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sur 1260 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Oyez, braves lecteurs ! Approchez un peu que je vous narre cette histoire étonnante... Celle d'un personnage inouï, le Vicomte pourfendu.
Or donc, le vicomte Médard de Terralba, chrétien convaincu, partit combattre en Bohème les méchants turcs parce qu'ils étaient d'une toute autre religion, non mais quoi ?!
Le vicomte revint quelques temps plus tard, mais pas tout entier ; lors d'un combat terrible, un obus le coupa en deux. C'est donc une moitié, une des deux moitiés qui revint au bercail, et visiblement pas la meilleure... Celle de droite.
Ainsi s'en retourne au pays le vicomte tant attendu, - cela dit, seigneur reconnu comme ni bon ni mauvais par ses sbires -, mais voilà ce n'est pas vraiment celui qu'on attendait. Certes, c'est une moitié de lui-même qui arrive, c'est-à-dire précisément la partie droite comme je l'ai dit. Mais il s'avère très vite que cette moitié d'homme est odieuse, cruelle, égoïste, sans pitié pour les autres comme pour les siens.
J'ai été ému par cette scène touchante, sans doute l'une des plus belles pages du récit, où son père, pris de chagrin, s'était enfermé de lui-même dans une volière d'oiseaux, attendant éperdument son fils parti à la guerre, craignant pour le sort de ce dernier, désespéré.
Le vieil homme était presque devenu fou à force d'attendre parmi les oiseaux. Il n'était déjà plus de ce monde. Lorsque son fils revint de la guerre, ce dernier l'ignora, le père lui envoya alors un oiseau comme messager, une pie-grièche grise, le fils crut bon de tuer simplement l'oiseau qui l'agaçait...
La portée de ce texte tient aussi dans ces pages.
Le narrateur est le neveu du vicomte, tour à tour fasciné et terrifié par cet oncle qui n'est plus que la moitié de lui-même, et quelle moitié... Un enfant qui devient homme dans ce regard vers un homme cruel qu'il attendait comme un messie, un enfant perdu dans les feux-follets des cimetières...
C'est lui qui nous raconte cette histoire surprenante, celle d'un vicomte fantastique. Mais bientôt, une autre moitié surgit, l'autre moitié du vicomte, celle-ci se distingue par deux signes : il s'agit de la partie gauche, mais aussi elle offre des élans d'une immense générosité, parfois excessive à telle point qu'elle finit par indisposer les habitants de la région.
Voilà Italo Calvino comme on l'aime, nous entraînant dans son récit à la fois onirique et ironique... Un récit qui tient du conte, mais pas tout à fait, ou pas seulement... Comment passer du conte au vicomte, comment passer de l'histoire au sens qu'elle possède ou plutôt le sens qui est révélé par la lecture de ce récit.
Mais nous connaissons ce diable d'écrivain qu'est Italo Calvino, ce diable de conteur qui nous a naguère invité à grimper dans les nues, dans les arbres, prendre de la hauteur. Ici encore le mécanisme narratif est le même. Nous élever, prendre de la hauteur face au récit, à sa douleur, à son horreur.
À l'enchantement aussi...
Car l'horreur il y en a, presque à chaque page, presque à chaque fois que le vicomte prend son cheval pour visiter l'espace qu'il domine. À quelques lieux de là, il y a comme un ghetto, un village replié sur lui-même où vivent des lépreux... Une autre horreur...
Tandis que l'autre face du vicomte apparaît, le visage du bien, l'autre face de nous-même, il nous vient l'envie de se toucher les membres, les côtes, le visage, les yeux, le cerveau, toucher aussi l'envers de nous-même, si c'est possible, mais oui c'est possible puisqu'Italo Calvino nous rend possible des choses apparemment invraisemblables.
Pourrions-nous ainsi identifier à l'intérieur de nous le bien du mal, car tel est le propos d'Italo Calvino, qui s'est donné le peu de mal qu'il fallait pour délivrer ce bien précieux qu'est ce très beau texte ?
Comment, au final, accepter ces deux versants qui vivent en nous, s'affrontent, sommeillent en nous, couturent nos vies, le bien, le mal, et tout ce qui va avec... Sans doute l'originalité du propos ne consiste pas à opposer les deux versants, mais à montrer, ô originalité, que le bien peut parfois être excessif et ne pas produire ce qu'il cherchait à faire...
J'ai trouvé ce texte incroyablement universel, sublime, intact, inattendu à chaque page...
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Le vicomte Médard de Terralba prend part à une bataille contre les Turc et se retrouve coupé en deux par un boulet de canon. Ses deux moitiés continuent à vivre indépendamment, l'une semant la terreur dans le comté, l'autre faisant le bien. Un surprenant roman plein d'humour (noir) qui revêt des allures de conte philosophique. Me penchant sur la carrière d'Italo Calvino, je peux lire qu'il fut un écrivain réaliste, un fabuliste et un philosophe. A travers ce conte fantastique, il nous apporte une réflexion sur l'être humain, non pas une vision manichéiste qui voudrait que le bien existant chez l'homme vient du ciel et le mal des ténèbres les deux à l'origine d'un combat permanent, mais plutôt un constat : l'homme possède en lui le bien et le mal qui l'équilibrent, l'un n'allant pas sans l'autre : c'est ainsi que le « mauvais vicomte » dit « l'infortuné » récolte la haine des villageois pour sa méchanceté et son injustice, le « bon » créée des tensions (Il n'est pas si facile d'être la bonté même)
J'ai commencé par prendre beaucoup de plaisir lors de la lecture, d'abord parce qu'Italo Calvino manie l'humour noir en virtuose, ensuite parce que je me suis attachée aux personnages, enfin parce que je me suis bien demandée comment allait finir cette histoire qui m'a donné envie de lire encore d'autres oeuvre de ce grand écrivain.

Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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Cinquante nuances de gris.
Non, ne croyez pas que je vais vous parler du "livre" le plus vendu de l'année 2012 : je ne l'ai pas lu et me suis contentée de lire quelques critiques, dont certaines sont d'ailleurs hilarantes.
Alors, pourquoi ?
Parce que c'est le message que nous envoie ce court texte. Nous ne sommes ni tout noirs ni tout blancs, nous sommes tous gris.
Le vicomte pourfendu est un conte philosophique, un petit bijou que le grand Voltaire n'aurait pas renié.
À la fois drôle et sérieux, comique et ironique, c'est un régal de lecture.
Si la méchanceté absolue est évidemment mauvaise, la bonté extrême l'est tout autant : voilà ce que nous apprend l'histoire de ce malheureux vicomte coupé en deux par un boulet de canon.
Les deux moitiés qui vivent désormais séparément vont faire le bien pour l'une, le mal pour l'autre, mais finalement causer de façon égale du tort à tous les habitants des environs qui n'en peuvent plus de cette situation doublement pénible.
Au premier degré, c'est drôle, original, voire complètement loufoque. Au second degré, c'est fin et plus sérieux que ce que ça n'en a l'air. Italo Calvino m'a régalée avec cette histoire truculente menée tambour battant jusqu'à une fin totalement jubilatoire.
Acceptons les deux parts qui sont en chacun de nous. Ne soyons pas excessivement fiers de la bonne, et composons avec la mauvaise, acceptons nos défauts et vivons de la meilleure façon possible avec cet aspect moins glorieux qui est en chacun de nous.
Le monde n'est ni blanc ni noir, et le gris s'y décline fort heureusement en bien plus que cinquante nuances.
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Livre très original, agréable à lire. C'est une dualité entre le bien et le mal. le héros, Médard de Terralba a été coupé en deux par un boulet de canon. Ces deux moitiés vont subsister, l'une manifestant une extrème méchanceté, l'autre une grande bonté. Texte très différent du "baron perché", mais cependant très intéressant et inventif.
Lien : http://araucaria.20six.fr/
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Le vicomte Médard de Terralba revient de la guerre contre les Turcs, mais amputé. Un boulet de canon l'a coupé en deux et a emporté la partie gauche. « C'est l'avantage d'être pourfendu que de comprendre dans chaque tête et dans toute chose la peine que chaque être et toute chose ressentent d'être incomplets. » (p. 60) Hélas, la partie droite restée intacte est la mauvaise moitié, celle d'un homme méchant et qui prend plaisir à tourmenter ses semblables. Au château de Terralba, on ne sait s'il faut se réjouir du retour du vicomte ou déplorer que la trajectoire du boulet n'ait pas dévié de quelques centimètres. « Pour beaucoup d'hommes valeureux [...], leurs ordures d'hier sont encore sur la terre alors qu'eux sont déjà au ciel. » (p. 8) Après quelque temps, quelle joie de voir finalement revenir la deuxième moitié de Médard, celle qui est bonne et généreuse. Mais les deux parties sont hélas extrêmes dans leur comportement : le vice et la bonté poussés à leur paroxysme sont finalement aussi intolérables l'un que l'autre ! « Nos sentiments devenaient incolores et obtus parce que nous nous sentions comme perdus entre une vertu et une perversité également inhumaines. » (p. 74) Ah, si seulement il était possible de réconcilier les deux moitiés du vicomte...

J'achève la trilogie Nos ancêtres par le premier texte. Après le baron perché et le chevalier inexistant, je peux affirmer que je n'ai pas pris autant de plaisir à des lectures depuis longtemps. Ces trois textes sont courts, mais riches d'une réflexion intelligente sur les caractères et ce qui fonde la nature de l'homme. Italo Calvino exploite avec talent le genre du merveilleux pour délivrer des contes aux allures de paraboles et d'allégories. En le lisant, on rit autant qu'on s'interroge, et c'est assez rare pour être souligné.
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Il visconte dimezzato 1952

Le narrateur évoque l'histoire de son oncle, Medardo di Torralba qui, combattant en Bohême contre les Turcs, fut partagé en deux par un coup de canon.
Les deux moitiés du corps, parfaitement conservées, possèdent deux caractères différents : la première est celle d'une nature cruelle qui sévit sur ses sujets et poursuit la belle Pamela, tandis que l'autre, la bonne, tente de réparer ses méfaits et demande Pamela en mariage.
Les deux moitiés se défieront en duel et..............

Au début, ce n'est que la mauvaise part qui revient chez elle en Italie, celle capable de terrible cruauté.

Tout de suite l'histoire truculente , est une fable cadencée comme un ballet.
Autour du demi-vicomte se meuvent et s'affairent ses sujets, plus partagés en deux que lui.
Cette fable peut se lire à plusieurs nivaux. Peut-être comme une allégorie de la condition de l'homme contemporain, "aliéné", mutilé, subissant l'impossibilité de rejoindre l'intégralité, l'achèvement.
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Ce livre est une petite merveille ! Italo Calvino nous propose un conte savoureux qu'il est difficile de quitter. Médard de Terralba est un chevalier génois. Accompagné par l'écuyer Kurt, il traverse les plaines de Bohême afin de rejoindre le camp des chrétiens. Nous sommes dans le contexte de la guerre contre les Turcs au XVIIIème siècle. Pendant la guerre, il est littéralement coupé en deux par un boulet de canon. de retour sur ses terres, cette sombre moitié de Médard sème la terreur auprès des habitants.

L'histoire est racontée par un enfant qui n'est autre que son neveu. On y croise des personnages variés : l'excentrique Docteur Trelawney, la nourrice Sébastienne,
les lépreux de Préchampignon, la petite bergère Paméla, les huguenots... mais aussi l'Infortuné et le Bon. J'ai vraiment adoré ce livre. La manière d'écrire et l'histoire en elle-même m'ont procuré un bel instant d'évasion. Vivement une nouvelle lecture de cet auteur !
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Le vicomte Médard de Terralba part sur son fier destrier faire la guerre aux Turcs. Mais, au cours d'une bataille acharnée, un boulet le coupe littéralement en deux. Des médecins usent de toute leur science pour lui sauver la vie et c'est une moitié d'homme gravement mutilé qui est ramenée dans son fief sur une civière. Bientôt tout le monde découvre ce qu'est devenu le vicomte : un être mauvais, haineux et qui ne pense qu'à faire du mal à tout ce qui l'entoure. Mais un jour, l'autre moitié du vicomte réapparaît sous la forme d'une moitié d'homme ressemblante, mais totalement différente. Elle s'évertue à toujours faire le bien autour d'elle...
Ce conte philosophique fait partie avec « Le baron perché » et « Le Chevalier inexistant » de la trilogie « Nos ancêtres ». Magnifiquement écrite, cette histoire totalement improbable permet à Calvino de poser le problème du mal et surtout celui de la dualité toujours active en chacun de nous. Un livre qui fait réfléchir à l'aide d'une petite histoire légère et amusante en apparence. Et bien plus profonde en réalité. « Le Vicomte pourfendu » est également un des réquisitoires les plus convaincants sur l'absurdité de la guerre. Une sorte de démonstration par l'absurde. Spirituel, humoristique et plein de trouvailles poétiques, ce livre est à classer parmi les plus grands textes de la littérature italienne du XXème siècle.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Le charme du fabuleux c'est son réalisme.
Éternelle incomplétude de l'être ! Voilà donc le vicomte pourfendu d'un boulet de canon.
Voilà le vicomte : côté pile, côté face. le vicomte blanc, le vicomte noir.
Schéma binaire très simple en apparence,
Difficile de vivre d'une seule moitié ! le mal pour le mal, odieusement inconfortable... le bien pour le bien l'est absolument tout autant. Chère solitude de l'être ! Insupportables moitiés d'hommes !
L'équilibre repose sur le bon dosage de l'homme, de là découlera son meilleur usage!
Il faudra cependant bien se rappeler qu' « il est clair qu'il ne suffit pas d'un vicomte complet pour que le monde entier soit complet... ». le drame du fabuleux, c'est également son réalisme.
Lectures d'Italo Calvino à poursuivre au grand galop !
Le Baron perché et le Chevalier inexistant, la suite de la célèbre trilogie Nos ancêtres
Entre autres...

Astrid Shriqui Garain
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LE VICOMTE POURFENDU d'ITALO CALVINO
Dans la même veine que le chevalier inexistant dont j'avais fait un retour Calvino délire sur un Vicomte retour de croisade coupé en 2 par un boulet! Drôle improbable décalé tout ce que j'aime avec une chute inattendue. Lisez le c'est court et bien écrit. Quel talent!
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