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Citations sur Le Premier Homme (246)

Non, l'école ne leur fournissait pas seulement une évasion à la vie de famille. Dans la classe de M. Bernard du moins, elle nourrissait en eux une faim plus essentielle encore à l'enfant qu'à l'homme et qui est la faim de la découverte. Dans les autres classes, on leur apprenait sans doute beaucoup de choses, mais un peu comme on gave les oies. On leur présentait une nourriture toute faite en les priant de bien vouloir l'avaler. Dans la classe de M. Germain [note : ici l'auteur donne à l'instituteur son vrai nom.], pour la première fois ils sentaient qu'ils existaient et qu'ils étaient l'objet de la plus haute considération : on les jugeait dignes de découvrir le monde.
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Jacques apprit dans ces dimanches que la compagnie des hommes était bonne et pouvait nourrir le coeur.(Gallimard,1994,p.103)
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Pendant la journée de classe, au contraire, la séparation était abolie. Les tabliers pouvaient être plus ou moins élégants, ils se ressemblaient. Les seules rivalités étaient celles de l'intelligence pendant les cours et de l'agilité physique pendant les jeux.
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Non, il ne connaîtrait jamais son père, qui continuerait de dormir là-bas, le visage perdu à jamais dans la cendre. Il y avait un mystère chez cet homme, un mystère qu'il avait voulu percer. Mais finalement il n'y avait que le mystère de la pauvreté qui fait les êtres sans nom et sans passé, qui les fait rentrer dans l'immense cohue des morts sans nom qui ont fait le monde en se défaisant pour toujours. Car c'était bien cela que son père avait en commun avec les hommes du Labrador. Les Mahonnais du Sahel, les Alsaciens des Hauts plateaux, avec cette île immense entre le sable et la mer, qu'un énorme silence commençait maintenant de recouvrir, cela c'est-à-dire l'anonymat, au niveau du sang, du courage, du travail, de l'instinct, à la fois cruel et compatissant. Et lui qui avait voulu échapper au pays sans nom, à la foule et à une famille sans nom, il faisait aussi partie de la tribu, marchant aveuglement dans la nuit près du vieux docteur qui soufflait à sa droite, écoutant les bouffées de musique qui venaient de la place, revoyant le visage dur et impénétrable des Arabes autour des kiosques, ... revoyant aussi avec une douceur et un chagrin qui lui tordaient le cœur le visage d'agonisante de sa mère lors de l'explosion, cheminant dans la nuit des années de la terre de l'oubli où chacun était l premier homme, où lui-même avait dû s'élever seul, sans père, n'ayant jamais connu ces moments où le père appelle le fils dont il a attendu qu'il ait l'âge d'écouter, pour lui dire le secret de la famille, ou une ancienne peine, ou l'expérience de sa vie, ces moments où le ridicule et odieux Polonius devient grand tout à coup en parlant à Laërte, et lui avait eu seize ans puis vingt ans et personne ne lui avait parlé et il lui avait fallu apprendre seul, grandir seul, en force, en puissance, trouver seul sa morale et sa vérité, à naître enfin comme homme pour ensuite naître encore d'une naissance plus dure, celle qui consiste à naître aux autres, aux femmes, comme tous les hommes nés dans ce pays, qui, un par un, essayaient d'apprendre à vivre sans racines et sans foi et qui tous ensemble aujourd'hui où ils risquaient l'anonymat définitif et la perte des seules traces sacrées de leur passage sur cette terre, les dalles illisibles que la nuit avait maintenant recouvertes dans le cimetière, devaient apprendre à naître aux autres, à l'immense cohue des conquérants maintenant évincés qui les avaient précédés sur cette terre et dont ils devaient reconnaître maintenant la fraternité de race et de destin
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En somme, je vais parler de ceux que j' aimais .
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Ainsi, pendant des années, la vie de Jacques se partagea inégalement entre deux vies qu’il ne pouvait relier l’une à l’autre. Pendant douze heures, au son du tambour, dans une société d’enfants et de maîtres, parmi les jeux et l’étude. Pendant deux ou trois heures de vie diurne dans la maison du vieux quartier, auprès de sa mère qu’il ne rejoignait vraiment que dans le sommeil des pauvres. […] A personne en tout cas, au lycée, il ne pouvait parler de sa mère et de sa famille. A personne dans sa famille il ne pouvait parler du lycée.
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Il sentait qu'on ne ment pas sur l'essentiel avec ceux qu'on aime, pour la raison qu'on ne pourrait plus vivre avec eux alors ni les aimer.
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« Tu n’as plus besoin de moi, disait-il, tu auras des maîtres plus savants. Mais tu sais où je suis, viens me voir si tu as besoin que je t’aide. » Il partait et Jacques restait seul, perdu au milieu de ces femmes, puis il se précipitait à la fenêtre, regardant son maître qui le saluait une dernière fois et qui le laissait désormais seul, et, au lieu de la joie et du succès, une immense peine d’enfant lui tordait le cœur, comme s’il savait d’avance qu’il venait par ce succès d’être arraché au monde innocent et chaleureux des pauvres, monde refermé sur lui-même comme une île dans la société mais où la misère tient lieu de famille et de solidarité, pour être jeté dans un monde inconnu, qui n’était plus le sien, où il ne pouvait croire que les maîtres fussent plus savants que celui-là dont le cœur savait tout, et il devrait désormais apprendre, comprendre sans aide, devenir un homme enfin sans le secours du seul homme qui lui avait porté secours, grandir et s’élever seul enfin, au prix le plus cher.
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L'école ne leur fournissait pas seulement une évasion à la vie de famille. Dans la classe de Mr. Bernard du moins, elle nourrissait en eux une faim plus essentielle encore à l'enfant qu'à l'homme et qui est la faim de la découverte.
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Jeune, je demandais aux êtres plus qu'ils ne pouvaient donner : une amitié continuelle, une émotion permanente. Je sais leur demander maintenant moins qu'ils peuvent donner : une compagnie sans phrases. Et leurs émotions, leur amitié, leurs gestes nobles gardent à mes yeux leur valeur entière de miracle : un entier effet de la grâce.
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