Ce tome est le premier de la série Detective Comics, débutée après une remise à zéro partielle des séries mensuelles de DC en 2016, opération intitulée Rebirth. Il comprend les épisodes 934 à 940, initialement parus en 2016 à un rythme bimensuel, écrits par
James Tynion IV.
Eddy Barrows a dessiné les épisodes 934, 935, 939 et 940, avec un encrage d'Eber Ferreira, et une mise en couleurs d'
Adriano Lucas. Alvaro Martinez a dessiné les épisodes 936 à 938, avec un encrage de Raul Fernandez et une mise en couleurs de Brad Anderson.
Il y a 2 jours, quelque part à Gotham, Azrael (Jean-Paul Valley) est poursuivi par une silhouette qui ressemble en tout point à celle de Batman. Il se fait rattraper, et l'individu habillé en chauve-souris le tabasse au point de l'envoyer à l'hôpital pour plusieurs semaines. C'est le vrai Batman qui trouve Azrael à peine conscient et salement amoché, là où l'a laissé son assaillant. Au temps présent, Batwoman (Kate Kane) rentre chez elle en se balançant d'immeuble en immeuble, tout en menant une conversation avec son père Jacob Kane. Rentrée chez elle, elle découvre que Batman se tient dans son salon. Il lui explique qu'un groupe clandestin observe les faits et gestes des superhéros portant le symbole de la chauve-souris sur leur costume, par le biais de drones. Il a une proposition à lui faire : elle doit assembler une équipe de jeunes superhéros pour les former et l'aider quand le besoin s'en fait sentir. Kate Kane accepte.
Batman et Batwoman procèdent ensemble au recrutement : Red Robin (Tim Drake) et Spoiler (Stephanie Brown) pour commencer, puis Orphan (Cassandra Cain), et enfin Clayface (Basil Karlo (choix des plus curieux puisqu'il ne porte pas l'emblème de la chauve-souris, et qu'en plus il s'agit d'un supercriminel). Il appartient donc à Batwoman de former ces recrues et de les faire intervenir en tant qu'équipe. Tim Drake leur a préparé une base d'opérations qu'il appelle le Beffroi, en plein coeur de Gotham. Ils prennent petit à petit conscience qu'ils doivent affronter un groupe d'agents se faisant appeler la colonie. de son côté, Kate Kane doit supporter la pression de Batman en tant que Batwoman, et de son père Jacob Kane dans le civil.
En 2016, les responsables éditoriaux DC décident de redonner un coup de fouet à l'ensemble de leur gamme de comics, en redémarrant toutes les séries avec un nouveau numéro 1, et pour les plus importantes un numéro Rebirth, ou pour d'autres encore, un retour à l'ancienne numérotation (épisode 957 pour Action Comics, épisode 934 pour Detecive Comics). Les annonces éditoriales manquent un peu de lisibilité, car elles parlent à la fois de retour à des concepts datant d'avant New 52, mais aussi de conserver certaines versions de personnages New 52. La série Detective Comics paraît concomitamment à celle de Batman Rebirth Tome 1 écrite par
Tom King, et indépendamment des histoires qui s'y déroulent. le lecteur détecte effectivement un mélange entre des éléments de la continuité d'avant 2011, et d'après New 52. Il ne lui reste plus qu'à apprécier l'histoire pour ce qu'elle vaut sans trop s'arcbouter à une continuité ou à une autre.
A priori le lecteur ne voit pas trop ce qui pourrait l'attirer dans cette série. Par tradition, Batman est un justicier solitaire (en faisant abstraction d'Alfred Pennyworth, et des Robin successifs) et pas trop un meneur d'équipe, même s'il y a eu des exceptions par le passé comme The Outsiders de
Mike W. Barr &
Jim Aparo. En outre la couverture révèle composition de l'équipe, et le lecteur se demande bien ce que Clayface vient faire dans cette histoire. Enfin,
James Tynion IV a été la roue de secours et l'arpète de
Scott Snyder lors de l'ère New 52, sans réussir à sortir de l'ombre de son mentor, sans réussir à écrire des histoires mémorables pour Batman. En feuilletant rapidement ce tome, le lecteur peut apprécier les dessins très précis d'
Eddy Barrows, et un tout petit peu moins denses d'Alvaro Martinez. Les dessinateurs oeuvrent dans un registre descriptif à tendance réaliste. Ils respectent les conventions visuelles des récits de superhéros, à commencer par les personnages bodybuildés, en veillant toutefois à représenter les superhéros plus jeunes, avec une morphologie moins massive. L'un comme l'autre se tient à l'écart des cadrages trop racoleurs sur la plastiques des superhéroïnes, les traitant comme les superhéros mâles, sans en faire des objets du désir pour titiller le lectorat masculin.
L'un comme l'autre prend soin de représenter les décors dans plus de 80% des cases, ce qui est une proportion très élevée dans un comics de superhéros. le lecteur peut ainsi se projeter dans la nef de l'église où Azrael se prend une peignée, dans le coin cuisine de l'appartement de Kate Kane, dans la salle de cinéma où Clayface est en train de regarder un vieux film, dans la pièce principale du Beffroi avec sa hauteur sous plafond monumentale, etc. Les différents endroits sont souvent décrits de manière à être spectaculaires, sans grand souci d'en donner plusieurs vues cohérentes entre elles, mais avec un degré de finition appréciable. La scène d'ouverture capte immédiatement l'attention du lecteur, avec la peur visible dans le comportement d'Azrael, le découpage très vivant, et le travail sophistiqué sur les couleurs. le rendu du costume de Batwoman bénéficie du même degré de sophistication pour sa mise en couleurs. le lecteur est à nouveau subjugué par les compositions chromatiques lors de l'apparition du vaisseau de l'organisation ARGUS dans le ciel, ou quand Red Robin doit soutenir le feu nourri de centaines de drones. La mise en couleurs de Brad Anderson est un peu moins intense que celle d'
Adriano Lucas, tout en faisant bon usage des effets spéciaux de l'infographie.
Eddy Barrows et Alvaro Martinez utilisent avec une maîtrise les conventions visuelles propres aux récits de superhéros, que ce soit les acrobaties des personnages, ou l'utilisation de leurs superpouvoirs. Batman est massif et ténébreux à souhait. Batwoman est plus mercuriale. Orphan est la plus mystérieuse, alors que Red Robin et Spoiler sont plus ouverts. Tout du long de ces 7 épisodes, le lecteur apprécie les moments de bravoure : Azrael ne pouvant pas échapper aux flammes, Kate Kane faisant face à Batman sans sourciller (avec un jeu d'acteur très juste), le désarroi qui se lit dans les gestes maladroits de Clayface, les postures droites et militaires de Jacob Kane, la séquence d'infiltration dans la base de la colonie, l'envol massif des drones, le comportement admiratif d'Ulysses Hadrian Armstrong en présence de Batman, la mise en scène de l'affrontement de Red Robin contre une myriade de drones, le poster de la couverture de Dark Knight Returns punaisé sur un mur, etc.
Eddy Barrows et Alavaro Martinez ne révolutionnent pas la mise en images des aventures de superhéros, mais ils font preuve de leur maîtrise des conventions visuelles du genre, et d'une intelligence spatiale pour le placement d'autant de personnages.
Une fois racontée la constitution de l'équipe avec l'inclusion très déconcertante de Clayface, le scénariste passe à la révélation progressive de la nature de l'ennemi et aux relations entre les membres de l'équipe. Avant même d'entamer sa lecture, le lecteur a conscience des contraintes qui pèsent sur l'auteur : il doit mettre en scène des personnages qui apparaissent dans d'autres séries, et il ne peut pas leur apporter de changement durable. de même, il peut piocher dans le catalogue d'ennemis des superhéros de l'équipe (mais sans pouvoir les changer) ou en inventer un nouveau qui aura une espérance de vie limitée à l'histoire en cours. Il choisit la deuxième option, en évitant les 2 poncifs que sont les robots tueurs et les extraterrestres, mais en introduisant encore une nouvelle organisation secrète à Gotham, dont personne n'a jamais entendu parler, malgré la densité de détectives au mètre carré dans cette ville. Il se montre beaucoup plus habile dans la montée en puissance des affrontements entre les Batmen et la Colonie.
James Tynion se montre beaucoup plus convaincant pour insuffler de la vie dans ses personnages, et faire ressortir leur histoire personnelle sans qu'elle ne devienne envahissante. Si le lecteur dispose déjà d'un peu d'intérêt pour Cassandra Cain, il retrouve dans ses brèves apparitions ses principales caractéristiques, telles qu'établies par
Kelley Puckett et
Scott Peterson dans sa série des années 2000
Batgirl Vol. 1: Silent Knight. Il en va de même pour Clayface, un peu moins pour Stephanie Brown qui ne dispose pas de beaucoup de dialogues. Il retrouve les liens particuliers qui existent entre Kate Kane et son père Jacob. Dans une série d'équipe comme celle-là, le scénariste ne dispose pas de beaucoup de latitude pour faire exister ses personnages, et là il trouve le bon dosage entre leur histoire personnelle (sans en devenir abscons pour autant), leurs interactions (pour montrer que les personnages ne sont pas interchangeables) et leurs utilisations de pouvoirs ou de capacités.
Avec la période Rebirth, le lecteur a comme d'habitude un choix pléthorique pour suivre les aventures de superhéros portant l'insigne de la chauve-souris. La série Batman de
Tom King est passionnante, mais assez exigeante. Cette série d'équipe est beaucoup plus directe, et très bien ficelée, à la fois pour la progression dramatique, et pour les dessins. C'est un très bon démarrage qui nécessite encore un ennemi moins générique et un petit peu moins de clichés.