Dans ce bar de Marseille, après quelques verres de vodka, angoisse et ivresse se mêlent chez
Vanda. La vue de Simon, parti depuis sept ans faire sa vie à Paris, la ramène à cette réalité : Simon va sûrement découvrir l'existence de son fils, le petit Noé, et faire éclater la bulle protectrice que
Vanda a construite, à sa manière, autour de leur binôme fusionnel.
Le petit Noé dort dans la vieille Renault, alors que sa mère s'enivre et se fait draguer. Ils rejoignent ensuite tous deux leur univers : un cabanon borgne sur la plage, le sable sous leurs pas et l'odeur de la mer.
Vanda, sa vie précaire et déréglée, ses emportements, ses regrets et son amour animal et maladroit pour son petit Bulot.
Vanda qui noie sa rage dans l'eau glacée, face à son inaptitude à être toujours une mère douce.
Vanda, l'explosive et l'inconsciente, que l'on a pourtant du mal à juger. L'auteure a réussi, inexplicablement, à tirer de moi de l'empathie pour un personnage que j'aurais jugé condamnable en toute autre circonstance.
L'intimité très poussée entre la mère et l'enfant est là, réciproque, percutant chaque chapitre. Elle prend une place prépondérante mais ne peut être la seule à occuper ces deux vies indissociables. Elle baigne dans l'actualité sociale, la précarité de l'emploi et le méli-mélo des revendications qui se déversent dans la rue lors des manifestations des gilets jaunes. Avec ses missions de ménages dans un hôpital psychiatrique,
Vanda est une « jetable » parmi tant d'autres.
Simon et
Vanda, chacun à leur manière, reflètent les séquelles de l'absence de père dans leurs existences. C'est alors tout un ensemble de relations parentales cabossées que l'auteure évoque.
Avec le retour de Simon à Marseille, c'est également deux mondes qui se font face, celui de la vie parisienne et celui Méditerranéen qui ont du mal à cohabiter. Simon se heurte à la vie qui avance. Et pourtant, les années sont là et le passage de la jeunesse à l'âge adulte demeure difficile.
Ce roman frappe par son actualité, par sa réalité sociale mais surtout par la puissance que
Marion Brunet a su développer pour nous faire ressentir le désespoir et les efforts que
Vanda déploie pour se fondre avec Noé, pour consolider ce mur de solitude à deux, contre les autres, contre le monde actuel qu'elle pressent proche de sa fin.
Il nous parle de la place de l'enfant, difficile parfois, mais si belle, si importante, si viscérale, si instinctive.
Tolérées dans les dialogues, je déplore toutefois les vulgarités gangrenant la narration qui est pourtant vivante, spontanée, parfois belle et émouvante. Je les ai ressenties comme une pollution un peu trop présente qui a entaché mon plaisir de lecture.
Mais une fois le livre fermé, cette déception s'estompe un peu et je préfère garder en mémoire le bleu et le petit Noé, sources de vie et de lumière pour l'impétueuse
Vanda.
Merci à l'auteure, aux éditions Albin Michel et à Babelio.