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EAN : 9782910979270
96 pages
Editions Lyonnaises (30/11/-1)
4/5   1 notes
Résumé :
4e de couverture :

Passionnément lyonnais, mais fier de son ascendence dauphinoise, Henri Béraud est resté jusqu'à ce jour un écrivain maudit. Il n'a cessé, il est vrai, de provoquer et de déranger. Ignoré de la critique officielle, banni par la bourgeoisie lyonnaise, jalousé par ses confrères écrivains ou journalistes (considéré à l'égal d'un Mauriac ou d'un Pagnol, prix Goncourt en 1922), il fut, à la suite d'un procès expéditif, condamné à mort pou... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

C'est en lisant "Le lion des Flandres", le thriller de Roger Facon, le 18 avril dernier, que je suis tombé sur Henri Béraud qui m'était complètement inconnu.

Hormis Jean Butin qui a écrit le présent petit opuscule de 95 pages et une biographie de 304 pages, intitulée "Henri Béraud : Sa longue marche de la Gerbe d'Or au Pain Noir" parue en 2002, cet auteur, bourré de talents littéraires mais d'un caractère particulier, aux choix parfois très étranges, reste 60 ans après sa mort au banc des accusés. Sans l'intervention personnelle de François Mauriac et le geste de clémence du général De Gaulle, Béraud aurait été fusillé après la dernière guerre mondiale, en décembre 1944, pour intelligence avec l'ennemi nazi.

L'auteur, Jean Butin est né il y a 91 ans à Lyon. Ville dont il est manifestement très fier à en juger par sa réalisation de livres comme "Ces Lyonnaises qui ont marqué leur temps" (2002), "Lyonnais de l'aventure" (2005), "La fresque des Lyonnais" (2006), etc.

Détail marrant : l'exemplaire qui m'est parvenu porte encore le tampon de la bibliothèque municipale de Pusignan, commune de l'Est lyonnais.

Henri Béraud s'est fait un grand nom comme journaliste pour le Canard enchaîné (de 1917 à 1934), Le Crapouillot (à partir de 1918) et comme reporter au Petit Parisien et Paris-Soir. Comme reporter international, il est l'auteur de "Ce que j'ai vu à Moscou" (1925 et que les communistes ne lui ont jamais pardonné), "Ce que j'ai vu à Berlin" (1926) et "Ce que j'ai vu à Rome" (1929 et que Mussolini ne lui a jamais pardonné). Au début des années 1930, il a été indiscutablement le journaliste français avec le plus d'autorité et avec son ami, Albert Londres, le plus populaire.

De cette période datent "Émeutes en Espagne" (1931), "Dictateurs d'aujourd'hui" (1933), "Vienne, clef du monde" (1934) et "Faut-il réduire l'Angleterre en esclavage (1935). Il a, en outre, interviewé Stresemann à Weimar, Horthy à Budapest, Masaryk à Prague, Pilsudski à Varsovie, Mustafa Kemal à Istanbul, Venizélos à Athènes et Primo de Rivera à Madrid.

Simultanément, il a poursuivi une carrière littéraire avec "Le vitriol de lune", paru en 1921 et l'année suivante "Le martyre de l'obèse", qui lui ont valu le prix Goncourt 1922. La liste de ses oeuvres est longue et impressionnante, et va de "Mon ami Robespierre" (1927), "La Gerbe d'Or" (ouvrage autobiographique de sa jeunesse, de 1928 - la Gerbe d'Or étant le nom de la boulangerie de ses parents à Lyon - ), "Les Lurons de Sabolas (1932), etc.

Mais c'est spécialement comme polémiste redoutable, surtout à l'hebdomadaire politique et littéraire "Gringoire" (de 1928 à 1943), qu'il s'est fait des ennemis et une réputation discutable, comme antisémite entre autres.

C'est dans ce contexte que se situe l'événement tragique du ministre de l'Intérieur du gouvernement du Front populaire de Léon Blum, Roger Salengro, qui s'est suicidé le 17 novembre 1936 à Lille, à l'âge de 46 ans, après l'attaque virulente de Béraud dans Gringoire. En fait, il a été faussement accusé de désertion pendant la Première guerre mondiale.
Je reviendrai prochainement sur cette triste affaire sur la base de l'ouvrage de Christian Blanckaert "L'affaire Salengro : Chronique d'une calomnie".

Que Henri Béraud ne pouvait pas prévoir la tournure dramatique de son article, basé d'ailleurs sur des rumeurs d'origine communiste non fondées, est évident, mais c'est à l'auteur lyonnais "qu'on fit porter le chapeau : l'hebdomadaire fut qualifié de 'feuille infâme' et le polémiste voué aux gémonies".

Jean Butin poursuit son exposé en affirmant que "le moins qu'on puisse dire, c'est que son procès fut singulièrement expéditif" (page 84). En l'espace d'à peine 2 jours, en décembre 1944, Henri Béraud fut condamné à mort pour intelligence avec l'ennemi. Comme l'a noté le Monde : "le fait qu'il n'aimait pas les Anglais ne signifiait pas qu'il aimait les Allemands". Il figurait, par ailleurs, sur la liste Otto des personnes que les nazis "n'appréciaient" pas du tout, au même titre que Léon Trotski et Stefan Zweig. Toujours est-il que François Mauriac et Albert Camus étaient les rares justes qui osèrent manifester leur désaccord. C'était bien sûr l'époque de la bataille des Ardennes.

Henri Béraud fut expédié à l'abominable centrale de Poissy, enfermé avec des droits communs. En 1947, il fut transféré à Saint-Martin-de-Ré, où dans la bibliothèque du bagne, il s'est remis à écrire.
Frappé d'hémiplégie en 1950, le côté gauche de son corps paralysé, il allait survivre encore 8 ans dans sa demeure, les Trois Bicoques à Saint-Clément-des-Baleines sur l'île de Ré, avec son épouse Germaine, jusqu'à son décès le 24 octobre 1958, âgé de 73 ans.

Je n'ai jamais rien lu d'Henri Béraud et je suis content que Jean Butin dans cette (trop) courte biographie ait repris un maximum de phrases de l'auteur lui-même. Ainsi j'ai pu me rendre compte de la virtuosité de sa langue et de l'art de son style. Un exemple : "Se faire des amis est une ambition de commerçant, se faire des ennemis est une ambition d'aristocrate". Et parlant de lui-même : "Il a flanqué son oeil d'un monocle et son bec d'une pipe. Ainsi huppé, il va, le verbe haut et les talons sonnants, à travers les salles d'exposition".

Exemple visant à montrer le personnage à l'oeuvre. Sur une affiche pour le spectacle de la première soirée de "L'Ours", le 26 janvier 1914, sans le concours du maire, M. Ėdouard Herriot, tous les prix des places (fauteuils, parquet, stalles...) étaient 1 franc, sauf "places debout" 2 francs. L'Ours était une revue dont il constituait l'unique personnel : "J'écrivais, j'administrais, je recevais, je vendais, j'expėdiais, je facturais, je balayais". (page 24). Bref, un fonceur comparable au jeune Balzac.

Le livre, qui est illustré de nombreuses photos noir/blanc, plaide pour la redécouverte de la riche oeuvre littéraire de cet écrivain trop longtemps ignoré et méconnu.
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