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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Coup de coeur absolu pour ce roman qui sous couvert de raconter l'histoire d'une famille guadeloupéenne sur deux générations, raconte aussi l'histoire de cette île des années 40 à nos jours.

Cette histoire placée sous d'autres cieux, pourrait être aussi la votre, celle d'enfants qui quittent le foyer parental pour aller à la ville, rêvant d'un meilleur avenir.
L'exode rural et le père qui ne comprend pas.
Ça pourrait ressembler aussi à la votre : celle d'enfants qui s'envolent pour la capitale, Paris, rêvant d'anonymat, de liberté, de culture.
Oui, mais voilà, Estelle-Sarah Bulle nous raconte celle d'une famille qui est certainement très largement inspirée de la sienne, les anecdotes émaillent ce récit comme autant de pépites, de diamants qui ont le goût de la vérité.
Beauté des mots, images venues d'ailleurs avec des insertions de créole, cette auteure saura vous emmener , dans le passé mais aussi au soleil, dans une Guadeloupe qui n'existe plus.
On est fin des années 40 et certains Antillais se souviennent encore des traces de fouet sur le dos de leurs parents…
On est fin des années 40, et Hilaire tombe amoureux d'Eulalie, une blanche. Ils auront trois enfants , des métis . Deux filles, Antoine et Lucinde et puis Petit-frère. C'est la fille de ce dernier qui rassemblera les souvenirs de cette fratrie pendant une dizaine d'années, et nous livrera ce récit.
Les hommes bien gentils mais en dessous de tout, les femmes un peu fofolles mais débrouillardes . Ceux qui avaient du bien et qui n'ont pas su le garder, ceux qui se retroussent leurs manches et qui vont chercher ailleurs ce qu'ils ne trouvent pas sous le soleil...
Sans bruit, et au delà de la famille Ezechiel, Estelle-Sarah Bulle parle aussi de l'histoire avec un grand H, de politique, d' incompétence politique, d'accaparation des richesses , de révolte de la jeunesse matée dans un bain de sang, de racisme .
Et j'ai refermé ce roman il y a quelques minutes , la tête pleine de réflexions diverses sur la famille, les barres d'immeubles, Paris, ce qu'on perd, ce qu'on gagne, le petit lopin de terre à avoir . La tête pleine d'images de 1940, de paysages qui n'existent plus, de mots créoles, de soleil et de personnes si résistantes .
Un roman réussi, c'est quand tu y penses encore, longtemps après …
Et j'ai refermé ces pages , le coeur un peu serré.
… ♫ le Coeur grenadine ♫


( Merci à Bookycooky et à son billet...)
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Quand nous parlons d'un coin perdu, il arrive que nous disions qu'il est seulement ravitaillé par les corbeaux… mais en Guadeloupe - Estelle-Sarah Bulle me l'a appris grâce au titre de son premier roman - on dit : « Cé la chyen ka japé pa ké », Là où les chiens aboient par la queue !

Ce titre ne laisse pas indifférent et attire logiquement l'attention sur un livre qu'il faut lire pour sortir un peu de notre hexagone. L'autrice, née en France, explore la vie dans cette île dont sa famille est originaire et que notre pays a réussi à conserver malgré les tentatives indépendantistes durement réprimées, bien évoquées au cours du roman, tentatives bien peu répercutées en métropole.
Ce coin perdu, c'est Morne-Galant où vit la famille Ezechiel dont nous suivons le cours au travers de la vie des trois enfants d'Hilaire et Eulalie : Apolonne que tout le monde appelle Antoine, Lucinde et Petit-Frère. C'est la fille de ce dernier qui recueille les détails de la vie de sa tante, Antoine, principalement mais les avis de Lucinde et de Petit-Frère sont très intéressants car ils apportent un autre point de vue.
Antoine – difficile de se faire à ce prénom pour une jeune fille de seize ans – quitte Morne-Galant, toute seule pour aller vivre à Pointe-à-Pitre. À sa nièce, elle raconte son enfance, le mariage de ses parents, la mort de sa mère en janvier 1947, et sa vie pleine de débrouillardise, de croyances religieuses et de superstitions.
De temps à autre, la nièce prend la parole : « Les jeunes Antillais nés à Sarcelles, La Courneuve, Villeurbanne ou dans les faubourgs de Pointe-à-Pitre et de Fort-de-France étaient à la fois mieux protégés et en butte aux mêmes difficultés que ceux issus de l'immigration africaine ou maghrébine. »
Cela mérite réflexion et c'est pour cela que j'ai aimé ce livre. Il m'a permis aussi de comprendre l'évolution d'une île où quelques Blancs, jaloux de leurs privilèges, exploitaient ou exploitent encore les richesses humaines et naturelles locales.
Antoine parle aussi de la période de l'Occupation, du régime de Vichy, des voyages faits par De Gaulle sur place, du béton qui s'impose et du travail qui se fait de plus en plus rare. Les expressions savoureuses ne manquent pas et nous devrions les adopter pour enrichir notre vocabulaire. J'ai aussi bien apprécié les phrases en créole que l'autrice n'a pas manqué de traduire pour aider à la compréhension pas toujours évidente.

Si Antoine est devenue un vraie Parisienne, elle est restée profondément marquée par la Guadeloupe et l'histoire de sa famille, une histoire bien racontée, décortiquée, analysée par une autrice qui a réussi un très bon premier roman.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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La lecture très enthousiaste d'un "premier roman" d'une camarade-libraire, Lisa, m'a immédiatement convaincue de l'acquérir. Je l'ai lu en une nuit... Je me suis embarquée pour les rives de la Guadeloupe, un territoire français, que je méconnais complètement, en dehors de la fréquentation d'une amie au lycée, qui en arrivait... le mot unique qui m'est resté: "Béké" !! Sinon l'ignorance la plus totale... et la plus affligeante...

Un premier roman très rythmé; un style enchanteur, coloré , contrasté comme l'île... avec des expressions très imagées ! Un vrai plaisir, de la joie en dépit de la gravité intrinsèque de l'Exil, des territoires colonisés...du racisme...des départs libérateurs... avec leurs lots de peines, de déracinement incontournables...!

Un personnage féminin central, né en France, une nièce va ressentir le besoin d'en savoir plus sur ses origines, sur l'histoire de sa famille antillaise et pour cela va interroger et écouter les récits ses deux tantes et son père... Ainsi , à travers les trois personnalités très différentes d'une fratrie, nous allons découvrir l'histoire des Antilles, de Point-à-Pitre...C'est plein de truculence, de rebondissements, de joies, de drames, de départs loin de la famille... Il y a aussi les grands-parents, Eléonore, la grand-mère, béké, qui a épousé avec difficulté Hilaire....antillais à la couleur sombre, au grand dam de la famille de la mariée.. !!!

J'ai choisi quelques extraits, parmi les plus significatifs ( mais j'en ai beaucoup soulignés...et je n'ai pas la moindre envie de vous lasser, avec trop de citations ! )

Un premier roman flamboyant, qui m'a appris de surcroît des éléments précieux de l'histoire de la Guadeloupe et des Antilles... Comme je l'ai déjà exprimé, en dépit de la gravité de certains sujets, il y a un amour de la vie, des gens... des couleurs, de la malice, des personnages féminins et masculins combattifs...toniques. Nous ne risquons pas d'oublier de sitôt la tante au plus fort caractère, [dite Antoine...] pleine d'idées, de courage et de vaillance, en plus d'être une femme libre et indépendante...
Mais chacun des personnages est attachant... Je les quitte , chacun, à regret, vraiment !!

Bravo et Merci à Estelle-Sarah Bulle pour ce très beau moment de lecture !


"Je suis restée plantée au milieu de la rue. En continuant d'approcher, il m'a lancé : " T'es Noire ou t'es Blanche , toi ? "
Je n'ai pas tout de suite compris ce qu'il voulait. "Qu'est-ce que tu veux que je te réponde ?" Il a répété sa question en tendant vers moi un doigt menaçant. Ma vie dépendait peut-être de ce que j'allais dire. Toutes ces histoires de négritude qu'on entendait , que Césaire et Senghor poétisaient admirablement et qui fascinaient les jeunes, ça m'avait toujours laissée indifférente. Je me considérais comme une femme, ça oui, et comme une guadeloupéenne, c'est-à-dire une sang-mélangé, comme eux tous, debout sur un confetti où tout le monde venait d'ailleurs et n'avait gardé qu'un peu de sang des Caraïbes, les tout premiers habitants. Ca m'éloignait définitivement de toute idée de grandeur et de pureté. Ma fierté, c'était le chemin que je menais dans la vie et que je ne devais qu'à moi-même. "(p. 234)


"Je n'étais pas née en Guadeloupe, je n'y venais, au mieux, qu'une fois tous les deux ans. Même si j'aimais profondément cette île, cette société créole, ma vie était ailleurs. Cela ne signifiait pas que rien ne m'avait été transmis de cette terre, au contraire. Je le sentais dans mon corps, dans mes mots, dans ma façon d'appréhender la diversité du monde." (p. 171)



"Tu vois, tout cela était mêlé et c'est ce que j'aimais profondément. Ce n'est pas comme ici à Paris, où la plupart des quartiers sont monocolores, sauf mon XVIIIe bien-aimé. Point-à-Pitre, c'était une pâte faite de toutes les étrangetés et de toutes les couleurs de peau; tu passais du bizarrement riche au banalement pauvre en allant de porte en porte." (p. 98)



"[à propos des jardins créoles...)
Antoine a souri à ma description.
"C'est ça. A la fois la pharmacie et le garde-manger des habitants des îles. Mais ce n'est pas que ça. Pourquoi tu crois que les hommes et les femmes se dépêchent d'aller dans leur jardin ? même ceux qui habitent l'en-ville, dès qu'ils peuvent se réserver un petit bout de terre hors des murs. Parce que dans le sol où tout pousse si facilement, on enterre nos soucis. Tous les tracas du jour. Et puis on dialogue avec les ancêtres, qui bêchaient la même terre avant nous.
Ce serait bien que tu aies ton jardin créole , toi aussi.
-Je ne vois pas où je pourrai avoir ça, Antoine (...)
-Où tu pourras.
(...)-Je pourrais l'avoir dans ma tête. Un beau fouillis vigoureux comme toi. (p. 283)"
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Là où les chiens aboient par la queue : habiter d ans un trou perdu, tellement perdu que même les chiens ont un comportement inhabituel.

Entre autobiographie et fiction, Estelle-Sarah Bulle nous raconte l'histoire de la Guadeloupe à travers une fratrie : Antoine l'aînée au caractère bien trempé, Lucinde la soeur cadette éternelle râleuse, et Petit-Frère calme et déterminé, de 1947 à aujourd'hui. Une fratrie qui a migré vers la métropole, Paris et sa banlieue.

Histoire des origines et du voyage vers la métropole, histoire des Antilles.
Une Guadeloupe rurale frappée de disparition.
Traversée des émeutes de 1967 et répression de la jeunesse.
Un roman qui interroge aussi sur la capacité d'adaptation, le racisme, les liens familiaux.


Très belle écriture poétique et imagée, mêlant français littéraire et créole. Un métissage réussi !
Un roman dynamique dû au découpage des chapitres, couvrant à tour de rôle l'intervention de chaque personnage.

Un grand roman plein d'émotions.
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Avec cette histoire familiale savoureuse, cette jeune auteure, pour son premier roman, fait surgir devant nous, par le pouvoir des mots, les couleurs, les odeurs, les saveurs et les sons des Antilles. La Guadeloupe, certes, mais aussi toute la Caraïbe avec les pérégrinations commerciales et sentimentales de la tante Antoine. A côté de cette explosion de sensations, Créteil, la banlieue et sa grisaille apparaît bien déprimante, c'est certain.

La forme utilisée comme une enquête mémorielle de la plus jeune à la recherche de ses racines, nous plonge dans une famille métissée aux multiples nuances de couleur de peau . A travers elle, se dévoile un peu la réalité historique et sociale particulière des Antilles françaises depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et le poids persistant de l'héritage de l'esclavage.

J'ai adoré tous les personnages, et l'humour léger pour évoquer les petits malheurs ou les roublardises du grand père Hilaire, les superstitions, la vierge Marie, les fantômes et les esprits des lieux. La langue est magnifique presque chantante, et intègre avec bonheur nombre d'expressions créoles pour une évocation parfois déchirante d'un monde qui aurait pu être meilleur, plus respectueux des hommes et de la nature. On comprend mieux les difficultés actuelles des Antilles avec ce récit .

J'aime beaucoup toute cette tendresse nostalgique qui fait de ce premier roman un pas essentiel pour son auteur. Elle partage son univers avec nous et c'est un très beau cadeau .
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Guadeloupe, Morne-Galant, un “nulle part” somnolent et poussiéreux où “cé la chyen ka japé pa ké” ("c'est là où les chiens aboient par la queue"). En 1947, Apollone, dite “Antoine”, de son “nom de savane” destiné à tromper les mauvais esprits, a 16 ans lorsqu'elle s'enfuit de cette “matrice dont (elle est) sortie comme le veau s'extirpe de sa mère : pattes en avant, prêt à mourir pour s'arracher aux flancs qui la retiennent”. Direction Pointe-à-Pitre puis Paris, 20 ans plus tard.

Antoine, c'est un peu une légende dans la famille : il faut dire qu'elle n'a rien d'ordinaire cette femme de très haute taille, indépendante, délurée, fière et dérangeante, qui parle aux anges et aux esprits et “qui n'avait jamais fait que suivre son désir en cultivant sans regret l'art de la catastrophe”. Elle intimide, elle impressionne, on la craint, on la respecte et on l'admire sans le lui dire. Pour la narratrice, sa nièce, qui renoue avec elle à Paris, bien des années plus tard, et qui a pour elle une affection profonde, Antoine est la mémoire vivante de la famille, du berceau des origines, là-bas, très loin, dans ces Antilles qui ont vu naître et grandir la lignée des Ezéchiel.

Alors, Antoine raconte. Dans son parlé chantant où roulent comme des pépites les mots créoles du pays ressurgi, elle raconte à sa nièce en quête d'identité sa vie de petite fille à Morne-Galant où elle s'est construite vaille que vaille et a poussé comme une herbe folle, son adolescence dévorée de rêves, de tristesse et d'ennui, la fratrie sur laquelle elle a régné sans partage, la fuite, les combats, le courage et la débrouillardise pour trouver sa place et enfin l'exil à Paris où, vaillante, elle reconstruit sa vie… Avec, en arrière-plan, 60 ans de l'histoire de la Guadeloupe et tout un pan de l'histoire coloniale de la France - la servitude, les békés, le mépris, le racisme, la survie -, mais aussi la beauté de cette île, la chaleur écrasante, la misère, la nature luxuriante, les infrastructures balbutiantes, les rivalités et les clans, les croyances et les contes.

J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman que j'ai lu d'une traite et littéralement dévoré. La construction, qui entremêle les voix et les points de vue, est intéressante. L'écriture est belle et pleine de saveur, tout en maîtrise, en rigueur et en poésie. Et j'ai été touchée par les personnages : Antoine, figure hors du commun, vaillante, magnifique et bouleversante ; la narratrice, cette jeune femme incertaine d'elle-même qui porte en elle les difficultés identitaires du métissage (“Métis, c'est un entre-deux qui porte quelque chose de menaçant pour l'identité”) et qui cherche à se réapproprier ses traces dans les mots de sa tante ; et le reste de la famille, qui prend tour à tour la parole, parfois agaçante, souvent émouvante et drôle.

Avec "Là où les chiens aboient par la queue", Estelle-Sarah Bulle signe un premier roman puissant - probablement nourri en partie de sa propre histoire - et d'une très belle qualité littéraire. Pour moi une vraie réussite, et un grand coup de coeur ! ❤
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Morne-Galant, une petite bourgade de Guadeloupe, fin des annés quarante. Hilaire et Eulalie, après deux filles Appolone - qui se fait appeler Antoine pour tromper les mauvais esprits - et Lucinde, accueille un garçon, Petit Frère, mais Eulalie décède rapidement. Dès lors c'est le destin de la fratrie que l'on va suivre...Antoine, l'ainée, independante et volontaire, part à seize ans pour Pointe à Pitre y ouvrir un atelier de couture qui va vite rencontrer le succès, Lucinde, conformiste, se marie pour se mouler dans une vie de femme au foyer. Quant à Petit Frère, en mal d'amour maternel, il peine à s'affirmer malgré une intelligence vive et sa volonté empêchée d'étudier. La fratrie au fil des années va s'installer dans la métropole, soit pour se libérer, soit pour des raisons professionnelles.
Un recit construit sous forme d'entrevues, menėes par la fille de Petit Frère et nièce d'Antoine et Lucinde, que l'on devine être Estelle-Sarah Bulle. Nėe en métropole, ne connaissant la Guadeloupe que lors de quelques séjours de vacances, elle se penche sur l'histoire de la famille et celle de la Guadeloupe. Avec elle, c'est non seulement l'histoire qu'elle reconstitue avec les témoignages de la fratrie mais également celle de la Guadeloupe d'après guerre jusqu'à nos jours. Elle devient la seule à pouvoir croiser les histoires et concilier les ressentis de ses tantes et de son père, les trois s'étant perdus de vue et c'est une vision sans concession qu'elle donne d'une île qu'elle n'a connue qu'au travers de leurs souvenirs et de ses propres voyages occasionnels, une île qui est passée de la pauvreté et de la domination des békés à celle d'une économie de marché qui a défiguré les paysages et a fait prospéré la misère et la délinquance. Un bilan lucide et pessimiste mais sauvé par les souvenirs et la langue truculente de sa famille.
Là où les chiens aboient par la queue est un récit à la fois emouvant, drôle, réaliste et vivant, construit de façon originale et avec une langue, le créole, qui donne tout son relief au roman, un coup de coeur.
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Histoire en partie autobiographique d'une famille guadeloupéenne, depuis les années 1940.
Eulalie, la narratrice, a recueilli trois témoignages : celui d'Antoine (tante née dans les années 1930), de Lucinde (2e tante) et de Petit-Frère (père d'Eulalie). Ils racontent leurs parcours, eux qui y sont nés, y ont vécu, ont choisi de quitter l'île dans les 60's pour Paris, l'eldorado.

L'Histoire de la Guadeloupe est riche, douloureuse, colorée, mélangée.
C'est celle du commerce triangulaire, de l'esclavage, de la colonisation, des unions mixtes (choisies ou contraintes, sincères ou intéressées), des hiérarchies entre 'couleurs', de la corruption, de la paupérisation, des relations ambiguës avec la métropole, entre fascination et rejet - adopter ses produits, son 'progrès', bon gré, mal gré, aller s'y installer, être déçu, y faire sa place ou non, en revenir...

Une fresque familiale socio-historique passionnante, avec des personnages hauts en couleur - Antoine la fantasque ne cesse de surprendre, jusqu'aux dernières pages.
Un témoignage universel sur la famille, les rivalités, la reconnaissance sociale. Avec en prime une 'couleur locale' qui interroge sur les dégâts de la colonisation et de la prétendue 'supériorité de l'homme blanc' depuis plusieurs siècles.

Lecture dense, que j'ai (trop ?) morcelée, et pourtant le style est clair malgré quelques expressions créoles.
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Il est difficile de ne pas succomber au charme du premier roman d' Estelle- Sarah Bulle.
Pour commencer, un langage parsemé de mots créole qui m'a enchantée : cé la chyen ka japé pa ké, ou alors ‘A pa menm jou fèy tonbé an dlo i ka pouri ‘ 😉
Pas de panique ! La traduction est dans le texte. Il y a d'autres expressions dont on peut imaginer la traduction. C'est original et amusant.

Après la mort de son grand- père Hilaire et peu de temps après la naissance de sa fille, Eulalie sent le besoin de connaître un peu plus sur ses racines et questionne ses deux tantes Antoine et Lucinde, ainsi que son père.
C'est à travers le récit de cette fratrie très attachante que le roman prend vie et nous fait découvrir l'histoire de Guadeloupe du XX siècle, ainsi que le départ et l'installation en France des trois enfants Ezechiel. Ce sont les années 60, la période des changements et de l'exode des Antillais vers la Métropole.
Même si chacun donne aux événements sa touche personnelle, on ne peut s'empêcher d'apprécier tout le monde. C' est vrai qu'ils sont différents dans leur façon de confronter la vie, mais leur joie de vivre est bien présente et ils se soutiennent dans les moments difficiles. ‘parce qu'un frère et une soeur peuvent être comme des étrangers l'un pour l'autre, et s'aimer quand même'.
Mais l'histoire est plus large que ça. N'oublions pas la famille Lebeck qui jouera aussi un rôle dans le début et la suite des événements.
Lequel ? A vous de le découvrir!
Des bretons pauvres, une fois installés en Guadeloupe ils avaient tenté de prospérer grâce à la culture du café et du cacao. C'est de cette famille que leur grand- mère Eulalie était issue.
J'ai suivi avec plaisir le récit des quatre personnages (La nièce raconte aussi son expérience de vie) .
Mais ce qui fait vraiment la force de ce roman, c'est sûrement son personnage principal, Antoine, une femme qui n'a pas froid aux yeux et que par son caractère ne laisse personne indifférent.
C'est un livre que j'ai fermé le sourire aux lèvres, malgré la gravité de certaines choses : le racisme, les difficultés de l'exil.
Vous l'avez sûrement compris, c'est un roman lumineux, il y a de l'humour, une prose fluide, de la poésie dans les mots...
Que demander de plus ?
Un très beau moment de lecture. Vraiment.


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C'est le titre d'abord qui m'a attiré par sa originalité. Ensuite, j'ai vu qu'il était question de la Guadeloupe, l'île d'origine de mes parents. C'est la nièce qui par curiosité interroge sa tante Antoine ainsi que son père, surnommé Petit Frère et son autre tante, Lucinde. C'est Antoine qui ouvre le bal : elle raconte la rencontre de ses parents, la mort miséreuse de sa mère, son départ vers Pointe-à-Pitre pour chercher la fortune. Les narrateurs alternent ensuite et racontent selon leur point de vue. On s'attarde un bon moment sur les années 60 où la situation devient difficile...
Je me suis un peu retrouvée dans ce roman à pointes autobiographiques, j'ai redécouvert avec bonheur la musicalité et l'humour du créole, les paysages de rêve mais aussi la misère... Ca raconte l'époque de mes parents (à peu près) et je comprends mieux certaines choses. J'ai eu un gros poids sur le coeur quand elle raconte la mort de sa mère... Ca m'a donné envie de savoir plus sur la vie de mes parents là-bas. Un roman qui m'a beaucoup touché !
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