Rose rage

Ceci n’est pas qu’une grève. C’est une grève des femmes !
Les filles en révolte. (page 130)

J’étais dépitée, choquée, furieuse, et… autant l’avouer, un peu fière. Une part de moi trouvait ça stylé, d’avoir été délogée. (page 227)

Sous les couches de papier journal, on a trouvé de la nourriture, du papier-toilette, du dentifrice et des brosses à dents, des magazines de mots fléchés et même une petite bouilloire avec quelques sachets de thé. Mes yeux se sont écarquillés quand j'ai vu ce qu'il y avait au fond.
- Des serviettes et des tampons ! me suis-je écriée.
Une joie étrange, mais justifiée. C'était un besoin de base comme un autre, mais on avait juste trop tendance à l'oublier, simplement parce que ça ne l'était que pour une moitié de la population.

- Kimberley Crenshaw [...] est une féministe noire américaine. Elle a développé ce qu'on appelle le concept d'intersectionnalité. En gros, c'est le fait de dire que des rapports de pouvoir et de discrimination peuvent se croiser et être subis par une même personne, comme le racisme ou le sexisme. Donc, les femmes noires, ou maghrébines, bref, les femmes non blanches n'ont pas la même expérience de vie que les femmes blanches, qui ne subissent pas les mêmes discriminations. Aujourd'hui, ça inclut d'autres discriminations, l'orientation sexuelle, le fait d'être une personne transgenre, ça peut même inclure le niveau de tes revenus. Tout ça s'entremêle, et c'est important de le prendre en compte pour savoir quels sont les combats à mener. Tu suis ? Toutes les femmes n'ont pas les mêmes raisons d'être féministes, car toutes les femmes n'ont pas les mêmes problèmes. Si toi, tu es féministe parce que tu en as marre que des filles comme Ameline soient désignées comme coupables alors qu'elles ne le sont pas, et que moi, je suis féministe parce qu'en tant que femme noire j'en ai marre qu'on m'incite à m'orienter dans le paramédical alors que je veux devenir médecin, on est bien toutes les deux féministes ?
(p. 128)

J'ai alors réalisé que, dans les nombreux moments de solitude que j'avais vécus en tant que femme, j'avais en réalité toujours été accompagnée par des milliers d'inconnues.

A 8 heures ? Pas de problème, la rue était embouteillée, ça grouillait de vie. A midi ? Les gens sortaient des bureaux pour aller s'acheter leurs sandwichs. A 17 heures, c'était la fin des cours. Mais à minuit, la rue s'était vidée, s'il m'arrivait quelque chose, il n'y aurait pas de témoins. Or c'était ce qui me rassurait, d'habitude. Comment pouvait-on trouver normal qu'une gamine de dix-sept ans s'inquiète de savoir si quelqu'un pourrait intervenir dans l'hypothèse d'une agression ? Comment pouvait-on se satisfaire de la place des femmes dans la société quand la majorité d'entre elles rentraient la nuit avec une boule au ventre ?

- J'ai dit à ma mère que je ne voulais pas d'enfants, l'autre jour, et elle l'a super mal pris. Elle m'a dit que c'étaient des bêtises, que je changerais d'avis. Sauf que je n'en veux vraiment pas. Je ne veux pas me marier non plus. Je veux voyager et faire du journalisme d'investigation. Bon, ce n'est pas la raison pour laquelle je suis venue bloquer, mais... j'imagine que ça fait partie des trucs qui m'agacent. Qu'on ne me prenne pas au sérieux.

On peut être féministe sans la colère, mais c’est difficile. C’est cette furie, cette rage qui poussent à agir pour faire changer les choses. Aucune révolte n'a jamais été menée par quelqu’un qui s’est dit « Bon, le monde dans lequel je vis me va plutôt, mais je vais quand meme renverser le système, juste pour voir. » […] La colère ne décrédibilise pas un mouvement, elle le rend légitime. S’il y a une colère, c’est bien qu’il y a un problème. p75

Et si c’était ça, le véritable problème du sexisme ? Si c’était le fait que nombre de gens s'imaginaient que c’était un cas résolu ? Ça expliquerait beaucoup de choses. […] Si on considère qu’un problème est résolu juste parce que quelques députées sont élues et qu’une femme est à la tête de YouTube, et ne mérite plus qu’on s’en préoccupe, on se trompe lourdement. p69

- En parlant de corps, a soufflé Manon, moi je suis là parce que les gens n'aiment pas mon corps et ne veulent pas que je l'aime.
- Toi, tu l'aimes ? a demandé Inès.
- Moi, je l'adore. En plus, tu vois, on pourrait se dire que ce n'est pas une question féministe, que c'est juste que les gens ne respectent pas les personnes grosses, mais même pas. Mon cousin, il est encore plus gros que moi, et aux repas de famille, quand il reprend deux fois du dessert, on rigole, on dit : "Quel bon vivant, lui !". Mais moi, on me met en garde, on me dit gentiment que ce n'est pas comme ça que je vais trouver quelqu'un.