In girum imus nocte ecce et consumimur igni se traduit par « Nous tournoyons dans la nuit, et nous voilà
consumés par le feu ».
Connaissez vous ce vers latin qui traverse les traditions philosophiques, la musique et la littérature romantique allemande de
Rilke à
Goethe en passant par la paternité de
Virgile qui relève du mythe poétique plus que de la réalité ?
Ce vers magique qui se lit exactement dans un sens comme dans l'autre, est le principe unificateur qui rend unique dans la matière d'un seul livre, à travers la plume de
Jaume Cabré différentes histoires, de différents personnages et de différents narrateurs qui ne semblent pas avoir grand chose à voir ensemble. Comment Godallet ( petit démiurge, le nom comme un indice de lecture ?) le sanglier,
Marlène Dietrich se retrouvent être les instigateurs de la tourmente d'Ismaël – oui comme dans Moby Dick ?! Comment le docteur Jivago et Madame Bovary se retrouvent à discuter dans la même pièce de ce même Ismaël ?...
Ce qui peut apparaître comme une histoire de laissés-pour-compte de la vie dans une Barcelone de la frange de la seconde zone à la manière d'un film d' Iñárritu — Je pense à Biutiful tout au long du livre… — épouse à nouveau et petit à petit, la spirale de
Confiteor ; la somme des chapitres en moins. Moins épais, il peut séduire ceux qui veulent découvrir le talent de
Jaume Cabré sans passer par
Confiteor.
D'ailleurs
Consumés par le feu n'est pas à comparer à
Confiteor, véritable chef-d'oeuvre. Cabré pour autant ne se renie pas dans ce
roman. Sous l'apparente simplicité des dialogues, apparaît une maîtrise virtuose de l' art de narrer, car ils créent la tension dramatique et nous mènent exactement au point de rupture. Nous retrouvons dans ces quelques pages tous les thèmes chers à Cabré, les livres et la littérature, l'érudition et le latin, l'homme déchu, des histoires d'amour tragiques et... la mémoire.
Lire est déambuler avec Ismaël dans cette Barcelone fantomatique à la recherche de ses souvenirs qui se cristallisent en ces quelques mots In girum imus nocte ecce et consumimur igni comme une formule tragique.