Je ne peux pas vraiment parler de lassitude à la lecture de l'opus précédent de la saga
Robicheaux, "
Black Cherry Blues", mais j'avais pu remarqué un rétablissement paisible de la fièvre qui me parcourt à la lecture de Burke. Si le roman était évidemment très bon, je l'avais trouvé assez lent dans sa démarche narrative, et un peu anxiogène dans sa finalité (je n'avais décidément pas apprécié voir déambuler Dave dans une infinité de cul-de-sacs...).
Mais autant l'annoncer haut et fort: avec "
Une saison pour la peur", nous sommes de nouveau sur un roman d'une très, très grande qualité. Comme Burke se plait à le dire ici et là, sa série-phare tient bien plus de la littérature noire, de la littérature générale qu'au policier qui se trouve être un contexte miraculeux pour sonder les vicissitudes de l'âme humaine. Et autant en avoir bien conscience, c'est la même rengaine ici.
On va donc s'attaquer au gigantesque thème de l'infiltré, avec un Dave
Robicheaux qui va "basculer" sous couverture et tenter de faire tomber le parrain local. Mais si la Louisiane est cruelle et impardonnable, elle n'est pas manichéenne. Et c'est ainsi que ce "fumier" de Tony Cardo, décrit comme un cinglé carbonisé aux amphets à la tête d'un gros réseau se révèle bien plus que cela, et bien moins à la fois: un homme qui finalement, n'arrive pas à se pardonner. Cela ne vous rappelle pas quelqu'un?
On en arrive alors à la description d'une histoire et de personnages doux-amers, tantôt attachants, tantôt énervants, qui gravitent autour d'un narrateur qui depuis le premier tome nage dans les eaux troubles de son esprit malade d'alcool et d'amour: on passe de bitures sèches à fendre le crâne aux magnifiques couchers de soleils pleins de pastel et de souvenirs valsant.
C'est un excellent opus de la saga
Robicheaux. On y retrouve tout le lyrisme dont Burke est capable, au service d'une sensorialité de l'action et de personnages hauts en couleur. L'intrigue tient en haleine, avec notamment ce spectre permanent dans les miroirs de
Robicheaux: Jimmy Lee Bogues, personnage du début du roman qui passera très proche de mettre fin aux jours de notre héros. Si Dave vit, ce sera néanmoins avec cette brisure: celle de savoir que face à la mort, il n'a été qu'un supplicié comme un autre, et les horreurs qu'il a vécues au Vietnam ne sont pas parvenues à donner sens.
Alors bien sûr, vous conseiller ce roman est une évidence. Notons seulement qu'il est impératif, pour en profiter, de lire les précédents. Et de vous jeter ainsi, corps et âmes, dans cette aventure magnifique et contraignante que sont ces romans.