Cette histoire m'a touché pour beaucoup de raisons.
La première parce qu'elle me renvoie à moi-même. En effet, breton de "naissance" vivant en région parisienne, exilé donc, côtoyant beaucoup de personnes en proie aux déracinements, je me sens concerné de prime abord.
Dans ce train qui quitte Quimper, Merko aborde Yannick en le considérant d'abord comme un noir. Puis Merko se dévoile peu à petit sans y paraître, il s'ouvre... Lui qui vit en banlieue, où beaucoup de personnes subissent une stigmatisation, il se trouve confronté au revers de la médaille : N'est-il pas lui-même sujet à imaginer l'Autre à travers un prisme, un filtre d'ordre "culturel" ?
L'auteure progresse intelligemment avec ce duo qui se livre à une sorte d'épreuve de vérité.
Le temps est suspendu. Donc on se pose. Margot débarque en ayant entendu de la musique bretonne, ce qui l'interpelle. Elle entre dans le compartiment.
En voyant Yannick, noir, aveugle et Merko, elle n'imagine pas que l'un des deux puisse être le joueur de bombarde qu'elle a entendu.
Voilà c'est ça cette pièce !
Les regards croisés de ces trois-là me parlent donc car je m'y reconnais. J'aime le théâtre lorsqu'il me révèle une part de moi-même en élargissant mon cadre de référence.
L'autre est-il tel qu'il m'apparaît ? A première vue ! Ne suis-je imprégné de représentations ? Ne se donne-t-on pas soi-même en spectacle au détriment de ce que nous sommes...
Sarah- Laurence Cal ne se parle t elle pas à elle même en laissant sa plume courir sur ce rail ?
Le train est à l'arrêt. Ce qui ouvre un espace où s'engouffrent nos faces cachées, je dis bien NOS. J'adore les trains. Surtout ceux à compartiments. Là ou les cloisons s'estompent le temps d'un voyage....
L'immobilité sert l'action. Alors chaque rencontre modifie notre perception, y compris dans le miroir de notre propre regard.
Lisez donc ce livre ou l'on glisse dans la peau des personnages qui nous hissent. Cette pièce est un hymne qui fait imploser nos cloisons superposées.
Un breton du monde.