Cher Hank,
Votre dernière escale dans le roman m'a été un rare plaisir... Une de ces jouissance particulière que l'on ne trouve que dans ces romans noirs confectionnés à l'ancienne!
Vous arrivez quasiment au niveau de mon mètre étalon qui se trouve être
Un privé à Babylone de Richard Brautigan! C'est vous dire.
Vous sublimez l'archétype du privé américain, sauce côte ouest, en l'épiçant de filles toujours plus sublimes et inatteignables et de beuveries incessantes.
Votre galerie de personnages grotesques, improbables, cruels et pitoyables est proprement phénoménale... Et le Louis-Ferdinand Céline pas mort comme tout le monde mais convoité par la grande faucheuse, n'est pas la moindre de ces figures!
Belane, votre héros fripé fait de son mieux pour résoudre plusieurs enquêtes en même temps... Parviendra-t-il à trouver les solutions?... En tout cas, l'apothéose finale de Pulp est l'une des plus belle qu'il m'ait été donné de lire. C'est...somptueux.
Gérard Guégan, qui a traduit Pulp, s'est fendu d'une fort intéressante postface dans laquelle il raconte votre trip européen et donne un aperçu de votre personnalité difficilement fréquentable... indissociable de votre génie particulier.
Par chance, Hank, il me reste la majeure partie de votre oeuvre à parcourir.
La fête n'est donc pas terminée pour le lecteur que je suis et qui vous découvrit avec Les contes de la folie ordinaire.
Hi, Hank et bien à vous,
Horusfonck
« - Qu'y a-t-il de si affreux sur cette.. Terre ?
- Chacune de ses composantes. le smog, par exemple, mais aussi son taux de criminalité, l'air empoisonné, les eaux polluées, la nourriture cancérigène... Mais encore la haine, le désespoir... (...) Ça m'attriste, mais ça m'explique aussi pourquoi tu bois tant.
- Brillante analyse, Jeannie. Et encore tu oublies nos centrales nucléaires !
- C'est vrai. En définitive, vous n'avez pas su vous arrêtez à temps, vous avez creusé votre propre tombe. »
Ce mec était un génie. J'aime son écriture, ses pensées et son humour. Je me suis régalée avec cette lecture. On croit que ça part dans tous les sens mais non. Pas du tout. Il dit ce qu'il veut nous dire et nous fait passer un bon moment en sa compagnie. Au quotidien, ça devait pas être facile, mais en concentré dans un bouquin, quel bonheur. Moi j'adore cet humour grincheux, grinçant et plein de dérision.
« Regardons les choses en face : j'étais assis entre l'Espace et la Mort. Qui portaient jupes moulantes et hauts talons. Avais-je la moindre chance ? »
C'est Belane qui parle, l'homme sans nom. Mais bien évidemment Belane a un nom : Bukowski. Alors quand Belane reprend la Grande Faucheuse qui annonce « vous êtes un piètre philosophe », Bukowski s'amuse et lance « au contraire, je m'estime l'un des meilleurs. »
C'est l'histoire d'un détective, Belane qui doit résoudre plusieurs enquêtes :
« 1. Découvrir si Céline est Céline. (...).
2. Loger le Moineau Écarlate.
3. Vérifier si Cindy est bien en train d'entortiller Bass. Si oui, la coincer.
4. Débarrasser Grovers de la monstresse de l'espace. »
Tout un programme. Un privé qui se la joue comme au bon vieux temps, qui rencontre Céline (si si, l'écrivain – mouai, moi aussi je croyais qu'il était mort, mais bon... un petit coup de reveniez-y, ça fait toujours du bien). Bref, je disais : un privé qui se la joue comme dans les années Marlowe et qui vous entraîne avec des bookmakers et des Moineaux écarlates, moi je dis, vive la Grande Faucheuse ! Elle aussi elle y est dans son histoire. Normale, elle nous attend tous « homme, oiseau, ruminant, reptile, rongeur, insecte, poisson, tous, nous sommes logés à la même enseigne. Des morts à crédit. Et je vois mal comment y couper. »
« Oh, et puis merde, tapons-nous une vodka ! » en (re)lisant ce livre, vous en saurez autant que moi, sûrement plus même.
Je garde précieusement deux grandes pensées de Bukowski :
« Pouvoir encore enfiler ses chaussures chaque matin que Dieu fait, n'est-ce pas la plus grande des victoires ? »
« J'étais sorti d'un trou et je me préparais à finir dans un autre. »
Garçon, un autre s'il vous plait. Merde, il comprend rien celui-là. Oui, un double. Dans deux verres, que j'ai l'impression d'en avoir encore quand y en a plus.
Nick Belane détective privé, fauché, minable, alcoolique, solitaire, menacé d'expulsion par son propriétaire se voit proposer une mission étrange par la Grande Faucheuse, retrouver l'écrivain Céline qui ne serait pas mort à Meudon en 1961 !
Le lendemain, un autre client John Barton lui confie également une mission, retrouver le fameux moineau écarlate, mission alléchante car ce dernier lui propose une rente de 100 $
jusqu'à la fin de sa vie.
Quelques temps après Jack Bass homme blindé de thunes demande à Nick de surveiller sa femme Cindy qu'il soupçonne de s'envoyer en l'air avec un voire plusieurs mecs...
Les affaires reprennent pour notre détective mais au fil du temps, ces 3 enquêtes se rejoignent étrangement...
Sous couvert d'un roman policier, Bukowski se livre sous les traits de Nick Belane, un détective paumé qui revient sur sa vie, ses échecs mais c'est également un regard sur le sens de la vie et on comprend bien que ce cher Bukowski n'a jamais trouvé un sens à la sienne !
Dans « Pulp » nous retrouvons l'univers déjanté de l'auteur, tout y est, l'errance, l'alcool, le sexe, les femmes, les courses de chevaux...
Du bon Bukowski avec une plume fidèle à son style brut, direct, spontané, drôle un Bukowski qui ne cesse d'exprimer son cynisme et ses émotions avec beaucoup de sincérité.
Le dernier roman de Bukowski est un roman sur sa mort, comme un adieu...
Pulp est le dernier roman de Charles Bukowski. Et c'est bien un roman et non un recueil de chroniques et de nouvelles ou un récit autobiographique. Mais même s'il a abandonné Hank Chinaski, son personnage fétiche et alter-ego, pour Nick Belane, un « privé minable », Bukowski n'a pas laissé tomber pour autant ses thèmes fétiches : le sexe, l'alcool, les courses, les bars, les femmes et la « GDB », à ceci près qu'un autre thème – et pas des moindres – s'est invité ici : la mort. La mort qui planait aussi sur la vie de l'auteur – et il le savait certainement – puisqu'il est décédé peu de temps après la publication de Pulp. Mais Buko étant Buko, la mort prend ici les apparences d'une femme magnifique. Une femme… fatale, dira-t-on…
Pulp, c'est un prétexte. C'est un faux roman policier qui rassemble en fait les idées de Bukowski sur bien des sujets. Et ça part un peu dans tous les sens. On y croise donc la Grande Faucheuse – que Belane appelle « ma Reine », mais aussi des extraterrestres, des bandits et… des écrivains comme Céline, Dante ou John Fante. Nombreuses sont d'ailleurs les références à leurs écrits comme Mort à crédit, Voyage au bout de la nuit ou encore Demande à la poussière. Et c'est parfois très drôle. Mais j'ai trouvé que le côté tragique l'emportait largement sur l'humour (souvent noir d'ailleurs). La mort est notamment omniprésente dans ce roman, et pas seulement sous les traits de la magnifique jeune femme aux jambes interminables qui se fait appeler « Lady Death » et qui est à la recherche de Louis Ferdinand Céline. Elle l'est aussi dans les réflexions de Bukowski : « A l'évidence, si nous faisons semblant de remuer l'air, c'est pour tromper l'attente de la mort. » le personnage de Nick Belane est quant à lui tragi-comique : il est tellement « minable » qu'il en est touchant, émouvant.
Pulp a été pour moi une lecture divertissante mais aussi, et surtout, une lecture un peu philosophique. Bukowski a toujours partagé ses idées et tous ses livres sont pleins de ses réflexions sur la société et bien d'autres thèmes. Mais je les ai trouvées plus saisissantes ici. Peut-être parce qu'il s'agit d'un roman. En tout cas, il permet de comprendre un peu plus ce grand auteur qu'était Bukowski et de lui découvrir un autre style d'écriture.
Je tiens tout d'abord à remercier les éditions 10/18 et l'opération Masse critique qui m'a permis de découvrir le dernier roman de Bukowski.
« Dernier » signifiant ici, et le dernier titre sorti par l'auteur et son ultime chef-d'oeuvre puisque publié en 1994, juste avant sa mort.
Pulp, dédié « à la littérature de gare », suit le meilleur détective de L.A, Nicky Belane traquant à la fois l'auteur classique français Céline (oui, Louis-Ferdinand Destouches vit à LA) et un mystérieux Moineau écarlate.
« Pulp », c'est aussi l'abréviation de « pulp magazines » qui désignait les magazines populaires américains du début du XXe siècle qui publiaient indifféremment histoires à l'eau de rose, série Z, et polars.
Comme dans ces magazines, on retrouve dans cet ultime opus des nanas aux formes généreuses, des mecs qui se branlent tout le temps et des monstres de l'espace, le tout arrosé au whisky bon marché.
Bukowski/Belane tente un dernier pied de nez à son époque, dans un ultime face à face à la plus pulpeuse des garces : la Mort. Mais la fin est inéluctable. "Le vieux dégueulasse", comme il s'était lui-même baptisé, sera emporté par une leucémie tandis que son héros disparaîtra dans un tourbillon jaune pisseux.
Lire Pulp, c'est cette impression d'avoir en permanence la gueule de bois, avec des relents de mélanges douteux, la réalité dansant au-dessus des gogues un rouleau de PQ à la main, on a hâte que ça se termine tout en sachant qu'il n'y en aura plus.
Adieu et merci Chinaski.
Charles Bukowski, écrivain américain d'origine allemande est auteur ...