous ne soyez pas à ma place, toutes ces connaissances vous auraient été particulièrement utiles.
Elle eut le plaisir de voir le visage de Valérie se durcir subitement, et pour enfoncer le clou elle enchaîna :
– Mais j’ai dans l’habitude de toujours écouter les conseils de mes aînés, aussi je n’hésiterai pas à aller voir Paul si je rencontre le moindre problème.
Et toc, se dit-elle en tournant les talons. Elle songea qu’elle n’aurait peut-être pas dû aller aussi loin, mais elle se sentait bien mieux d’avoir pu vider son sac.
Rachel le regarda droit dans les yeux et se décida à attaquer la première :
– Pour commencer, Adam, si j’arrive à me rappeler de votre prénom, je suis sûre que vous pourrez faire de même avec le mien. R-A-C-H-E-L, ce n’est quand même pas si compliqué à retenir… Même pour quelqu’un comme vous, ajouta-t-elle avec une pointe de sarcasme.
Consciente de l’attention qu’il lui portait, elle poursuivit :
– Je voudrais également que vous me traitiez avec un minimum de respect, vous comme moi sommes obligés de travailler ensemble, soit. N’êtes-vous pas capable d’un semblant de maturité ? Si j’ai bien compris, il va vous falloir changer d’attitude pour arriver à vos fins ?
À ces mots, Adam sembla sur le point d’exploser, mais son expression se radoucit tout à coup :
– Rachel, souffla-t-il lentement et de façon si sensuelle qu’elle sentit des frissons lui parcourir le dos, joli prénom, mais je préfère Boucle d’Or…, assura-t-il tout en saisissant une boucle de ses cheveux. Ça vous va tellement mieux…
Il semblait avoir renoncé à l’intimider, croyant sans doute que son charme légendaire suffirait à lui imposer sa volonté.
– Peu importe le nom que vous me donnerez, surtout, ne me sous-estimez pas, l’interrompit-elle, décidée à ne pas céder à son petit jeu de séduction
– Je vous préviens, je ne sais pas très bien danser, s’excusa-t-elle, cherchant à cacher sa gêne.
– C’est étrange, murmura Adam dans ses cheveux, j’ai toujours trouvé que chacun de vos gestes avait la grâce d’une danseuse.
Elle sentit que son cœur manquait un battement. Adam avait le don de la surprendre avec ses déclarations aussi imprévisibles que troublantes. Se moquait-il d’elle ? Sans s’en rendre compte, elle avait marqué un temps de pause, il s’écarta alors légèrement d’elle, la regarda et lui sourit gentiment.
– Nous aurons tout le temps de nous chamailler dans les jours à venir, tâchons de profiter de l’instant présent.
Au cours de ses quarante ans de carrière, Jeannette avait dû connaître bien des situations difficiles, aussi affichait-elle une apparente froideur. Rachel, avec sa sensibilité habituelle, avait su déceler sous ses airs durs et sévères une profonde gentillesse, et elle ne s’était pas trompée. Jeannette était devenue une précieuse alliée dans le combat que menait sa mère contre le cancer. Elle ne l’autorisait pas à s’apitoyer sur son sort et l’obligeait à se battre à longueur de journée.