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Citations sur Scintillation (79)

il s'était dit que c'était ce que faisaient les gens mariés : ils se touchaient. Par ce simple moyen, ils se guérissaient mutuellement.
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[ Incipit ]

LA VIE EST PLUS VASTE

Là où je suis à présent, j'entends encore les mouettes. Tout le reste s'estompe, comme le font les rêves dès qu'on s'éveille et qu'on cherche à se les rappeler, mais les mouettes sont encore là, plus sauvages et braillardes que jamais. Elles tournent et virent par milliers, appelant et criaillant d'un bout à l'autre de la presqu'île, tellement stridentes et incessantes que je n'entends que ça : ça, et un dernier murmure de vagues et de galets, un grondement local, insistant, derrière les cris de ces oiseaux fantômes dont je remarquais à peine la présence dans la vie qui fut la mienne avant que je franchisse le Glister. C'est tout ce qu'il reste de cette ancienne vie : des oiseaux, par nuées jacassantes, écumant la presqu'île ; des vagues grises, froides, se déroulant sur la grève. Rien d'autre. Aucun autre son, et rien à voir hormis l'ample et pure lumière dans laquelle je m'avance de mon plein gré, sans relâche, au terme d'une histoire que déjà je commence à oublier.
Dans cette histoire, je m'appelle Léonard et, quand j'étais là-bas, je pensais que la vie était une chose et la mort une autre, mais c'était parce que je ne connaissais pas le Glister. Maintenant que cette histoire est finie, je veux la raconter en entier, alors même que je m'éclipse avant que des noms ne soient donnés ou perdus. Je veux la raconter en entier alors même que je l'oublie et ainsi, en racontant et en oubliant, pardonner à tous ceux qui y figurent, y compris moi. Parce que c'est là que l'avenir commence : dans l'oublié, dans ce qui est perdu. Là-bas à l'Intraville, il y avait une étiquette sur les vieux bidons de sirop de sucre qu'on achetait à l'épicerie de quartier : l'image d'un lion mort en train de se décomposer dans la poussière, avec des flopées d'abeilles qui se déversaient des ombres et béances de son pelage, soutiraient du miel aux plaies. Je croyais à cette image. Je savais qu'elle était vraie - car il y a eu une époque où les gens pensaient que cette sombre béance, cette plaie, était véritablement la source d'où provenait le miel. Et ils avaient raison, car tout se transforme, tout évolue, et cette évolution est la seule histoire qui se perpétue à tout jamais. Tout évolue pour devenir autre chose, d'un instant à l'autre, à tout jamais. Ça, je le sais maintenant - et ici, là où je suis, je passe et repasse en revue cette histoire précise, inlassablement, rejouant les événements dont je me souviens, situant les blancs et les ombres laissés par l'oubli, me raccrochant à des broutilles comme si c'était le monde tout entier qui s'éclipsait, la vie elle-même qui s'évanouissait dans le passé, et pas seulement moi.
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Quelqu'un comme Morrison ne peut avoir une âme à lui, car l'âme est intrinsèquement bonne, intrinsèquement propre, un bien emprunté à Dieu et à tous Ses anges, qui devra être restituée un jour, nacré, propre, intact. Cette idée met Morrison en colère et il a envie de dire à cet homme, ce garçon, qu'il se trompe, que l'âme est humide et sombre, une créature qui élit domicile dans le corps humain tel un parasite et s'en nourrit, une créature avide d'expérience et de pouvoir, possédée d'une joie inhumaine, qui n'a que faire de son hôte mais vit, comme elle doit vivre, dans une perpétuelle nostalgie défigurée. (p.263)
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Quand John est arrivé à la bibliothèque, j'étais presque à court de trucs à lire, l'étape juste avant les sniffs de colle et la délinquance juvénile. Ou, pire encore, les mémoires de célébrités. (p101/102)
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De fait, elle avait longtemps eu envie de l'aimer, mais n'y était pas arrivée. Avant même qu'il devienne distant et commence à frayer avec les gars de Smith, elle n'arrivait pas à l'aimer. Il était trop étriqué, trop passe-partout. Il n'y avait tout bonnement pas assez chez lui à aimer. (p.71)
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J’avais dévoré je ne sais quelle version pour enfants de Moby Dick disponible à la bibliothèque junior, mais pas le vrai livre. Pour une raison obscure, les autorités ont décidé voilà des années que Moby Dick est plus ou moins un livre pour enfants, si bien qu’elles l’ont publié dans toutes sortes d’éditions bizarres, toutes abrégées, illustrées et réduites au squelette d’un « roman d’aventures ». Pire encore, ils ont ravalé Melville au rang de prodige d’un seul ouvrage, si bien que je n’avais même pas entendu parler du Grand escroc, de Bartleby le scribe ou de Billy Budd, gabier de misaine avant l’arrivée de John. Nul ne devrait jamais oublier la dette de gratitude éternelle contractée à l’égard de la personne qui, pour la première fois, l’a amené à lire Herman Melville dans de bonnes conditions.
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C'est vraiment typique de la façon dont marche le monde : les gens qui adorent les livres, ou autre, n'ont pas les moyens de s'en acheter, pendant que les gens bourrés de fric font des études commerciales pour pouvoir gagner encore plus d'argent et maintenir les liseurs de livres dans l'impuissance."
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Ils se sont détournés l'un de l'autre et ont décidé, presque sans bruit, de poursuivre leurs vies distinctes et silencieusement désespérées.
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« La définition d’un ouvrage qui se lit d’une traite devait être, en réalité, que le bouquin était tellement bien qu’on ne peut pas s’arracher à sa lecture alors que la page suivante est là et qu’elle risque d’être tout aussi captivante que celle qu’on dévore. » (p. 104)
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Personne travaillant pour Smith n'est innocent. Cela dit, l'enfer n'est pas pour les coupables. Il est pour les gens comme les O'Donnell, qui n'ont rien fait de mal. C'est le hic avec l'enfer, le hic qu'on n'évoque jamais en instruction religieuse, le fait qu'en enfer, ce ne sont pas les coupables qui souffrent, ce sont les innocents. C'est ce qui en fait un enfer. Un principe aléatoire se balade de par le monde, choisit les gens sans la moindre raison et les précipite en enfer. Chagrin pour un enfant. Maladie épouvantable. Bruits et visages surgissant de nulle part, ponctués de terribles instants de lucidité, juste assez longs pour qu'on se rende compte où on est. Et on est en enfer.
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