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Citations sur Souvenirs d'un pas grand-chose (103)

Il reversa une tournée, que nous avalâmes.
L'éventreur se leva, alla jusqu'à la porte du fond, l'ouvrit et regarda la nuit.
- Hé! l’Éventreur, mais qu'est-ce que tu glandes? lui demanda le puant.
-J'regarde voir si c'est pleine lune.
- Ah! ouais?et alors?
Il n'y eut pas de réponse.Tous, nous l’entendîmes s’effondrer dans l'encadrement de la porte, dégringoler les marches et disparaître dans les buissons. Nous l'y laissâmes.
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La route que j'avais devant moi, j'aurais presque pu la voir.J'étais pauvre et j'allais le rester.L'argent, je n 'en avais pas particulièrement envie. Je ne savais pas ce que je voulais. Si, je le savais. Je voulais trouver un endroit où me cacher, un endroit où il n'était pas obligatoire de faire quoi que ce soit. L'idée d'être quelque chose m'atterrait. Pire, elle me donnait envie de vomir. Devenir avocat, conseiller, ingénieur, ou quelque chose d'approchant me semblait impossible. Se marier, avoir des enfants, se faire coincer dans une structure familiale, aller au bout tous les jours et en revenir, non. Tout cela était impossible. Faire des trucs, des trucs simples, prendre part à un pique-nique en famille, être là pour Noel, pour la fête des mères, pour la Fête nationale, pour...les gens ne naissaient-ils donc que pour supporter ce genre de choses et puis mourir? Mieux valait être plongeur dans un restaurant, se rentrer chez soi dans une chambre minuscule et, seul, s'y endormir en se soûlant.
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-Ben, dit ma mère, tu devrais pas fumer. Ça va te tuer.
-J'ai eu une chouette vie, dit mon oncle.
-Chouette vie, que dalle! dit mon père. Mentir, picoler, emprunter à droite, à gauche, aller avec les putes et se soûler la gueule, tu parles d'une vie! Ta vie? Mais t'y as pas travaillé un seul jour! Et maintenant, voilà qu'on crève! A vingt-quatre ans!
- Moi,j'ai trouvé ça bien, dit mon oncle.
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Il était intellectuellement très en vogue et très comme il faut de vouloir se lancer en guerre contre l'Allemagne, cela afin d'enrayer l'extension du fascisme. Je n'avais, moi, aucun désir d'aller faire la guerre pour sauvegarder l'existence que je menais ou un quelconque avenir qui aurait pu m'appartenir. La liberté ? Je n'en avais pas. Je n'avais même rien du tout. A supposer que Hitler arrive dans le coin, qui sais si je ne me trouverais pas un peu plus de cul de temps en temps et n'aurais pas plus de dix dollars d'allocations hebdomadaires ? Pour autant que je pouvais en juger, je n'avais rien à défendre. En plus, le fait que j'étais né en Allemagne me poussait à être naturellement loyal envers ce pays : je détestais qu'on prenne le peuple et la nation allemande pour une bande d'idiots et de monstres. Aux actualités, les projectionnistes accéléraient le défilement des images pour transformer Hitler et Mussolini en clowns, voire en forcenés. En outre, tous les assistants étaient anti-allemands, il m'était personnellement impossible d'être jamais d'accord avec eux. Par pure aliénation et penchant naturel à la contradiction, je décidai d'embrasser le point de vue adverse. Je n'avais pas lu Mein Kampf et n'avais aucune envie de le faire. Pour moi, Hitler n'était jamais qu'un dictateur de plus, sauf qu'au lieu de me faire la morale à table, lui, ce serait à peu près sûrement la tête ou les couilles qu'il m'arracherait si je partais en guerre contre lui.
Parfois, lorsque les assistants n'en finissaient pas de blablater sur la véritable plaie qu'étaient le fascisme et le nazisme (le terme de "nazi", nous enseignait-on, devait toujours s'écrire avec un "n" minuscule, même en début de phrase), je bondissais et lâchais quelque chose que je venais d'inventer :

"La race humaine ne saurait survivre sans en passer par la responsabilité sélective !"

En d'autres termes : attention avec qui vous couchez - sauf que ça, il n'y avait que moi qui le savais. Ça débectait tout le monde. Je ne sais même plus où j'allais chercher tout ça :

"Un des échecs de la démocratie vient de ce que le suffrage universel amène obligatoirement au choix d'un chef commun qui, alors, n'a plus qu'une envie : forcer tout le monde à mener une existence d'un prévisible et d'un mou absolus !"

Les juifs et les Noirs, j'évitais d'en parler ouvertement : ils ne m'avaient jamais rien fait. Mes ennuis m'étaient toujours venus des Blancs avec de la fortune. Ce qui fait que j'étais nazi ni par choix délibéré ni par inclination naturelle ; c'étaient les professeurs qui, parce qu'ils parlaient et pensaient tous uniment - et avaient des préjugés anti-allemands - me forçaient à l'être. J'avais lu quelque part qu'à ne pas croire vraiment à la cause qu'on épousait, qu'à ne pas la comprendre même, on arrivait Dieu sait comment à se montrer plus convaincant : j'avais là un avantage considérable sur mes profs.
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Un jour, Mlle Ackerman me dit ceci :

"Henry, aujourd'hui, c'est ta dernière scéance. Tu vas me manquer.
- Allez, lui répondis-je, arrêtez de me faire marcher. Je vais vous manquer à peu près autant que moi, je vais regretter c'te connerie d'aiguille électrique !"

Sauf qu'elle resta très bizarre ce jour-là. elle avait de grands yeux mouillés. Je l'entendis se moucher. J'entendis aussi une des infirmières lui demander :

"Mais dis, Janice, qu'est-ce qu'il y a qui ne va pas ?
- rien, rien. Non, tout va bien."

Pauvre Mlle Ackerman. J'avais quinze ans et étais amoureux d'elle mais j'étais aussi couvert de furoncles et ça, ni l'un ni l'autre n'y pouvions rien.

" Bon, bon, fit-elle, on attaque la dernière séance de rayon ultraviolets. Allonge-toi sur le ventre.
- Je sais votre prénom, lui dis-je, c'est Janice. Même que c'est très joli. Ca vous va très bien.
- Ma tu vas te taire, ouais", fit-elle.

Je la revis encore une fois, au moment où la minuterie se déclencha. Je me tournai sur le ventre, Janice remit la machine en route, et s'en alla. Je ne devais plus jamais la revoir.
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C'était comme si j'étais revenu à la Grammar School. Rassemblés autour de moi, il y avait les faibles au lieu des forts, les laids au lieu des beaux, les perdants au lieu des gagnants. On aurait dit qu'il était de mon destin de faire tout le voyage en leur compagnie. Cela ne m'inquiétait pourtant pas autant que le fait que tous ces idiots sans éclat semblaient me trouver irrésistible. J'avais tout de l'étron qui attire les mouches plutôt que de la fleur qui fait venir les abeilles et les papillons.
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Tourgueniev était un mec très sérieux mais qui arrivait à me faire rire parce qu'une vérité sur laquelle on tombe pour la première fois, c'est souvent très amusant. Quand en plus la vérité du monsieur est la même que la vôtre et qu'il vous donne l'impression d'être en train de la dire à votre place, ça devient génial.
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Quant à dire à mon père qu'il allait falloir que j'aille voir le président Hoover, il n'en était même pas question. Ce qui fait que je n'y allai pas. Et que le dimanche je pris quelques feuilles de papier et me mis en devoir de raconter comment j'avais vu notre président. Sa voiture découverte, toute couverte de banderoles qui flottaient au vent, était entrée dans le stade. Une autre voiture, pleine d'agents des services secrets, la précédait et deux
autres encore la suivaient au plus près. Les agents secrets étaient des hommes courageux qui portaient des pistolets pour protéger notre président. Tout le monde se leva lorsque sa voiture entra dans l'arène. Il ne s'était encore jamais rien passé de pareil. Oui, c'était le président ! Oui, c'était bien lui ! Il nous fit des signes de la main. Nous l'acclamâmes. Un orchestre joua. Des mouettes s'étaient mises à décrire des cercles au dessus de nous comme si elles savaient que le président était là. Ne pas oublier les avions qui écrivaient des choses dans le ciel. Des choses comme : "La prospérité est au coin de la rue." Et le président se mit debout dans sa voiture : aussitôt les nuages s'écartèrent et un rayon de soleil lui tomba sur le visage. C'était presque comme si Dieu, lui aussi, savait. Et puis le cortège s'arrêta et, entouré par ses agents secrets, notre grand président gagna le podium. Au moment où il prenait place derrière le microphone, un oiseau vint se pencher sur le podium à ses côtés. Le président lui fit un signe de la main et rit : alors nous rîmes tous avec lui. Et puis il se mit à parler et les gens écoutèrent. Je n'arrivais pas très bien à entendre ce qu'il disait parce que j'étais assis à côté d'une machine à pop-corn qui faisait beaucoup de bruit. Néanmoins je croyais bien l'avoir entendu déclarer que la situation en Mandchourie n'était pas très grave et qu'ici tout allait s'arranger : inutile de se faire du souci. Il suffisait d'avoir foi en l'Amérique. Du travail, il y en aurait assez pour tout le monde. Des dentistes, il y en aurait assez et des dents, ils en auraient assez à arracher. Et des incendies aussi, il y en aurait assez : avec assez de pompiers pour les éteindre. Les usines allaient rouvrir. Nos amis d'Amérique du Sud allaient rembourser leurs dettes. Bientôt, le ventre et le coeur pleins, nous serions en mesure de dormir en paix. Dieu et notre grand pays allaient nous entourer d'amour et nous protéger du mal, des socialistes, nous sortir de notre cauchemar national, pour toujours...
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Boire était la seule chose qui permettait de ne pas se sentir à jamais perdu et inutile. Tout le reste n'était qu'ennuis qui ne cessaient de vous démolir petit à petit. Sans compter, qu’il n'y avait rien, mais alors ce qui s'appelle rien d'intéressant dans l'existence. Les gens étaient prudents, les gens étaient tous pareils. ... J'allumai une cigarette et continuai de descendre la colline. Etais-je donc la seule personne que cet avenir bouché rendait fou?
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La structure familiale. La victoire sur l'adversité par la famille. Il y croyait. On prenait la famille, ont mélangeait avec Dieu et la Patrie, on y ajoutait la journée de dix heures et ça y était : on n'avait plus besoin de rien.
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