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4,08

sur 2985 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Je m'appelle Zangra et je suis lieutenant.
Au fort de Belonzio qui domine la plaine.
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros ! »

Impossible de débuter la lecture du « Désert des Tartares » sans songer à la chanson de Jacques Brel, ce qui n'a rien d'étonnant puisque ladite chanson, « Zangra », a été directement inspirée du roman de Dino Buzzati. Voyez plutôt. Nous sommes au fort de Bastiani, citadelle délabrée et située en marge de toute civilisation. En face s'étend le désert des Tartares, immense étendue de pierre blanche où jadis rôdaient de terribles barbares mais où pas un signe de vie n'a été détecté depuis maintenant des siècles. Pourtant le fort est toujours là et la garnison attend. Qu'attend-elle ? Nul n'a l'air d'en être tout à fait sûr et surtout pas le lieutenant Giovanni Drogo, jeune officier tout droit débarqué de la ville et dans les rêves martiaux s'effritent peu à peu aux murailles poudreuses de Bastiani.

La vie au fort est si terne, le temps si long, les jours si gris… Alors pourquoi notre jeune lieutenant refuse-t-il sa mutation quand, après quatre pénibles mois de service, le médecin de la citadelle lui propose aimablement de le faire porter pâle pour retourner à la ville ? C'est que Drogo espère et que, tout au fond de lui, il sait. Il sait que, tôt ou tard, apparaitra sur l'étendue blanche du désert un petit point noir, que ce petit point noir grossira pour devenir une tache, puis cette tache deviendra une armée, une armée hurlante et grouillante qui s'abattra sur les murailles de Bastiani. Alors, Drogo se dressera, seul rempart entre la barbarie et la civilisation, il saura se battre et vaincre, et son nom rentrera pour toujours dans l'Histoire de son pays. Qu'importe quelques mois ou quelques années perdus, Drogo n'est-il pas encore jeune ? N'aura-t-il pas le temps, une fois sa gloire assurée, de goûter les plaisirs de la vie et de l'amour ? Regardez-le, notre beau lieutenant ! Regardez-le sur ses remparts, le manteau claquant sur ses épaules et le poing sur la hanche, magnifique et tragiquement inconscient, il attend l'ennemi qui le fera héros.

Ben, voilà, maintenant j'ai le cafard. Grand merci, monsieur Buzatti, vraiment ! C'est bien gentil de votre part d'écrire des chefs-d'oeuvre, mais pourquoi les faire si tristes, si sombres, si désabusés ? Pas besoin d'avoir la fibre militaire pour s'identifier au malheureux Drogo, tant son histoire est semblable à celles de millions d'autres hommes qui, dans l'attente d'un destin fabuleux mais incertain, laissent leur vie leur glisser entre les doigts. Qui que vous soyez, « le désert des Tartares » vous parlera et vous plombera le moral, car si nous ne pensons pas être des Drogos, nous craignons tous un peu de le devenir un jour… Superbement écrit et franchement désespérant.
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Le temps passait, toujours plus rapide ; son rythme silencieux scande la vie, on ne peut s' arrêter même un seul instant, même pas pour jeter un coup d'oeil en arrière. " Arrête ! Arrête ! " voudrait-on crier, mais on se rend compte que c'est inutile. Tout s'enfuit, les hommes, les saisons, les nuages ; et il est inutile de s'agripper aux pierres, de se cramponner au sommet d'un quelconque rocher, les doigts fatigués se desserrent, les bras retombent inertes, on est toujours entraîné dans ce fleuve qui semble lent, mais qui ne s'arrête jamais
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Au début du récit, j'étais intrigué... Qu'allait-il se passer au sein de cet étrange fort? Drogo décida d'y rester au lieu de s'en échapper et malgré les quelques événements, je commençait à douter de l'intérêt de cette histoire... Récit sur l'ennui? Sur la folie de l'isolement? Puis à la fin, le temps s'accélère et l'histoire prend tout son sens! Finalement, j'ai beaucoup aimé.
Ce drame de Buzzati nous montre à quel point nos vies peuvent être insignifiante face à la fatalité des évènements. Il symbolise aussi l'aliénation que l'âge adulte nous impose à travers la poursuite éternelle de chimères qui nous empêche de prendre conscience de notre présent, de notre condition réelle. L'invasion des Tartares est à Drogo, ce que peut être pour d'autres: quitter son métier pour vivre de sa passion, devenir une star, gagner au loto, etc... Un idéal qui nous aveugle et nous empêche de voir notre ennemi le plus tenace: le temps qui passe.
L'histoire n'est pas réjouissante, nous ne sommes rien et il faut l'accepter, mais les réflexions à en tirer ne peuvent être que bénéfiques pour chacun d'entre nous.
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Kafka trouve ici un écho extraordinaire avec cette histoire absurde et géniale , à la lisiére du fantastique . La précision des mots , les personnages magnifiquements croqués , que ce livre est beau , que ce livre est fort !! Chef d'oeuvre !
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Peut-être dire ici combien il est urgent - en ces temps d'encerclement et d'étouffement du Littéraire par la triste et tragique emprise du "NON littéraire le plus agressif" régnant en notre pays (voire sur la planête) - de lire ou relire dans l'ordre toute la "Trilogie magique" (*) de Dino Buzzati : pureté de la langue, réalisme poétique et animisme fantastique...

- "Barnabo des montagnes" ("Bàrnabo delle montagne", 1933), trad. Michel Breitman

- "Le secret du Bosco Vecchio" ("Il segreto del Bosco Vecchio", 1935), trad. Michel Breitman

- "Le Désert des Tartares" ("Il deserto dei Tartari", 1940), trad. Michel Arnaud

Dire et redire ici aussi combien ces trois traductions françaises sont merveilleusement "justes" et poétiques... et rendent définitivement justice à l'Art du (fabuleux) Conteur vénétien-milanais...

(*) à l'instar du merveilleux cycle-météore de l'errance poétique que constitue pour nous la Trilogie romanesque du Suisse germanophone Robert WALSER : "Les Enfants Tanner" ("Geschwister Tanner", 1907) / "Le Commis" ("Der Gehülfe", 1908) / "L'Institut Benjamenta" ("Jacob von Gunten", 1909)
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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Un des meilleurs romans que j'ai lu, un chef d'oeuvre de la littérature italienne et mondiale. Roman de l'attente, avec tellement peu d'actions, roman de l'absurde, passer sa vie à attendre un ennemi et la gloire qui ne vient pas et fin tragique, tout ça pour ça. Tout est dans l'ambiance. le formalisme et la rigueur absurde de la discipline du fort, l'appel des sentinelles la nuit sur le chemin de ronde, les gouttes d'eau qui tombent toute la nuit, le jeune officier impatient et enthousiaste qui monte vers le fort et rencontre en chemin un vieil officier blasé et quelques années plus tard les rôles sont inversés. Les nuits de veilles à guetter une vague lueur au nord, dans le désert des Tartares. L'histoire est trés simple: Drogo, un jeune officier est affecté dans un fort sur une frontière où il ne se passe rien et où les perspectives de gloire sont trés faibles. A peine arrivé, il veut demander sa mutation et tout le monde lui laisse croire que c'est une formalité, pourtant cela ne s'avère pas si facile et le temps passant, le fort agit comme un sortilège et quand enfin Drogo pourrait avoir sa mutation, il préfère rester, obsédé comme tous ceux du fort par le désert au nord,d'où viendront forcément un jour les ennemis, et quand ce jour arrive enfin ... Récit absolument envoutant.
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Le livre qui m'a réconcilié avec la lecture après des années d'études de textes imposées au lycée. Mon prof de philo disait, à juste titre : "le livre dans lequel il ne se passe rien hormis le temps qui passe". Un chef d'oeuvre.
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Un jeune homme plein d'enthousiasme part rejoindre un fort où il a été affecté. Or ce lieu est désert, une vraie prison des ambitions, un lieu d'attente et d'inaction, de vie sans âme! Il faut sortir de là à tout prix et revenir à sa vie de jeune homme, avec les amis et les filles... Mais une fois de retour à sa ville (pendant un congé) tout a changé; même la tendresse de sa mère, tout le monde s'est habitué à son absence! Voilà un vrai coup! Il revient alors à son château pour y rester, car les Tartares viendront un jour, il le sait, il croit à ce mythe curieux et nourrit sa croyance; et ce jour là, il aura sa chance pour se battre, pour montrer son courage, pour montrer que sa vie n'a pas été une perte!

Buzzati avec une maîtrise exceptionnelle de sa chronologie, nous fait vivre cette fuite du temps dans la monotonie et l'attente. Le héros attend et le lecteur aussi, ils pressentent un malheur, une erreur, une méprise, mais ils aspirent à l'arrivée de quelque chose d'extraordinaire! Ils vivent dans la déception, le malaise et l'illusion, puis dans la désillusion amère et la révolte!

Un roman émouvant, excellente leçon sur la vanité de l'existence! La mort est plus forte! L'attente n'est qu'un divertissement, la guerre n'aura pas lieu car la vraie guerre c'est celle de l'homme contre la mort et la fuite du temps, contre la solitude... Le Désert des Tartares est un choc, un roman assommant! Un roman qui nous transporte mystérieusement dès la première page.
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Ce qui fait le richesse d'un roman(si tant est que celui-ci en soit un), c'est la multiplicité de ses interprétations.Alors à mon tour de m'y coller:le vrai héros , c'est ce bon vieux fort Bastiani. Et s'il n'est qu'une personne vivante, c'est lui,un refuge, l'âme même de Drago, forteresse inexpugnable et intouchable.D'un côté, on s'en échappe vers la cité des loisirs et de la distraction facile, et de l'autre, le fort, immuable, attend ces "poseurs de voies, de routes, l'Ennemi,ou je ne sais quoi.Mais cette avancée incoercible de cet inconnu,petites loupiotes bien dérisoires mais obsédantes parce que si loin ,mais trop proches,,sont inexorables .Et ce n'est pas ton escapade tragique dans la montagne qui changera les choses, Drago, crois-moi!Sors de ton fort, Drago, mais tu te perdras.
Mais reste dedans, et tu auras tout le loisir de les voir s'avancer; de toute manière, Drago, elle arriveront tôt ou tard au Fort Bastiani, et ta fuite vers la ville ou vers la gloire n'y changeront rien.
Finalement, ce n'est vraiment pas un roman, mais un conte zen.Comprenne qui pourra.
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Le désert des Tartares est sans doute un des livres les plus singulier que j'ai lu.
En faire un résumé (ce que je n'aime déjà pas d'habitude) est ici totalement impossible.
En effet, comment résumer une histoire où l'action est quasi absente.
Tout l'intérêt du Désert des Tartares réside dans la description des relations entre les personnes, des sentiments du narrateur, dans la lente transformation qu'il subit comme ses congénères.
Ce livre est une énigme subtile et extraordinaire. Moi qui déteste habituellement les livres qui ne racontent pas une histoire, j'ai été subjugué, comme le héros par la beauté du désert, son attraction hypnotique.
Oubliez ce que vous pensez savoir des romans qui se concentrent sur les personnages et oublient l'intrigue, Buzzati casse les codes et les habitudes de lecture. Il vous attirera dans ses filets. Alors, laissez-vous faire.
Si l'on pouvait donner un prix nobel de littérature pour une seule oeuvre, Dino Buzzati, comme son compatriote Lampeduzza pour le Guépard, aurait dû le recevoir.
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